Images de page
PDF
ePub

Dieu, qui, frappant Joram le mari de leur fille,
A jusques sur son fils poursuivi leur famille ;
Dieu, dont le bras vengeur, pour un temps suspendu,
Sur cette race impie est toujours étendu?

JOSABET.

Et c'est sur tous ces rois sa justice sévère
Que je crains pour le fils de mon malheureux frère.
Qui sait si cet enfant, par leur crime entraîné,1
Avec eux en naissant ne fut pas condamné ?
Si Dieu, le séparant d'une odieuse

race,
En faveur de David voudra lui faire grâce?
Hélas! l'état horrible où le ciel me l'offrit
Revient à tout moment effrayer mon esprit.
De princes égorgés la chambre était remplie :
Un poignard à la main, l'implacable Athalie
Au carnage animait ses barbares soldats,
Et poursuivait le cours de ses assassinats.
Joas, laissé pour mort, frappa soudain ma vue:
Je me figure encor sa nourrice éperdue,"
Qui devant les bourreaux s'était jetée en vain,
Et, faible, le tenait renversé sur son sein.

Je le pris tout sanglant. En baignant son visage,
Mes pleurs du sentiment lui rendirent l'usage;
Et, soit frayeur encore, ou pour me caresser,
De ses bras innocents je me sentis presser.

Grand Dieu, que mon amour ne lui soit point funeste!
Du fidèle David c'est le précieux reste:
Nourri3 dans ta maison, en l'amour de ta loi,
Il ne connaît encor d'autre père que toi.
Sur le point d'attaquer une reine homicide,
A l'aspect du péril si ma foi s'intimide,

Si la chair et le sang, se troublant aujourd'hui,
Ont trop de part aux pleurs que je répands pour lui,
Conserve l'héritier de tes saintes promesses,

Et ne punis que moi de toutes mes faiblesses!

1 Entraîné par leur crime-Involved by their crime in a similar fate. 2 Eperdue-Distracted. 8 Nourri-Brought up.

JOAD.

Vos larmes, Josabet, n'ont rien de criminel;
Mais Dieu veut qu'on espère en son soin paternel.
Il ne recherche point,1 aveugle en sa colère,
Sur le fils qui le craint l'impiété du père.
Tout ce qui reste encor de fidèles Hébreux
Lui viendront aujourd'hui renouveler leurs vœux.2
Autant que de David la race est respectée,
Autant de Jézabel la fille est détestée.
Joas les touchera par sa noble pudeur,3
Où semble de son sang reluire la splendeur :
Et Dieu, par sa voix même appuyant notre exemple,
De plus près à leur cœur parlera dans son temple.
Deux infidèles rois tour à tour l'ont bravé:

Il faut que sur le trône un roi soit élevé,

Qui se souvienne un jour qu'au rang de ses ancêtres
Dieu l'a fait remonter par la main de ses prêtres,
L'a tiré par leurs mains de l'oubli du tombeau,*
Et de David éteint rallumé le flambeau.

Grand Dieu, si tu prévois qu'indigne de sa race
Il doive de David abandonner la trace,
Qu'il soit comme le fruit en naissant arraché,
Ou qu'un souffle ennemi dans sa fleur a séché!
Mais si ce même enfant, à tes ordres docile,
Doit être à tes desseins un instrument utile,
Fais qu'au juste héritier le sceptre soit remis ;
Livre en mes faibles mains ses puissants ennemis :
Confonds dans ses conseils une reine cruelle !
Daigne, daigne, mon Dieu, sur Mathan et sur elle

1 Il ne recherche point-He does not punish.

2 Renouveler leurs vœux-To pledge to nim again their vow of loyalty. 3 Pudeur-Modesty.

4 L'oubli du tombeau-The silence of the tomb.

5 De David éteint. On ne dirait point de César éteint, en parlant de sa maison, de la race de César. Cette épithète, qui accompagnerait mal tout autre nom, semble faite pour celui de David, la lumière d'Israël, d'où deit sortir la lumière des nations.-L. RACINE.

6 Il doive abandonner-He is to abandon.

7 Confonds-Baffle.

Répandre cet esprit d'imprudence et d'erreur,
De la chûte des rois funeste avant-coureur!

L'heure me presse: adieu. Des plus saintes familles
Votre fils et sa sœur vous amènent les filles.

SCÈNE III.

