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de Grégoire X. Saint Bonaventure craignant que ce pape (e) ne voulût l'élever aux dignités ecclésiastiques, quitta l'Italie, et vint à Paris. Il composa dans cette ville son Hexaemeron, ou explication de l'ouvrage des six jours. A peine eut-il achevé cet ouvrage, qu'il reçut un bref de Rome, par lequel il apprenoit tout à la fois qu'il avoit été fait cardinal, et nommé à l'évêché ď’Albano (f). Grégoire ordonnoit au Saint d'accepter, et de partir pour Rome sans aucun délai. Il fit en même temps partir deux nonces, qui devoient le rencontrer en route, et lui remettre les marques de la dignité de cardinal. Les nonces le trouvèrent à quatre milles de Florence, dans le couvent des Franciscains de Migel. Lorsqu'ils arrivèrent, il étoit occupé à un des plus bas ministères de la communauté, qu'il demanda la permission d'achever. Son ouvrage fini, il prend le chapeau qu'on lui avoit apporté, va rejoindre les nonces qui se promenoient dans le jardin, et leur rend les hommages dus à leur caractère; après quoi, il sortit du couvent pour continuer sa route. Le pape, qui étoit à Orviette, le vint trouver à Florence, et voulut faire lui-même la cérémonie de son sacre; il lui ordonna ensuite de se préparer à parler dans le concile général qui avoit été convoqué à Lyon pour la réunion des Grecs et des Latins.

L'empereur Michel Paléologue avoit cette réunion fort à cœur, et il l'avoit fait proposer au pape Clément IV. Grégoire X poursuivit cette affaire avec beaucoup d'ardeur. Joseph, patriarche de Constantinople, fit tous ses efforts pour en em

(e) Grégoire X est honoré parmi les saints. Voyez sa vie que nous avons donnée sous le 16 de Février.

(f) Cet évêché est un des six suffragans de Rome.

pêcher la réussite; mais l'empereur l'en punit, et l'obligea de se retirer dans un monastère. Grégoire invita les Grecs à venir à Lyon où il avoit assemblé un concile général (g). Deux choses l'avoient déterminé à la convocation de ce concile : il vouloit consommer le grand ouvrage de la réunion des Grecs, et prendre des mesures pour engager les princes chrétiens à retirer la TerreSainte des mains des infidèles. L'assemblée fut extrêmement nombreuse; il s'y trouva cinq cents évêques et soixante-dix abbés. Jacques, roi d'Aragon, et les ambassadeurs de Michel Paléologue et de plusieurs autres princes, y assistèrent aussi. Saint Thomas d'Aquin y fut invité; mais il n'y put venir, parce qu'il mourut en route. Saint Bonaventure y accompagna le souverain pontife. Il arriva à Lyon au mois de Novembre; mais l'ouverture du concile ne se fit que le 7 Mai 1274 (7). Il s'assit à côté du pape, et fut le premier qui harangua l'assemblée. Entre la seconde et la troisième session, il tint le chapitre de son ordre, et s'y démit du généralat. Il sut encore trouver du temps pour annoncer la parole de Dieu. Il établit à Lyon la confrérie appelée del Gonfalonne, qu'il avoit premièrement instituée à Rome. Les personnes qui y entroient s'assujettissoient à faire chaque jour certaines pratiques de piété sous la protection de la sainte Vierge.

Lorsque les députés des Grecs furent arrivés, le pape chargea le Saint d'avoir des conférences avec eux. Charmés de sa douceur, et convaincus par la solidité de ses raisons, ils acquiescèrent à tout ce qu'on exigeoit d'eux. Grégoire X, en re

(g) Ce concile fut le quatorzième général, et le second de Lyon.

(7) Conc. t. XI, p. 937. Tome VI,

I *

connoissance de cet heureux succès, chanta la messe le jour de saint Pierre et de saint Paul, et voulut qu'on y lût l'évangile en grec et en latin. Saint Bonaventure y prêcha sur l'unité de la foi; après quoi, on dit le symbole aussi en latin et en grec, pour marquer la réunion des deux églises, et l'on répéta trois fois ces mots : Qui procède du Père et du Fils. En mémoire de cet heureux événement, on plaça deux croix sur le grand autel de l'église métropolitaine de Saint-Jean de Lyon (h).

