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avait acquis jusqu'ici dans le monde savant une réputation que le plus souvent les travaux entrepris en province ne donnent pas ses publications scientifiques imprimées à Clermont sont connues, dit-on, dans toute l'Europe. La Vie des fleurs n'est qu'un livre de vulgarisation; la science, pour se faire accessible, y dépouille sa sévérité méthodique et prend un lagange riant et fleuri comme le sujet.

Quelques transformations qu'elle subisse même dans le creuset du chimiste, la fleur nous intéressera toujours à son histoire, parce que cette histoire est celle de la vie et touche à la nôtre par plus d'un point. Après nous avoir fait assister à la création même des fleurs par la formation et le développement de l'élément végétal par excellence, la cellule, M. Lecoq termine ainsi le curieux chapitre intitulé : Les fleurs vivent comme nous, de l'air du temps.

Ainsi ces légers feuillages que le zéphyr du printemps fait naître et que son souffle fait mouvoir; ces corolles si belles, si éclatantes et si parfumées; ces fruits si curieux, offrant toutes les saveurs; ces semences ailées qui voyagent dans les airs, ne sont formés que d'eau et de charbon. Le chimiste nous montre le charbon partout dans la fleur la plus pure comme dans le diamant le plus éblouissant.

En définitive, nous vivons donc de l'air du temps, et notre corps tout entier, dont les matériaux et les os eux-mêmes se renouvellent par la circulation qu'entretient la vie, a pris dans l'atmosphère ses principaux éléments. La chair des herbivores est produite aux dépens de la végétation, et nous avons vu les plantes puiser dans l'air le développement de leurs innombrables cellules.

Un rayon de soleil qui vient frapper la terre, suffit pour élever jusqu'aux nues l'eau qui doit la féconder et pour déterminer dans les tissus des fleurs l'accroissement si prodigieux des cellules et tous les phénomènes physiologiques qui en dépendent.

Le champ fleuri que M. Lecoq parcourt est très-vaste ; il en détermine lui-même assez spirituellement les limites.

« Ce n'est point de la fleur qui brille dans nos parterres que je veux vous entretenir; ce n'est pas dans les jardins que je veux vous conduire, moins encore dans le jardin des racines grecques où, comme on l'a dit spirituellement, bon nombre de botanistes ont passé leur vie; nous aborderons ces plantes ignorées dont vous foulez dans les champs et la parure et les amours. » Si l'auteur évite avec raison de hérisser de grec la science anthologique, il ne craint pas assez en revanche de la joncher des fleurs de rhétorique; sa langue, par les ornements, rappelle un peu trop celle du premier Empire. Il est trop question du palais des fleurs, du temple de Flore, de l'hymenée, de l'autel, de mystères amoureux, de berceaux, de baisers, de royauté, de cour, de brillants cortéges, de perles et de couronnes. L'auteur qui a recours à toute cette décoration vieillie de la nature, s'est trop défié de son sujet et de sa science. Les faits dont son livre est rempli, les mystères de la vie végétale qu'il dévoile, une fois traduits dans la langue de tous, suffisaient pour exciter l'intérêt du public lettré sans aucune recherche littéraire.

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Progrès de la vulgarisation scientifique. MM. J. Macé
et L. Figuier.

Jamais l'éducation ne s'est faite aussi ingénieuse que de nos jours pour mettre à la portée des plus simples intelligences, une foule de notions exactes et variées qui étaient jusqu'ici le privilége de quelques adeptes de la science. Nous avons déjà vu dans les Contes industriels de M. Louis Jourdan, un modèle de ce que nous avons appelé une vulgarisation humoristique1 Toutes les grandes découvertes

1. Voy. Année littéraire, t. III, p. 124.

de l'industrie moderne, ses plus merveilleuses opérations sont là, encadrées dans des récits attrayants. De son côté, M. Jean Macé, professeur à Beblenheim (Haut-Rhin), a entrepris de résumer les faits les plus importants de la physiologie humaine sous une forme accessible aux plus petits enfants, et, pour ôter à son livre jusqu'à l'apparence d'une science trop sévère pour son petit public, il l'intitule d'une façon gracieuse: Histoire d'une bouchée de pain, Lettre à une petite fille sur la vie de l'homme et des animaux1.

