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Pour ne pas séparer ce qui est naturellement uni, nous allons placer sous cette rubrique banale et commode de Variétés une publication collective dont les diverses parties auraient pu rentrer dans quelques-uns de nos précédents chapitres et y figurer avec honneur.

Il s'agit d'une œuvre de vulgarisation qui a été plusieurs fois essayée dans ce siècle et qui est en train de se réaliser avec tout le succès dont elle est digne. La Bibliothèque utile (1), sous la direction de M. H. Leneveux, comprend, depuis deux ans, près de trente volumes, consacrés aux connaissances les plus variées, et dont un certain nombre ne sont point étrangers aux objets qui nous occupent: l'histoire, la géographie, la philosophie, la littérature et même les beaux-arts.

Un même esprit réunit les collaborateurs de cette intéressante publication, sans que chacun d'eux renonce à sa physionomie propre; c'est l'esprit libéral dans toutes les nuances qu'il peut comporter. Tous les auteurs de la Bi

1. Dubuisson et C, Pagnerre, Havard, Martinon, Dutertre; 27 vol. in-16, chacun d'environ 200 pages.

bliothèque utile ne signeraient pas le même symbole; mais on sent qu'ils marchent sous le même drapeau. Deux d'entre eux, M. Victor Guichard et M. Leneveux, le fondateur, ont formé, de deux études distinctes, un de ces petits volumes, sous le titre : De l'Instruction en France. « Ce petit livre, disent-ils, est en réalité composé de deux opuscules à la fois séparés et unis : séparés par la diversité des détails et l'étude des moyens, unis par la pensée que du progrès de l'instruction dépendent tous les autres progrès. »

Ce qui est dit de la composition d'un des volumes pourrait se dire de la composition même de toute la bibliothèque. On pourrait aussi donner à celle-ci tout entière la devise que M. Guichard emprunte à Malebranche : « L'erreur est la cause de la misère des hommes,» ou celle que M. Leneveux traduit de Bacon: « Savoir, c'est pouvoir. » Pour tous les coopérateurs de M. Leneveux, la Bibliothèque utile, en vulgarisant la science, tend à l'affranchissement moral de l'homme et prépare contre les maux de la société le remède le plus infaillible.

Nous ne parlerons que pour mémoire des volumes consacrés aux sciences physiques, mathémathiques ou naturelles, considérées dans la théorie ou dans l'application. Il est évident que des traités populaires de mécanique, de chimie, de médecine ou d'hygiène sont destinés à combattre bien des erreurs, causes de misère, ou à augmenter, par le savoir, le pouvoir humain; la tâche en a été confiée à des esprits distingués dont quelques-uns ne se sont peut être pas assez pénétrés de la nécessité de présenter ce que la science a de plus curieux ou de plus utile sous la forme la plus élémentaire. Quelques volumes de la série scientifique sont plutôt faits pour rappeler aux gens instruits des choses qu'ils craignent d'oublier, que pour les révéler à ceux qui en ignorent le premier mot. Cette remarque pourrait s'appliquer aussi à quelques volumes de

la série historique, littéraire ou philosophique; ceux-là mêmes pourront être utiles encore, mais non pas de cette utilité populaire que le fondateur de la bibliothèque voulait leur donner.

Sa pensée me semble exprimée tout entière dans cette suite d'axiomes sur l'instruction gratuite et obligatoire. mis en tête du volume de MM. Guichard et Leneveux.

L'obligation de pourvoir à l'éducation de ses enfants n'est pas une atteinte à la liberté, mais un devoir écrit dans toutes les lois.

La gratuité de l'instruction primaire n'est pas la spoliation d'une classe au profit d'une autre, mais une mesure d'utilité générale et de salut public.

L'instruction obligatoire n'est pas une utopie; elle existe dans la moitié de l'Europe.

La gratuité de l'instruction primaire n'est pas une utopie; elle existe dans toute l'Allemagne, en Suisse, aux États-Unis, en France dans la plupart des villes.

Si le système de l'instruction gratuite et obligatoire prévalait en France, une petite encyclopédie comme la Bibliothèque utile en serait le couronnement.

