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vanités du siècle, plus il prenoit de précautions pour se prémunir contre les piéges qu'on lui tendoit.

En lisant les vies des Pères du désert, il fut singulièrement touché des exemples de perfection qu'il y voyoit, et il se sentit un grand désir de les imiter. Les vies de saint Jean-Baptiste, de saint Paul, ermite, de saint Antoine et d'Arsène, firent sur lui une impression singulière. Il soupiroit sans cesse après le bonheur qu'ils avoient eu de goûter les douceurs de la solitude, et de converser continuellement avec Dieu par l'exercice de la prière et de la contemplation. Souvent il visitoit un pieux solitaire nommé Burchard, qui vivoit dans une petite île de la Seine; et il s'essayoit, sous sa conduite, à la pratique du jeûne, des veilles et des différentes mortifications de la pénitence. Son père voulut inutilement le retenir dans le monde, en lui proposant des partis avantageux et des postes brillans, soit à la cour, soit dans les

armées.

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Eudes II, son parent, comte de Champagne de Chartres, de Blois et de Tours, prétendoit succéder à Rodolphe III, dit le Fainéant, dernier roi d'Arles, mort le 6 Septembre 1032, en qualité de neveu de ce prince, étant fils de Berthe, sa sœur ; mais l'empereur Conrad le Salique s'empara du royaume de Bourgogne, en vertu du testament du feu roi (a). Ceci occasionna une querelle

(a) Le royaume d'Arles étoit formé de ceux de Provence et de la Bourgogne transjurane, réunis en 930, par le traité conclu entre Hugues, roi d'Italie, et Rodolphe II, roi de la Bourgogne transjurane. Le royaume de Provence, érigé en 833 par l'empereur Lothaire, en faveur de Charles, le troisième de ses fils, contenoit les pays renfermés entre la Durance, les Alpes, la Méditerranée et le Rhône, avec le ducbé de Lyon. Celui de la Bourgogne transjurane, appelé indifféremment par les historiens, de la Bourgogne supérieure, de

qui eut bientôt allumé le flambeau de la guerre. Arnoul chargea son fils de commander les troupes qu'il envoyoit au secours de son parent. Cette commission déplut extrêmement à Thibaut; il représenta à son père l'obligation où il étoit d'accomplir le vœu qu'il avoit fait d'abandonner le monde, et il obtint à la fin ce qu'il avoit demandé de la manière la plus pressante.

Peu de temps après, il s'en alla à l'abbaye de Saint-Remi de Rheims, avec un de ses amis nommé Gautier. Etant arrivés, ils renvoyèrent chacun leur domestique, et partirent secrètement. Ils échangèrent leurs habits contre les haillons de deux mendians, et se rendirent à pied en Allemagne. La forêt de Petingen, en Souabe, leur ayant paru propre à l'exécution de leur dessein, il s'y arrêtèrent, et s'y construisirent des cellules. Ils avoient appris de Burchard que la vie ascétique exige le travail des mains, et que les anciens solitaires s'occupoient à faire des nattes ou des paniers. Pour y suppléer, ils alloient dans les villages voi

la Gaule cisalpine, de la Bourgogne jurane, s'étendoit dans la Suisse, et dans les pays de Valais, de Genève, et de Chablais il avoit pris naissance pendant les troubles excités après la mort de Charles-le-Gros, en 888. Les empereurs, successeurs de Conrad-le-Salique, prirent pendant quelque temps la qualité de rois d'Arles. Deux d'entre eux furent couronnés en cette qualité dans l'église métropoliteine d'Arles, savoir Frédéric I, le 30 Juillet 1178, par l'archevêque Raimond de Bolène, et Charles IV, le 4 Juin 1365, par l'archevêque Guillaume de la Garde mais l'autorité de ce prince n'a jamais été bien considérable dans les pays situés entre les Alpes et le Rhône; leur éloignement, leurs démêlés presque continuels avec les papes, contribuoient à l'affoiblir de jour en jour. Enfin Charles IV, qui immédiatement après le couronnement dont nous venons de parler, se dépouilla en faveur de Louis duc d'Anjou, depuis roi de Sicile et comte de Provence, de ses droits sur le royaume d'Arles, ne céda après tout à ce prince que ce qu'il n'étoit plus en son pouvoir de retenir.

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sins exercer le métier de manœuvres sous les maçons, et se joindre aux serviteurs des fermiers afin de partager avec eux des travaux pénibles et dégoûtans. Ils employoient leur salaire à acheter du pain bis, qui faisoit toute leur nourriture. Lorsque la nuit étoit venue, ils se retiroient dans leur forêt, y chantoient ensemble les louanges de Dieu, et y passoient un temps considérable dans l'exercice de la contemplation.

