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» bien se promener pour plus long-temps, car il est encore à revenir. Il alla >> en Provence, trouver son bâtard, qu'il avait donné à instruire à Gassendi, » son intime, qui avait logé ici chez lui si long-temps. Il disait pour ses rai»sons que son parlement et ses amis l'occupaient trop à solliciter leurs » affaires. Il fut bien malade à Toulon, de là il passa en Italie, fut encore » malade à Gênes, et enfin mourut à Pise. »

(11) Jean Hesnaut, auteur du fameux Sonnet de l'Avorton. Voici celui qu'il composa contre Colbert lors du procès de Fouquet :

Ministre avare et lâche, esclave malheureux,
Qui gémis sous le poids des affaires publiques;
Victime dévouée aux chagrins politiques,
Fantôme révéré sous un titre onéreux;

Vois combien des grandeurs le comble est dangereux,
Contemple de Fouquet les funestes reliques,
Et tandis qu'à sa perte en secret tu t'appliques,
Crains qu'on ne te prépare un destin plus affreux.
Sa chute quelque jour te peut être commune;
Crains ton poste, ton rang, la cour et la fortune;
Nul ne tombe innocent d'où l'on te voit monté.
Cesse donc d'animer ton prince à son supplice,
Et, près d'avoir besoin de toute sa bonté,
Ne le fais pas user de toute sa justice.

Effrayé de l'inflexible rigueur avec laquelle fut traité le surintendant, Hesnaut s'empressa de détruire tous les exemplaires qu'il en put retrouver. Colbert, à qui l'on parla de ce sonnet injurieux, demanda si le roi y était offensé. On lui dit que non. « Je ne le suis donc pas, » répondit le ministre avec une modération de parade. Il y a plus de vérité dans le mot de Charles II. Voyant un homme au pilori, ce prince demanda quel était son crime: Sire, lui dit-on, il a composé des libelles contre vos ministres. Le grand Une partie des OEuvres diverses de Hesnaut a été recueillie en un volume in-12, Paris, 1670. Il mourut en 1682.

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sot! répondit Charles; que ne les écrivait-il contre moi? »

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(12) Cirano de Bergerac donna en 1653, deux ans avant sa mort, une tragédie d'Agrippine, qui fut froidement accueillie. Il disait de Montfleuri père, comédien de l'Hôtel de Bourgogne très-largement constitué : « A cause que ce coquin-là est si gros qu'on ne peut le bâtonner tout entier en un jour il fait le fier. » Ayant eu querelle avec cet acteur, il lui avait défendu de sa propre autorité de monter sur le théâtre. « Je t'interdis, lui dit-il, pour un mois. » A deux jours de là, Bergerac se trouvant à la Comédie, Montfleuri parut et vint faire son rôle à son ordinaire. Bergerac, du milieu du parterre, lui cria de se retirer en le menaçant, et il fallut que Montfleuri, crainte de pis, se retirât. (Ménagiana, édit. de 1715, t. m, p. 240.)

(13) Grimarest a dit que Molière fut obligé de faire le voyage à cause du grand âge de son père. L'assertion est inexacte: le père de Molière ne pouvait avoir alors plus de 46 ans, puisque ses père et mère se marièrent le 11 juillet 1594 (Dissertation sur Molière, par M. Beffara, p. 25 et 26). Il ne mourut d'ailleurs qu'en février 1669. Voici son acte de décès, inscrit, sur les registres de la paroisse Saint-Eustache :

« Mercredi 27e.

Convoi de 42. Service complet. Assistance de M. le curé. 4 prêtres porteurs, pour défunt Jean Poquelin, tapissier-valet de chambre du Roy, bourgeois de Paris, demeurant sous les piliers des Halles, devant la fontaine, A été inhumé dans notre Église.

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(14) Voici le passage de la comédie d'Élomire hypocondre, acte IV,

scène 2:

En quarante et quelque peu devant,
Je sortis du collége, et j'en sortis savant;
Puis venant d'Orléans, où je pris mes licences,
Je me fis avocat au retour des vacances;

Je suivis le barreau pendant cinq ou six mois,
Où j'appris à plein fond l'ordonnance et les lois.
Mais, quelque temps après, me voyant sans pratique,
Je quittai là Cujas, et je lui fis la nique.

Me voyant sans emploi, je songe où je pouvais
Bien servir mon pays des talents que j'avais;
Mais ne voyant point où, que dans la comédie,
Pour qui je me sentais un merveilleux génie,
Je formai le dessein de faire en ce métier

Ce qu'on n'avait point vu depuis un siècle entier,
C'est-à-dire, en un mot, ces fameuses merveilles
Dont je charme aujourd'hui les yeux et les oreilles.

