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nous

> reux et tous les habitans de la cour céleste >> attendent avec impatience, et souhaitent le mo» 'ment où nous serons associés à leur félicité. Pourrions-nous ne pas désirer de toute notre »ame d'être admis dans leur sainte compagnie ? ⚫ Quelle sera notre confusion lorsque nous paroîtrons devant eux, si dans cette vallée de larmes » nous n'avons pas élevé nos ames au-dessus des » objets visibles, pour être déjà, dans la disposi» tion du cœur, les habitans de cette région for» tunée !» Il fait voir clairement qu'il ne pouvoit exprimer les transports de la joie qu'il ressentoit toutes les fois qu'il pensoit à l'union future de son ame avec Dieu dans le séjour de l'immortalité bienheureuse. Sans cesse il se rappeloit les ravissemens que les Saints éprouvoient, et les vifs sentimens de reconnoissance dont ils étoient animés, en considérant d'un côté l'état immuable dont ils jouissoient, et de l'autre la situation des hommes qui vivoient sur la terre au milieu d'une foule d'ennemis redoutables, et dont plusieurs tomboient chaque jour en enfer. Son cœur étoit fortement ému quand il pensoit à cette multitude innombrable d'anges et de saints, tous distingués les uns des autres la diversité de leurs coupar ronnes; en sorte cependant que chacun jouit de son bonheur et de celui des autres par un effet de cette charité qui les unit tous ensemble, et qui ne fait de tous que comme une même chose en Dieu. A l'exemple de saint Anselme, il demandoit souvent à son cœur, si pauvre, si foible et si rempli de misère sur la terre, comment il pourroit, sans une grâce extraordinaire, soutenir tout le poids de l'éternelle félicité. Mais finissons ce détail, et renvoyons aux ouvrages mêmes de saint Bonaventure ceux qui veulent connoître plus parfai

tement ses sublimes sentimens de dévotion et de ferveur.

Malgré l'attrait que saint Bonaventure avoit pour les exercices de la vie intérieure, il ne laissoit pas de se produire au-dehors quand la gloire de Dieu l'exigeoit ; il se prêtoit même aux fonctions extérieures pour l'utilité du prochain; mais il les animoit et les sanctifioit par l'esprit de prière et par la pratique du recueillement.

Tandis qu'il enseignoit la théologie à Paris, il fut élu général de son ordre dans un chapitre qui se tint à Rome en 1256, dans le couvent appelé Ara-Cæli. Quoiqu'il n'eût que trente-cinq ans, le pape Alexandre IV n'en confirma pas moins son élection. En apprenant cette nouvelle, il fut saisi d'une vive douleur ; il se prosterna par terre, les yeux baignés de larmes, pour implorer le secours de Dieu dans la circonstance où il se trouvoit, et se mit en route pour aller à Rome. Sa présence étoit d'autant plus nécessaire en Italie, que l'ordre des Franciscains étoit alors troublé par des di dissensions intestines. Il y avoit des frères qui étoient d'une sévérité inflexible pour l'observation de la règle; d'autres demandoient qu'on en adoucît la rigueur par quelques mitigations. Le nouveau général n'eut pas plutôt paru, qu'il rétablit le calme par ses exhortations, mêlées de force, de douceur et de charité. Tous les frères se réunirent sous leur supérieur commun, et ne furent plus animés que d'un seul et même esprit.

Guillaume de Saint-Amour, membre de l'université de Paris, ayant publié contre les ordres mendians une satire amère, intitulée : Des dan. gers des derniers temps, saint Thomas prit la plume pour y répondre. Saint Bonaventure réfuta aussi cet ouvrage dans son livre de la pau

vreté du Seigneur Jésus. Quoiqu'il eût affaire à un auteur plein de fiel et d'amertume, il ne s'écarta point des règles de la douceur chrétienne; en quoi il remporta une double victoire sur son adversaire.

· En revenant à Paris, il visita tous les couvens de son ordre qui se rencontrèrent sur la route. Il montra par-tout qu'il n'avoit accepté la place de premier supérieur, que pour donner plus parfaitement l'exemple de la charité et de l'humilité. Il étoit fort compatissant, et l'on voyoit en tout qu'il se regardoit comme le serviteur de ses religieux. La multiplité de ses occupations ne prenoit rien sur ses exercices de piété ; il savoit si bien ménager son temps, qu'il en trouvoit pour chaque chose. Etant à Paris, il y composa plusieurs ouvrages. Souvent il se retiroit à Mantes, afin d'être moins distrait. On y voit encore la pierre qui lui servoit d'oreiller pendant qu'il reposoit. En 1260, il tint un chapitre général à Narbonne, et là, de concert avec les définiteurs, il donna une forme nouvelle aux anciennes constitutions, y ajouta quelques règles qu'il crut nécessaires, et réduisit le tout à douze chapitres. Il consentit aussi de se charger, comme on l'en prioit, du soin d'écrire la vie de saint François. De Narbonne, il se rendit à Mont-Alverno, et y assista à la dédicace d'une église. Il voulut converser avec Dieu dans le petit oratoire bâti à l'endroit où le saint fondateur de son ordre avoit reçu les marques miraculeuses des plaies du Sauveur. Son oraison y fut longue, sublime, et accompagnée d'une extase. Ce fut là qu'il écrivit son Itinerarium mentis in Deum, ou la voie de l'ame pour aller à Dieu, Son but étoit de montrer qu'on ne peut trouver de consolation et de richesses qu'en Dieu, et de

tracer la route par laquelle on arrivera sûrement à lui.