JOSABET, ZACHARIE, SALOMITH, LE CHŒur.

JOSABET.

Cher Zacharie, allez, ne vous arrêtez pas;
De votre auguste père accompagnez les pas.
O filles de Lévi, troupe jeune et fidèle,
Que déjà le Seigneur embrase de son zèle,
Qui venez si souvent partager mes soupirs,
Enfants, ma seule joie en mes longs déplaisirs,
Ces festons dans vos mains, et ces fleurs sur vos têtes,
Autrefois convenaient à nos pompeuses fêtes:
Mais, hélas! en ce temps d'opprobre et de douleurs,
Quelle offrande sied mieux que celle de nos pleurs !
J'entends déjà, j'entends la trompette sacrée,
Et du temple bientôt on permettra l'entrée.
Tandis que je me vais préparer à marcher,
Chantez, louez le Dieu que vous venez chercher.

SCÈNE IV.

LE CHEUR.

TOUT LE CHŒUR chante.

Tout l'univers est plein de sa magnificence;
Qu'on l'adore ce Dieu; qu'on l'invoque à jamais:
Son empire a des temps précédé la naissance;
Chantons, publions ses bienfaits.

UNE VOIX seule.

En vain l'injuste violence

Au peuple qui le loue imposerait silence ;

[ocr errors]

Son nom ne périra jamais.

Le jour annonce au jour sa gloire et sa puissance,
Tout l'univers est plein de sa magnificence:
Chantons, publions ses bienfaits.
TOUT LE CHŒUR répète.

Tout l'univers est plein de sa magnificence:
Chantons, publions ses bienfaits.
UNE VOIX seule.

Il donne aux flenrs leur aimable peinture;
Il fait naître et mûrir les fruits;

Il leur dispense avec mesure

Et la chaleur des jours et la fraîcheur des nuits. Le champ qui les reçut les rend avec usure.

UNE AUTRE.

Il commande au soleil d'animer la nature,
Et la lumière est un don de ses mains:
Mais sa loi sainte, sa loi pure

Est le plus riche don qu'il ait fait aux humains.

UNE AUTRE.

O mont de Sinaï, conserve la mémoire
De ce jour jamais auguste et renommé,

Quand, sur ton sommet enflammé,
Dans un nuage épais le Seigneur enfermé
Fit luire aux yeux mortels un rayon de sa gloire.
Dis-nous pourquoi ces feux et ces éclairs,
Ces torrents de fumée, et ce bruit dans les airs,
Ces trompettes et ce tonnerre:
Venait-il renverser l'ordre des éléments?
Sur ses antiques fondements
Venait-il ébranler la terre ?

UNE AUTRE.

Il venait révéler aux enfants des Hébreux
De ses préceptes saints la lumière immortelle ;
Il venait à ce peuple heureux

Ordonner de l'aimer d'une amour éternelle.

TOUT LE CHEUR.

O divine, ô charmante loi !
O justice, ô bonté suprême !

Que de raisons, quelle douceur extrême
D'engager 1 à ce Dieu son amour et sa foi!

UNE VOIX seule.

D'un joug cruel il sauva nos aïeux, Les nourrit au désert d'un pain délicieux; Il nous donne ses lois, il se donne lui-même : Pour tant de biens, il commande qu'on l'aime.

LE CHOEUR.

O justice, ô bonté suprême!

LA MEME VOIX.

Des mers pour eux il entr'ouvrit les eaux ; D'un aride rocher fit sortir des ruisseaux ; Il nous donne ses lois, il se donne lui-même ; Pour tant de biens, il commande qu'on l'aime.

LE CHEUR.

O divine, ô charmante loi !

Que de raisons, quelle douceur extrême D'engager à ce Dieu son amour et sa foi!

UNE AUTRE VOIX seule.

Vous qui ne connaissez qu'une crainte servile,
Ingrats, un Dieu si bon ne peut-il vous charmer?
Est-il donc à vos cœurs, est-il si difficile
Et si pénible de l'aimer ?

L'esclave craint le tyran qui l'outrage;
Mais des enfants l'amour est le partage:
Vous voulez que ce Dieu vous comble de bienfaits,
Et ne l'aimer jamais!

1 D'engager-To pledge.

2 Il entr'ouvrit-He divided.

8 Que de raisons-How many motives.

« PrécédentContinuer »