(15) Voici ce que dit Tallemant des Réaux en terminant la revue des acteurs célèbres en 1656 ou auparavant : « Il faut finir par la Béjart; je ne l'ai jamais vue jouer, mais on dit que c'est la meilleure actrice de toutes. Elle est dans une troupe de campagne. Elle a joué à Paris; mais ç'a été dans une troisième troupe, qui n'y fut que quelque temps. Un garçon, nommé Molière, quitta les bancs de la Sorbonne pour la suivre. Il en fut long-temps amoureux, donnait des avis à la troupe, et enfin s'en mit et l'épousa. Il a fait des pièces si ce n'est où il y a de l'esprit, mais ce n'est pas un merveilleux acteur, pour le ridicule. Il n'y a que sa troupe qui joue ses pièces. Elles sont comiques.

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nommé

On voit qu'il est difficile d'être plus mal instruit que Tallemant des Réaux. Il confond Madeleine Béjart, l'actrice de l'Illustre théâtre, avec Arle mande-Grésinde-Claire-Élisabeth Béjart, sa jeune sœur, que Molière épousa. Celle-ci était à peine née lors de la prétendue sortie de Molière de la Sorbonne,

garçon

Dans le sixième volume de sa nouvelle édition des OEuvres de La Fontaine, Paris, Lefèvre, 1827 (page 480, note), M. Walckenaer, sans réfuter aucun des arguments que nous avons opposés à Tallemant des Réaux, s'étonne de ce qu'on n'a pas accueilli son témoignage. Il témoigne la même surprise, dans ses Mémoires sur madame de Sévigné, Paris, Firmin Didot, 1843, in-18, seconde partie, pag. 487. Nous ne pouvons que répéter ce que nous avons dit: Est-il probable que les parents de Molière eussent fait recevoir leur fils valet de chambre du roi s'ils avaient voulu le faire prêtre ? Comment ne pas s'en rapporter à la triple autorité de La Grange, de Boulanger et de Grimarest, plutôt qu'à celle de Tallemant seul, qui, n'étant ni l'ami ni l'ennemi de Molière, n'avait pas le même intérêt à bien étudier sa vie, et l'étudia si mal que son assertion se trouve accolée à un fait faux? Enfin, quand Molière aurait-il pu étudier la théologie, puisqu'il ne revint des Pyrénées qu'à la fin de 1642, alla étudier le droit à Orléans, revint à

Paris se faire recevoir avocat, suivit les représentations et prit les leçons de Scaramouche, se mit à la tête de la troupe de l'Illustre théâtre, et partit à la fin de 1645 ou au commencement de 1646 pour courir la province avec sa troupe?

(16) Cette tradition se trouve consignée dans le quatrain placé portrait de Scaramouche :

Cet excellent comédien

Atteignit de son art l'agréable manière;

Il fut le maître de Molière,

Et la nature fut le sien.

au bas du

(Le Poète sans fard, ou Discours satiriques, par le sieur G. (Gacon), Cologne, 1696, pag. 162, in-12).

(17) Ce Magnon fit beaucoup d'autres ouvrages, et le Registre de La Grange nous apprend que quand Molière et sa troupe furent installés à Paris, ils représentèrent, sans doute par bon souvenir, le 12 décembre 1659, une Zénobie de cet auteur. La pièce n'eut pas grand succès, car La Grange, après avoir sorti hors ligne la somme très-faible que produisit chacune des trois premières représentations, met, comme résultat de la quatrième : Un four, locution de théâtre qui est l'effroi des caissiers. Le 10 août précédent on avait donné cent livres à Magnon, à titre sans doute d'à-compte charitable sur un succès qui ne vint pas le libérer.

(18) Le nom de MOLIÈRE avait déjà été porté par l'auteur d'un roman en un volume in-8°, publié en 1620, intitulé la Semaine amoureuse (par François Molière, sicur d'Essertines), et par celui d'un autre roman ayant pour titre Polixène, publié en trois volumes dans la même année, et réimprimé plusieurs fois, notamment en 1635, en deux volumes. On lit dans la Vie de Molière, par Voltaire, et dans plusieurs Dictionnaires et Histoires du ThéâtreFrançais, que ce dernier homonyme de notre auteur était comédien, et qu'il fit une tragédie intitulée Polixène; comme on n'y mentionne pas son roman du même titre, il nous paraît constant qu'il y aura eu erreur de la part de ce's historiens, qui auront fait un tragique de ce romancier. Cette opinion est celle de M. Beuchot. (Voir l'article MOLIÈRE [ d'Essertines ] dans la Biographie universelle.)