Il fut aisé de s'apercevoir à leur conduite, qu'ils n'étoient point destinés par leur naissance à vivre du travail de leurs mains. La sainteté de leur vie attiroit aussi sur eux les regards des hommes. Se voyant trahis, ils résolurent d'abandonner un lieu où il ne leur étoit pas possible de rester inconnus. Ils firent nu-pieds un pélerinage à Compostelle, après quoi ils reprirent la route d'Allemagne. En passant par Trèves, Thibaut y rencontra son père, mais qui ne le reconnut point à la pauvreté de ses habits, et à son visage desséché par les rigueurs de la pénitence. Son cœur ressentit la plus forte émotion à la vue de celui qui lui avoit donné le jour; il réprima cependant les sentimens de la nature, et pour n'être pas exposé une seconde fois à une pareille épreuve, il entreprit avec son compagnon un pélerinage à Rome. Les deux Saints allèrent toujours nu-pieds. Lorsqu'ils eurent visité tous les lieux de dévotion qui étoient en Italie, ils se fixèrent dans un désert affreux nommé Salanigo, près de Vicence, et s'y bâtirent, du consentement du seigneur du lieu, chacun une cellule dans le voisinage d'une vieille chapelle qui tomboit en ruines. Là, l'exercice de la prière et de la contemplation faisoit leur occupation continuelle; mais Dieu appela Gautier à lui au bout de deux ans.

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Thibaut regarda la mort de son compagnon comme un avertissement que Dieu lui donnoit de la proximité de la sienne; il redoubla donc de ferveur dans tous ses exercices. Il ne vivoit que d'eau, de pain d'avoine et de racines, et il en vint jusqu'à s'interdire absolument l'usage du pain. Jamais il ne quittoit le cilice. Une planche lui servoit de lit, et pendant les cinq dernières années de sa vie, il ne dormoit plus qu'assis sur un banc. L'évêque de Vicence, frappé de ses éminentes vertus, l'éleva au sacerdoce; après quoi plusieurs personnes de piété lui confièrent la conduite de leur conscience.

Son pèrè et sa mère, qui vivoient encore, ayant appris que l'ermite de Salanigo, dont on parloit dans toute l'Europe, étoit ce fils qui par sa fuite leur avoit fait verser tant de larmes, se mirent aussitôt en route pour l'aller voir. Ils furent si fortement touchés du spectacle qui s'offrit à leurs yeux, qu'à l'instant ils se prosternèrent aux pieds de leur fils, sans pouvoir lui dire un seul mot. Lorsqu'ils furent revenus de leur surprise, ils se relevèrent, et la foi, triomphant en eux des sentimens de la nature, la joie prit la place de la douleur. Ils sentirent tout à coup la vanité du monde, et résolurent de se consacrer sans réserve au service de Dieu. Le comte Arnoul fut rappelé en Brie pour ses affaires; mais avant que de partir, il accorda à Gisle, sa femme, la permission qu'elle lui avoit demandée de finir sa vie auprès de son fils. Thibaut lui fit bâtir une petite cellule à quelque distance de la sienne, et se chargea du soin de la former à la pratique de la perfection.

Peu de temps après, le Saint fut attaqué de la maladie dont il mourut. Il souffrit avec une grande patience les douleurs aiguës que lui causoient les

ulcères dont son corps étoit couvert. Sentant approcher son dernier moment, il envoya chercher Pierre, abbé de Vangadice, de l'ordre des Camaldules, qui lui avoit donné l'habit de religieux un an auparavant; il lui recommanda sa mère et ses disciples; puis, après avoir reçu le saint viatique, il mourut en paix le 30 Juin 1066, âgé d'environ 33 ans. Il en avoit passé trois tant en Souabe que dans ses pélerinages, et douze dans le désert de Salanigo. On porta ses reliques dans l'église qui appartenoit à l'abbaye de Sainte-Colombe de Sens; on les transféra depuis dans une chapelle qui est auprès d'Auxerre, et qui porte le nom de SaintThibaut-aux-Bois. Le serviteur de Dieu fut canonisé par Alexandre III. On l'honore à Sens, à Provins, à Paris, à Auxerre, à Langres, à Toul, à Trèves, à Autun, à Beauvais, et à Metz, où il y a une église collégiale de son nom.

Voyez sa vie, écrite avec fidélité par un auteur contemporain.

LA VISITATION DE LA S.te VIERGE.

SAINT THOMAS prouve, par l'exemple de JésusChrist, ainsi que par ceux de la sainte Vierge et des apôtres, qu'il n'y a point d'état plus parfait que celui où les fonctions de la vie active sont sanctifiées par les exercices de la vie contemplative (1). Ceux qui l'ont embrassé s'emploient au service du prochain, de manière qu'au milieu des occupations extérieures, ils ne perdent jamais Dieu de vue; toujours ils ont leur nourriture dans le ciel, comme l'ange qui accompagnoit Tobie sur la terre. Ils se disposent à paroître en public par la pratique du recueillement et de la retraite ; ils (1) Saint Thomas, 2, 2. Tome VI.

A *

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