L'auteur a mis tout en œuvre pour donner une forme attrayante et facile à un sujet compliqué et rebutant. La difficulté était grande; car il a l'intention de dévoiler sans réserve tous les mystères de la digestion et des fonctions qui s'y rattachent. Il entend décrire tous les organes, les démonter pièce à pièce, comme autant de machines, les remonter ensuite, et, par le concours de l'analyse et de la synthèse, les faire comprendre au repos et en mouvement. Il étudiera tout cela chez l'homme d'abord; il montrera le rôle et l'usage des instruments extérieurs tels que les mains, la langue, les dents, l'arrière-bouche; puis viendront l'estomac, le tube intestinal, le foie, le cœur, les artères et les veines, le poumon, etc., avec les produits spéciaux de chaque organe ou les phénomènes dont il est le théâtre, depuis la formation du chyle jusqu'à la production de la chaleur animale et le renouvellement perpétuel du sang. Passant de l'homme aux animaux, M. J. Macé montrera comment les mêmes phénomènes, sauf des modifications de détail, s'accomplissent au moyen d'organes semblables ou analogues, dans toutes les classes d'êtres vivants, depuis les mammifères jusqu'aux vers et aux zoophites, on pourrait même dire jusqu'aux plantes, dont les phénomènes de nutrition n'échappent pas à ses études.

1. Collection Hetzel (Dentu), in-18,400 p.

Elles sont assez sérieuses pour conduire à des conclusions d'une grande portée. Elles tendent à justifier les idées de Geoffroy Saint-Hilaire sur l'uniformité de plan de la machine animale dans ce qu'elle a d'essentiel; elles aboutissent à cette définition toute nouvelle de l'animal, qui semble au premier abord, une parodie d'une célèbre définition de l'homme : « L'animal est un tube digestif servi par des organes. Puis l'auteur ajoute : « il faut qu'il mange d'abord, et c'est à cela que le Créateur a pourvu en premier lieu; tout le reste est venu ensuite pour l'aider à mieux manger, à s'emparer plus facilement de sa proie et à en tirer un meilleur parti. » La grande supériorité de l'homme sur l'animal consiste dans les développements que peut acquérir son intelligence pour l'accomplissement de fins étrangères à la fonction essentielle de la nutrition.

»

Mais ce ne sont pas ces idées, si justes qu'elles puissent être qui constituent, à nos yeux et pour la généralité des lecteurs, l'originalité du livre de M. J. Macé. Geoffroy Saint-Hilaire, son maître, a d'autres disciples aussi fidèles et plus forts peut-être, dont l'enseignement n'aura pas ce genre de popularité. Le succès de l'Histoire d'une bouchée de pain tient exclusivement à la forme ingénieuse qu'y revêt la science; elle s'y fait presque enfantine; elle parle aux jeunes imaginations; elle prend pour point de départ les idées acquises d'une petite fille de sept ou huit ans. Rapprochements, analogies, comparaisons, transitions ménagées du connu à l'inconnu, voilà les procédés habilement mis en œuvre par ce docteur de l'enfance. Grâce à lui, ces merveilles de l'organisation que les plus grands savants ont mis cinq ou six mille ans à découvrir, vont s'enseigner presque en jouant et en une quarantaine de lectures de famille1. Grâce à une série d'ouvrages de cette

1. Nous voyons annoncer pour paraître prochainement les ouvrages du même auteur qui suivent les Serviteurs de l'estomac, suite de

nature, la France n'aurait bientôt plus rien à envier à l'habileté pédagogique de la savante Allemagne.

En fait de vulgarisation scientifique, M. L. Figuier, l'auteur de l'Année scientifique et industrielle n'en est pas à ses débuts. Après le livre des Grandes inventions, destiné à initier la jeunesse aux progrès des sciences et des arts industriels, il publie aujourd'hui, dans la même pensée et pour le même auditoire le Savant du foyer ou Notions scientifiques sur les objets usuels de la vie1.

L'auteur prend pour point de départ l'observation suivante, que nous lui avons vu emprunter par plusieurs de ses confrères.

Nous sommes parfaitement initiés à l'histoire d'Alexandre et de César, aux faits et gestes de Caton l'Ancien et de Denys le Tyran, et nous pourrions dire le nombre des galères qui figuraient à la bataille de Salamine. Nous savons la valeur du sesterce romain, du talent et de la mine d'Égypte, d'Athènes, de Corinthe et même de Babylone. Mais, en revanche, nous sommes fort ignorants de ce qui concerne la nature et les propriétés de l'air qui nous fait vivre, de l'eau que nous buvons, des aliments qui apaisent notre faim, des combustibles qui servent à nous éclairer et à nous chauffer.

N'est-ce point exagérer à la fois notre savoir et notre ignorance? Les mêmes hommes ne sont ni si forts en érudition, ni si faibles en connaissances usuelles; et dans tous les cas, ce n'est point pour les archéologues, les égyptologues, les assyriologues et autres savants en logue, que le beau volume illustré de M. Figuier est particulièrement rédigé. Nous avons tous besoin, et sur toutes choses, de livres élémentaires qui mettent l'antiquité, comme la vie

l'Histoire d'une bouchée de pain; le Théâtre du petit château, la Reine des éléphants, Histoire d'une jeune fille perdue dans les solitudes de l'Afrique. 431 p.

1. L. Hachette et Cie, gr. in-8 illustré,

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