Les contemporains de notre auteur l'ont tantôt nommé Molière, tantôt de Molière. On trouve aussi l'un et l'autre sur le titre et dans les priviléges des éditions originales de ses pièces sur les registres de sa troupe et sur celui de La Grange on lit toujours M. de Molière; mais dans aucune des signatures que l'on possède de lui il n'a fait précéder son nom de la particule nobiliaire; et dans l'Impromptu de Versailles, il nomme sa femme mademoiselle Molière. Il est à remarquer que dans tous les actes de l'état civil le concernant, faits pendant sa vie, qui nous sont parvenus, on ne l'a appelé que Molière simplement, et que ce n'est qu'à partir de son acte de décès qu'on l'a gratifié de la particule. Il y a même à la Bibliothèque du roi une quittance d'arrérages de rente, donnée par sa veuve, où il est appelé Poquelin SIEUR DE Molière, désignation qui appartenait aux gentilshommes tout au moins écuyers, et que les bourgeois ne pouvaient prendre que quand ils possédaient un fief. Il est évident que ces différences ne doivent s'expliquer que par la vanité de mademoiselle Molière. La Fontaine fut mis à l'amende pour

avoir également pris une qualité qui ne lui appartenait pas; mais on ne peut guère supposer au Bonhomme le même mobile qu'à la femme de son ami,

(19) Les frères Parfait disent dans leur Histoire du Théâtre français, t. iv, p. 238 : « Gros-Guillaume jouait à visage découvert, et ses deux camarades Gautier-Garguille et Turlupin toujours masqués. Il eut la hardiesse de contrefaire un magistrat à qui une certaine grimace était familière, et il le contrefit trop bien, car il fut décrété, lui et ses compagnons. Ceux-ci prirent la fuite; mais Gros-Guillaume fut arrêté et mis dans un cachot : le saisissement qu'il en eut lui causa la mort, et la douleur que Gautier-Garguille et Turlupin en ressentirent les emporta aussi dans la même semaine,»

Gautier-Garguille composa des chansons qui furent imprimées en 1634, et réimprimées en 1658. Le privilége du roi qui les accompagne est trop curieux pour que nous ne le citions pas ici, du moins en partie : « Notre cher et bienaimé Hugues Guéru, dit Fléchelles, l'un de nos comédiens ordinaires, nous a fait remontrer que, ayant composé un petit livre intitulé les Nouvelles chansons de Gautier-Garguille, il désirait le mettre en lumière et faire imprimer; mais il craint qu'autres que lui... ne le contrefissent, et n'ajoutassent quelques chansons plus dissolues que les siennes... >>

(20) DOMINIQUE BIANCOLELLI, surnommé Arlequin, acteur de la troupe italienne, laissa son nom à son emploi. Au théâtre, et sous son masque, il savait exciter le rire des spectateurs les plus sérieux; mais, à la ville, il était mélancolique et triste. Étant allé un jour chez un fameux médeciu pour le consulter sur la maladie noire dont il était attaqué, celui-ci, qui ne le connaissait pas, lui dit qu'il n'y avait d'autre remède pour lui que d'aller souvent rire aux bouffonneries d'Arlequin. « En ce cas, je suis mort, répondit le pauvre malade, car c'est moi qui suis Arlequin. » Les Italiens jouaient des pièces françaises; les comédiens nationaux prétendirent qu'ils n'en avaient pas le droit. Le roi voulut être le juge de ce différend; Baron se présenta pour défendre la prétention des comédiens français, et Arlequin vint pour soutenir celle des italiens. Après le plaidoyer de Baron, Arlequin dit au roi : Sire, comment parlerai-je? — Parle comme tu voudras, répondit le roi. — Il n'en faut pas davantage, dit Arlequin, j'ai gagné ma cause. » On assure que cette décision, quoique obtenue par subtilité, eut son effet, et que depuis les comédiens italiens jouèrent des pièces françaises. (Histoire de Paris, par Dulaure, Ire édit., t. IV, p. 549.)

