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JOAD.

Peuple lâche, en effet, et né pour l'esclavage,
Hardi contre Dieu seul! Poursuivons notre ouvrage.
Mais qui retient encor ces enfants parmi nous ?

UNE DES FILLES DU CHŒUR.

Ilé! pourrions-nous, Seigneur, nous séparer de vous ? Dans le temple de Dieu sommes-nous étrangères ? Vous avez près de vous nos pères et nos frères.

UNE AUTRE.

Hélas! si, pour venger l'opprobre d'Israël,
Nos mains ne peuvent pas, comme autrefois Jahel,1
Des ennemis de Dieu percer la tête impie,
Nous lui pouvons du moins immoler notre vie.
Quand vos bras combattront pour son temple attaqué,
Par nos larmes du moins il peut être invoqué.

JOAD.

Voilà donc quels vengeurs s'arment pour ta querelle,
Des prêtres, des enfants, ô Sagesse éternelle !
Mais, si tu les soutiens, qui peut les ébranler?
Du tombeau, quand tu veux, tu sais nous rappeler ;
Tu frappes et guéris, tu perds2 et ressuscites.
Ils ne s'assurent point en leurs propres mérites,
Mais en ton nom sur eux invoqué tant de fois,
En tes serments jurés au plus saint de leurs rois,
En ce temple où tu fais ta demeure sacrée,
Et qui doit du soleil égaler1 la durée.

Mais d'où vient que mon cœur frémit d'un saint effroi?
Est-ce l'esprit divin qui s'empare de moi?

C'est lui-même: il m'échauffe; il parle; mes yeux s'ouvrent,

Et les siècles obscurs devant moi se découvrent.

1 Juges, ch. iv.

2 Tu perds-Thou destroyest.

3 Ils ne s'assurent-They do not trust in. 4 Doit égaler-Is to equal.

5 Les siècles obscurs-Future ages.

Lévites, de vos sons prêtez-moi les accords,
Et de ses mouvements secondez les transports.

LE CHŒUR chante au son de toute la symphonie des instruments.

Que du Seigneur la voix se fasse entendre,
Et qu'à nos cœurs son oracle divin

Soit ce qu'à l'herbe tendre

Est, au printemps, la fraîcheur du matin.

JOAD.

Cieux, écoutez ma voix. Terre, prête l'oreille. Ne dis plus, ô Jacob, que ton Seigneur sommeille! Pécheurs, disparaissez; le Seigneur se réveille. (Ici recommence la symphonie, et Joad aussitôt reprend la parole.)

Comment en un plomb vil l'or pur1 s'est-il changé ?
Quel est dans le lieu saint ce pontife2 égorgé ?
Pleure, Jérusalem, pleure, cité perfide,

Des prophètes divins malheureuse homicide;
De son amour pour toi ton Dieu s'est dépouillé ;
Ton encens à ses yeux est un encens souillé...

Où menez-vous ces enfans et ces femmes ?
Le Seigneur a détruit la reine des cités :
Ses prêtres sont captifs, ses rois sont rejetés.
Dieu ne veut plus qu'on vienne à ses solennités.
Temple, renverse-toi. Cèdres, jetez des flammes.
Jérusalem, objet de ma douleur,

Quelle main en un jour t'a ravi tous tes charmes ? Qui changera mes yeux en deux sources de larmes Pour pleurer ton malheur?

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LE CHEUR.

Dieu de Sion, rappelle,

Rappelle en sa faveur tes antiques bontés.

(La symphonie recommence encore, et Joad un moment après l'interrompt.)

JOAD.

Quelle Jérusalem nouvelle

Sort du fond du désert, brillante de clartés,
Et porte sur le front une marque immortelle ?
Peuples de la terre, chantez.

Jérusalem renaît1 plus charmante et plus belle:
D'où lui viennent de tous côtés

Ces enfants qu'en son sein elle n'a point portés ?
Lève, Jérusalem, lève ta tête altière;

Regarde tous ces rois de ta gloire étonnés ;
Les rois des nations, devant toi prosternés,
De tes pieds baisent la poussière :
Les peuples à l'envi marchent à ta lumière.
Heureux qui pour Sion d'une sainte ferveur
Sentira son ame embrasée !

Cieux, répandez votre rosée,
Et que la terre enfante son Sauveur !

JOSABETH.

Hélas! d'où nous viendra cette insigne3 faveur,
Si les rois de qui doit descendre ce Sauveur...

JOAD.

Préparez, Josabeth, le riche diadème

Que sur son front sacré David porta lui-même. (Aus Lévites.)

Et vous, pour vous armer, suivez-moi dans ces lieux Où se garde caché, loin des profanes yeux,

Ce formidable amas de lances et d'épées

Qui du sang philistin jadis furent trempées,

L'Église.

2 Les Gentils.

3 Insigne-Signal.

Et

que David vainqueur, d'ans et d'honneurs chargé, Fit consacrer au Dieu qui l'avait protégé.

Peut-on1 les employer pour un plus noble usage
Venez, je veux moi-même en faire le partage.

SCÈNE VIII.

SALOMITH, LE CHŒUR.

SALOMITH.

?

Que de craintes, mes sœurs, que de troubles mortels!
Dieu tout-puissant, sont-ce là les prémices,
Les parfums et les sacrifices

Qu'on devait en ce jour offrir2 sur tes autels?

UNE DES FILLES DU CHEUR.

Quel spectacle à nos yeux timides!
Qui l'eût cru qu'on dût voir jamais

Les glaives meurtriers, les lances homicides
Briller dans la maison de paix ?

UNE AUTRE.

D'où vient que, pour son Dieu pleine d'indifférence, Jérusalem se tait en ce pressant danger?

D'où vient, mes sœurs, que, pour nous protéger, Le brave Abner au moins ne rompt pas le silence?

SALOMITH.

Hélas! dans une cour où l'on n'a d'autres lois
Que la force et la violence,

Où les honneurs et les emplois

Sont le prix d'une aveugle et basse obéissance,
Ma sœur, pour la triste innocence
Qui voudrait élever sa voix ?

1 Peut-on-Is it possible.

2 Qu'on devait offrir-Which were to be offered.
3 Se tait-Is or remains silent.

UNE AUTRE.

Dans ce péril, dans ce désordre extrême, Pour qui prépare-t-on le sacré diadème ?

SALOMITH.

Le Seigneur a daigné parler;
Mais ce qu'à son prophète il vient de révéler.'
Qui pourra nous le faire entendre?
S'arme-t-il pour nous défendre?
S'arme-t-il pour nous accabler?

TOUT LE CHŒUR chante.

O promesse! ô menace! ô ténébreux mystère !
Que de maux, que de biens sont prédits tour à tour!
Comment peut-on avec tant de colère
Accorder tant d'amour?

UNE VOIX, seule.
Sion ne sera plus; une flamme cruelle

Détruira tous ses ornements.

UNE AUTRE VOIX.

Dieu protége Sion; elle a pour fondements
Sa parole éternelle.

LA PREMIÈRE.

Je vois tout son éclat disparaître à mes yeux.

LA SECONDE.

Je vois de toutes parts sa clarté répandue.

LA PREMIÈRE.

Dans un gouffre profond Sion est descendue.

LA SECONDE.

Sion a son front dans les cieux.

1 Il vient de révéler-He has just revealed.

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