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Syrie tenoit la doctrine que l'église universelle a tenue dans tous les temps.

Le saint docteur amena plusieurs idolâtres à la connoissance de la vérité; il convertit aussi un grand nombre d'hérétiques. Saint Jérôme fait un bel éloge du livre qu'il composa contre les Macédoniens, pour prouver la divinité du Saint-Esprit. Il établit l'efficacité de la pénitence contre les Novatiens, qui, quoiqu'ils fussent les plus insolens de tous les hommes, ne parurent devant lui, selon l'expression de saint Grégoire de Nysse, que comme des enfans sans force et pleins de timidité. Il ne remporta pas une victoire moins éclatante sur les Millénaristes, les Marcionites, les Manichéens, et les disciples de l'impie Bardesanes. Cet hérésiarque nioit la résurrection de la chair, et avoit répandu ses erreurs à Edesse par le moyen de certains vers que le peuple avoit appris à chanter. Saint Ephrem, pour remédier au mal, fit apprendre aux habitans de la ville et de la campagne d'autres vers qu'il avoit composés, et qui contenoient la doctrine catholique.

Vers l'an 376, Apollinaire commença à dogmatiser publiquement. Il soutenoit qu'il n'y avoit point eu d'ame humaine en Jésus-Christ, et qu'elle avoit été suppléée en lui par la personne divine. Il suivoit de là que Jésus-Christ n'étoit point véritablement homme; qu'il avoit bien pris un corps, mais non pas toute la nature humaine. Saint Ephrem, oubliant son grand âge, parut sur les rangs, attaqua vigoureusement l'apollinarisme, et le terrassa. Il étouffa encore plusieurs autres hérésies dans leur naissance. Son invincible patience le fit triompher de la fureur des Ariens sous l'empereur Constance, et de celle des idolâtres sous Julien l'Apostat.

Ce fut en conséquence d'un avertissement du Ciel, comme il nous l'apprend lui-même (18), qu'il entreprit, vers l'an 372, un long voyage pour faire une visite à saint Basile. Arrivé à Césarée, il se rendit à la grande église, où le saint archevêque prêchoit pour lors. Après le sermon, Basile l'envoya chercher, et lui demanda, par le moyen d'un interprète, s'il n'étoit point Ephrem, ce serviteur de Jésus-Christ (f). « Je suis, repon» dit celui-ci, cet Ephrem qui est bien éloigné » du chemin du Ciel. » Puis fondant en larmes, » et prenant un ton de voix plus élevé, il dit : « O mon père ! ayez pitié d'un misérable pécheur, » et daignez le conduire dans la véritable voie. » Saint Basile lui donna, conformément à ses désirs, des règles pour mener une vie sainte. Il eut avec lui plusieurs entretiens sur des matières de piété, et conçut pour sa personne une vénération singulière. Avant de le laisser partir, il éleva son compagnon au sacerdoce. Saint Ephrem ne voulut jamais permettre qu'on lui conférât cette dignité. Il n'y pouvoit penser sans frayeur, comme il est aisé de le voir par son sermon sur la prêtrise (19). De retour à Edesse, il se renferma dans une (18) In Encomio Basilii, t. II.

(f) Saint Ephrem et saint Basile s'étant entretenus ensemble par le moyen d'un interprète, il est évident que le premier n'entendoit point la langue grecque. L'auteur de l'ancienne traduction de la vie de saint Basile, qui porte le nom de saint Amphiloque, prétend que le saint archevêque de Césarée obtint miraculeusement à saint Ephrem l'intelligence de cette langue, et qu'il l'ordonna prêtre. Il y a deux fautes dans ce récit, et Baillet est tombé dans la seconde. Saint Jérôme, Pallade et plusieurs autres auteurs ne donnent à saint Ephrem que le titre de diacre. D'ailleurs, si l'on consulte la nouvelle traduction de l'ouvrage du faux Amphiloque, et que l'on en examine attentivement le texte original, on verra que ce ne fut point saint Ephrem, mais son disciple et son compagnon que saint Basile éleva au sacerdoce,

(19) T. IV, p. 1, edit. Vatican.

petite cellule, où il se prépara avec une nouvelle ferveur au passage de l'éternité, et où il composa la dernière partie de ses ouvrages. Non content de travailler pour l'utilité d'un peuple ou d'un siècle, il étendit son zèle à tous les hommes et à tous les temps. Il sortit de sa retraite à l'occasion des ravages que causoit une grande famine, pour voler au secours du prochain, et sur-tout pour assister les pauvres. Il engagea les riches à ouvrir leurs bourses; il fit mettre des lits dans les places publiques; il visitoit chaque jour les malades, et les servoit de ses propres mains. Après la cessation du fléau, il retourna dans sa solitude, où il fut bientôt pris de la fièvre.