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Dans les mémoires de Dangeau, on lit sous la date du 2 août 1688 : Arlequin est mort aujourd'hui à Paris. On dit qu'il laisse 300,000 livres de » biens. On lui a donné tous les sacrements, parce qu'il a promis de ne plus » monter sur le théâtre. » Cet Arlequin était le sieur Dominique, comédien plaisant, salé, mettant du sien, sur-le-champ et avec variété, ce qu'il y avait de meilleur dans ses rôles; il était sérieux, studieux et très-instruit. Le premier président de Harlay, qui le rencontra souvent à la bibliothèque de Saint-Victor, fut si charmé de sa science et de sa modestie, qu'il l'embrassa et lui demanda son amitié. Depuis ce temps-là jusqu'à la mort de ce rare acteur, M. de Harlay le reçut toujours chez lui avec une estime et une distinction particulière; le monde qui le sut prétendait qu'Arlequin le dressait 'aux mines, et qu'il était plus savant que le magistrat; mais que celui-ci était

aussi bien meilleur comédien que Dominique. » (Note d'un anonyme (SamtSimon); Nouveaux Mémoires de Dangeau, publiés par M. Lemontey.)

(21) Scaramouche, Le véritable nom de cet acteur était Tiberio Fiurelli, a son arrivée à Paris, il fut présenté à Louis XIV. Dès qu'il fut en présence du jeune prince, il laissa tomber son manteau, et parut en costume de son personnage, avec son chien, son perroquet et sa guitare; alors, s'accompagnant avec cet instrument, il chauta denx couplets italiens, où son perroquet et son chien, qu'il avait dressés, firent leur partie, Cet étrange concert plut beaucoup au roi, qui conserva pour Scaramouche une sorte d'affection. Cet acteur devint à la mode; il était très-immoral. Un de ses tours était de se donner un soufflet avec le pied, et il conserva cette souplesse dans l'âge le plus avancé. Il mourut en 1685, à plus de 80 ans. (Vie de Scaramouche, 1695, chap. XXIV; Histoire de Paris, par Dulaure, 1'e édit., t. IV, p. 549; Mémoires de Dangeau, publiés par madame de Genlis, t. 1, p. 105.)

(22) Une déclaration du roi, du 16 avril 1641, enregistrée au parlement le 24 du même mois, défendait que l'état d'acteur pût être désormais imputé à blâme et préjudiciât à la réputation du comédien dans le commerce public. (Voir cet édit., t. vi, p. 127 de l'Histoire du Théatre-Français.) On lit aussi dans le privilége accordé en 1672 par Louis XIV à Lulli, pour l'organisation de l'Académie royale de Musique, que ce théâtre est érigé « sur le pied des académies d'Italie, où les gentilshommes chantent publiquement en musique sans déroger: VOULONS ET NOUS PLAÎT, ajoute le roi, que tous gentilshommes et damoiselles puissent chanter auxdites pièces et représentations de notre Académie royale, sans que pour ce ils soient censés déroger audit titre de noblesse, et à leurs priviléges, charges, droits et immunités. »

(23) Grimarest substitue au maître de pension un ecclésiastique, et trouve ainsi moyen de rendre ce récit grossièrement ridicule.

Cette anecdote a fourni à MM, Deschamps, Ségur aîné et Desprez le sujet d'un vaudeville représenté au théâtre de la rue de Chartres, en juin 1799, sous le titre de Molière à Lyon.

(24) Grimarest semble donner à entendre que mademoiselle Du Parc, De Brie, sa femme et Ragueneau, père de mademoiselle La Grange, faisaient également partie de l'Illustre théâtre, Mais l'auteur de la Fameuse comé, dienne, ou histoire de la Guérin, auparavant femme et veuve de Molière, page 8 de cet ouvrage, dit que ces acteurs ne se réunirent à Molière que pendant ses voyages en province (à Lyon, en 1653, comme on le verra ci-après). Les historiens du Théâtre-Français, les frères Parfait (tome x, pag. 367 et 368), rapportent, du moins quant à mademoiselle Du Parc, ces deux avis sans se prononcer pour aucun. Le dernier, que Petitot a adopté, nous semble aussi plus digne de confiance; car mademoiselle Du Parc, qui mourut en 1668, le 10 ou le 11 décembre, était encore à sa mort une des plus jolies femmes et des plus recherchées de son temps (voir la Lettre en vers de Robinet, du 15 décembre 1668); ce qui ne laisserait pas d'être assez inconcevable si elle eût fait partie de l'Illustre théâtre en 1645. Elle n'eût pu avoir guère moins de quarante-cinq ans à sa mort, âge auquel il lui eût été difficile de voir ses charmes compter d'aussi nombreux adorateurs : il est donc probable que Du Parc ne l'épousa qu'à son arrivée à Lyon, en 1653, jeune encore. Ce qui

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