En attendant que les masses sachent lire et comprendre, on excusera les collaborateurs de M. Leneveux de viser un peu plus haut et de s'adresser à la partie déjà éclairée du public. C'est à cette tendance que nous devons un certain nombre de petits volumes d'une lecture agréable, intéressante, utile. L'histoire domine parmi les plus littéraires. M. Louis Combes résume en moins de deux cents pages les faits de la Grèce ancienne; M. P.-J.-B. Buchez ouvre l'histoire de France par deux volumes sur les Mérovingiens et les Carlovingiens; M. Frédéric Morin la continue en nous peignant la France au moyen áge; M. Eug. Pelletan la conduit plus loin en retraçant la Décadence de la monarchie française; on annonce un Précis de la Révolu

tion française, par M. H. Carnot, et nous avons déjà une Histoire de la Restauration, par M. Frédéric Lock.

M. Jules Bastide reprend notre histoire nationale d'une manière épisodique dans deux volumes, dont l'un s'intitule les Luttes religieuses des premiers siècles et l'autre : les Guerres de la réforme. La France nouvelle qui cherche à se constituer de l'autre côté de la Méditerranée, nous est racontée et décrite par M. Ach. Fillias dans l'Algérie ancienne et moderne. Hors de la France, nous trouvons l'Histoire de la maison d'Autriche, de M. Charles Rolland; la Révolution d'Angleterre, de M. Eugène Despois; la Pologne, de M. C.-F. Chevé, et l'Inde et la Chine, de M. A. Ott.

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Dans l'ordre juridique, M. Morin expose l'état de la loi civile en France, et M. G. Jourdan celui de la Justice criminelle en France. M. A. Corbon et M. Laurent-Pichat traitent de deux sujets qui semblent s'éloigner beaucoup l'un de l'autre le premier de l'Enseignement professionnel; le second de l'Art et des artistes en France. Dans deux autres ordres d'idées, M. Léon Brothier écrit une Histoire de la terre et une Histoire populaire de la philosophie. Il faut que chaque homme connaisse et le monde qu'il habite et les principales pensées de ceux qui l'ont habité avant lui.

Dans cette longue série d'histoires et de traités, on n'a pas seulement affaire à des encyclopédistes empressés de compiler pour les ignorants ou les gens pressés un memento, un vade mecum, mais aussi à des penseurs, à des moralistes, et quelquefois à des écrivains. Parmi les noms que je viens de rappeler, il en est qui promettent des œuvres ingénieuses, élaborées avec soin: ils ne trompent pas. On pourrait extraire çà et là bien des pages dignes d'être citées. J'indiquerai spécialement toute la conclusion des Luttes religieuses des premiers siècles, par M. Bastide : c'est l'enseignement le plus élevé et le plus vrai de la philosophie de l'histoire; c'est une protestation éloquente contre

les justifications de violences qui semblent tourner au profit de la civilisation ou de la foi. C'est la plus haute expression des tendances morales qui se font sentir avec une mesure plus ou moins juste dans les diverses parties de la Bibliothèque utile.

La science et la poésie. M. H. Lecoq.

La nature est d'ordinaire plus poétique que la science: Celle-ci parle plus à la raison qu'au sentiment; l'imagination y sert moins que la mémoire. Qu'on prenne par exemple la botanique: est-il rien de plus aride, de plus ingrat, de plus rebutant que ces effroyables nomenclatures savantes où les propriétés et les relations des êtres les plus gracieux sont exprimées par des mots barbares ou des accouplements de mots plus barbares encore qui ressemblent à autant de formules de chimie ou d'algèbre. Avec leurs termes techniques tirés du grec, les grammairiens avaient déjà dénaturé les fleurs de rhétorique; les savants ont traité de même les fleurs de la nature, et l'on peut dire des noms des uns et des autres :

Grands mots que Pradon croit des termes de chimie.

M. Henri Lecoq a tenté dans la Vie des fleurs 1, de réconcilier la science et la poésie et de livrer au public les secrets les plus profonds de la botanique dans une langue littéraire. Quant à la science, M. Lecoq avait bien qualité pour la représenter; le savant professeur d'histoire naturelle à la Faculté des sciences de Clermont, correspondant de l'Institut de France et digne d'en être membre titulaire,

1. Hachette et Ce, in-18, 348 p.

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