Lorsque saint Bonaventure fut en Italie, il ramassa tous les mémoires dont il avoit besoin pour écrire la vie de saint François. On remarque en la lisant, qu'il étoit plein des vertus héroïques qui avoient éclaté dans son bienheureux père. Saint Thomas l'étant venu voir un jour qu'il travailloit à cet ouvrage, il l'aperçut à travers la porte de sa cellule, entièrement absorbé dans la contemplation. Retirons-nous, dit-il alors, et laissons un >> Saint écrire la vie d'un Saint. >>

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De Padoue, où il avoit assisté à la translation des reliques de saint Antoine, saint Bonaventure alla tenir à Pise le chapitre général de son ordre. Il y exhorta ses religieux, encore plus par ses exemples que par ses paroles, à l'amour du silence et de la retraite. Il y donna des preuves non équivoques de sa tendre dévotion envers la sainte Vierge, et ce n'étoit pas pour la première fois qu'il manifestoit ses sentimens à cet égard. Immédiatement après son élection au généralat, il mit son ordre sous la protection spéciale de la mère de Dieu. Il se traça un plan d'exercices réglés en son honneur, et composa son Miroir de la Vierge, où il s'étend sur les grâces, les vertus et les priviléges dont Marie a été favorisée. Il y joignit plusieurs prières qui étoient l'expression tendre et respectueuse des sentimens de son cœur. Il fit aussi une paraphrase fort touchante sur le Salve, Regina (c). En publiant ainsi les louauges de la

(c) Le Psautier de la Vierge, attribué à saint Bonaventure, n'est pas digne de porter le nom de ce saint docteur. Voyez Fabricius, Bibl, med. ætat.; Bellarmin et Labbe, de Script. eccles.; le P. Alexandre, Hist. eccles. sect. 13.

L'édition des oeuvres de saint Bonaventure, commencée au Vatican par l'ordre de Sixte V, fut achevée en 1588; elle

mère, il vouloit satisfaire l'amour qu'il portoit au fils, et procurer l'accroissement de sa gloire. Pour étendre les limites du royaume de Jésus-Christ, il envoya, par l'autorité du pape, des prédicateurs chez plusieurs nations barbares. Ce fut une grande peine pour lui de ne pouvoir les accompagner, et de n'avoir pas la liberté d'exposer sa vie parmi les infidèles.

Saint Bonaventure avoit au nombre de ses religieux un frère convers qui étoit d'une simplicité admirable. Il se nommoit Gilles, et étoit le troisième compagnon de saint François d'Assise (d). est en huit volumes in-fol. Les deux premiers contiennent les commentaires du Saint sur l'écriture; le troisième, ses sermons et ses panégyriques; le quatrième et le cinquième, ses commentaires sur le Maître des sentences; le sixième, le septième et le huitième, ses petits traités. Parmi ces traités, les uns ont pour objet la doctrine chrétienne, et les autres les devoirs de la vie religieuse. Divers sujets de piété considérés en général, notamment les mystères de Jésus-Christ et de la sainte Vierge, font la matière de tous les autres. La plupart ont été imprimés séparément.

Toutes les œuvres de saint Bonaventure ont été réimprimées à Mayence et à Lyon. On en a donné une nouvelle édition à Venise, en 1751-1756, laquelle est en 14 volumes in-4.°

(d) Le B. Gilles, né à Assise, s'attacha à saint François en 1209, et le suivit dans la Marche d'Ançône. Il fit un pélerinage à Jérusalem, se proposant de faire connoître JésusChrist aux Sarrasins; mais les Chrétiens le renvoyèrent en Italie, de peur qu'il ne fût la victime de la persécution dont ils étoient menacés. A son retour, il demeura successivement à Rome, à Réati et à Fabriano; mais il passa la plus grande partie de sa vie à Pérouse, où il mourut la nuit du 22 au 23 d'Avril 1272, et non 1262, comme l'a prouvé le P. Papebroch, t. III, April, p. 220. On trouve le récit de ses révélations de ses prophéties et de ses miracles, dans Wadding et dans d'autres auteurs.

Immédiatement après sa mort, son tombeau devint célèbre par la vénération publique, et il fut lui-même honoré quelque temps comme un saint dans l'église de son ordre ; mais ce culte diminua peu à peu, ce qui vint peut-être de ce qu'il n'avoit point été suffisamment autorisé par le saint siége. On continue de visiter son tombeau, auprès duquel il y a un autel où l'on chante une messe solennelle, à cause de son an

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