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Vers le même temps, il écrivit ses soixanteseize Parénèses: ce sont des exhortations touchantes à la pénitence, qui consistent principalement en prières très-affectives, dont plusieurs ont été insérées dans l'office de l'église par les Syriens. Le Saint s'y exprime ainsi en parlant de lui-même « Je suis sur le point de mourir. Je >> fais mon testament pour tous les amateurs de » la vertu qui viendront après moi. Persévérez » nuit et jour dans la prière. Semblable au labou>> reur qui travaille sans cesse pour se procurer » une abondante moisson, n'interrompez jamais >> vos pieux exercices. Priez sans interruption (20).» La réception fréquente de l'eucharistie soutenoit son espérance et enflammoit son amour. «< « O mon » Sauveur, disoit-il, je vous ai pour viatique dans »> le voyage long et dangereux que je vais faire. Dans la faim spirituelle qui me dévore, je me >> nourrirai de vous, ô divin rédempteur des hom» mes! Il n'y aura plus de feu qui ose appro» cher de moi; il ne pourroit supporter l'odeur (20) Parænes, 43, t. VI, p. 502.

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» vivifiante de votre corps et de votre sang (21).» Les circonstances de la mort de saint Ephrem sont très-édifiantes; nous allons en rapporter les principales. Durant sa dernière maladie, il dit à ses disciples et à ses amis: « Ne chantez point » d'hymnes funéraires quand on m'enterrera, et » ne permettez point qu'on me fasse d'éloge > funèbre. N'enveloppez mon corps dans rien de précieux, et n'élevez aucun monument à ma » mémoire. Traitez-moi en pélerin; car je suis » véritablement pélerin et étranger sur la terre, » comme mes pères l'ont été (22). » Sachant plusieurs personnes préparoient de riches étoffes pour ses funérailles, il en marqua une grande douleur, et demanda que ces étoffes fussent vendues au profit des pauvres. Tant qu'il put parler, il ne cessa de recommander la pratique de la vertu. C'est ce qu'on voit par son testament que nous avons encore et qui contient ses dernières paroles. « Je meurs, dit-il. Sachez tous que j'écris «ce testament pour que vous vous souveniez tous » de moi dans vos prières après ma mort (23). » Il proteste qu'il a toujours vécu dans la vraie foi. Parlant ensuite de sa propre vie, où il ne voit que péché, il prétend être la plus indigne des créatures; il prie qu'on ne lui donne aucune marque de vénération. « Prenez, dit-il, mon corps » sur vos épaules, et jetez-le dans le tombeau, » comme l'abomination du monde. Que personne » ne m'adresse de prières, à moi qui ne suis que » corruption, et un abîme de misères. Traitez>> moi ignominieusement, afin de mieux montrer » ce que je suis. Vous devriez même me fuir pour

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»> ne pas sentir l'odeur infecte qu'exhalent mes » péchés. » Il défend d'employer à ses funérailles les flambeaux et les parfums, ne voulant être enterré que comme les pauvres. Après avoir donné sa bénédiction à ses disciples, il les assura que Dieu leur feroit miséricorde; il n'en excepta que Arad et Polonas, l'un et l'autre renommés par leur éloquence, auxquels il prédit qu'ils auroient le malheur d'apostasier.

Cependant toute la ville étoit assemblée devant la porte du Saint, et l'on tâchoit d'approcher de lui le plus qu'il étoit possible, pour entendre les dernières instructions qu'il donnoit. Une dame de qualité, nommée Lamprotate, s'étant jeté à ses pieds, le conjura de lui permettre d'acheter un coffre pour renfermer son corps. Il ne voulut acquiescer à cette prière que lorsque la dame lui eut promis que ce coffre seroit pauvre ; que dorénavant elle renonceroit à toutes les vanités, et que, par esprit de pénitence, elle se priveroit des choses même dont sa condition lui rendoit l'usage légitime. Il fut ensuite quelque temps sans parler, et remit tranquillement son ame à Dieu. Il mourut vers l'an 378, dans un âge fort avancé. Immédiatement après sa mort, on célébra sa fête à Edesse. Les latins l'ont honoré long-temps le premier de Février, et les Grecs le 28 de Janvier. Le véritable martyrologe de Bède appelle le 9 de Juillet celui de sa mort; ce qui s'accorde avec Pallade, qui dit qu'il mourut au temps de la moisson.

Saint Grégoire de Nysse prononça le panégy rique du Saint, à la prière d'un nommé Ephrem. Celui-ci avoit été fait prisonnier par les Ismaélites; mais s'étant recommandé au saint diacre d'Edesse son patron, il avoit été miraculeusement

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