Saint Bonaventure tomba malade après la troisième session du concile : Il assista cependant encore à la quatrième, dans laquelle le logothète ou grand-chancelier de Constantinople abjura le schisme; mais le lendemain ses forces l'abandonnèrent au point qu'il fut obligé de rester chez lui. Depuis ce temps-là, il ne s'occupa plus que de ses exercices de piété. La sérénité qui paroissoit sur son visage annonçoit la tranquillité de son ame. Le pape lui administra lui-même le sacrement de l'extrême-onction, comme cela se prouve par une inscription qui se voyoit encore, en 1731, dans la chambre où il mourut. Durant sa maladie, il eut toujours les yeux attachés sur un crucifix. Sa bienheureuse mort arriva le 15 Juillet 1274. Il étoit dans la cinquante-troisième année de son âge. Il fut enterré chez les Cordeliers de Lyon. Ses funérailles se célébrèrent avec beaucoup de magnificence; le pape et tous les Pères du concile y assistèrent. Pierre de Tarentaise, cardinal-évêque d'Ostie, qui fut pape depuis sous le nom d'Innocent V, prononça son oraison funèbre. Il dit qu'il

(h) L'empereur Michel Paléologue étant mort en 1283, son fils Andronic, qui lui succéda, renouvela le schisme, et réta blit le patriarche Joseph qui avoit été déposé,

n'y avoit personne qui n'eût conçu une grande estime et une affection singulière pour Bonaventure; que les étrangers même, en l'entendant parler, désiroient pouvoir se conduire uniquement par ses avis; qu'il captivoit tous les cœurs par son affabilité et sa douceur; qu'il étoit humble, compatissant, chaste, prudent, et orné de toutes les

vertus.

Le corps de saint Bonaventure fut transporté, en 1434, dans la nouvelle église des Cordeliers. On le déposa depuis dans une magnifique chapelle de l'église du couvent des mêmes religieux, qui fut fondé, en 1494, au pied du château de PierreEncise, par Charles VIII, roi de France. Ce prince en fit détacher une partie de la mâchoire inférieure, dont il enrichit la chapelle de Fontainebleau, et qui est présentement chez les Cordeliers du grand couvent à Paris. Les villes de Bagnarea et de Venise possèdent aussi quelques ossemens du saint cardinal. En 1562, les Calvinistes pillèrent sa châsse, brûlèrent ses reliques dans la place publique, et en jetèrent les. cendres dans la Saône (). Ils massacrèrent en même temps le gardien du couvent, avec un officier catholique qu'ils avoient fait prisonnier; ils mirent ensuite le feu au couvent, et réduisirent en cendres les archives qui étoient dans la bibliothèque. On trouva pourtant le moyen de dérober à la fureur des hérétiques le chef du Saint et quelques autres reliques.

Saint Bonaventure fut canonisé par Sixte IV, en 1482. Sixte V le mit au nombre des docteurs de l'église, comme Pie V y avoit mis saint Thomas d'Aquin. On lit dans les actes de sa canonisation,

(i) Voyez le savant P. Possevin, jésuite, qui étoit pour lors à Lyon, Appar. saer. t. 1, p. 245.

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l'histoire de plusieurs miracles opérés par son intercession. La peste ayant attaqué la ville de Lyon en 1628, on fit une procession où l'on porta quelques reliques du serviteur de Dieu, et aussitôt le fléau cessa ses ravages. D'autres villes ont aussi été délivrées de plusieurs calamités publiques en invoquant le même Saint.

Charles d'Orléans, père de Louis XII, roi de France, ayant été fait prisonnier par les Anglais à la bataille d'Azincourt, qui se livra en 1415, fut pris d'une fièvre violente dont tous les remèdes de la médecine ne purent le guérir. Il n'y avoit personne qui ne désespérât de sa vie. Dans cette extrémité, le prince implora la protection de saint Bonaventure, et il recouvra une parfaite santé. Il ne fut pas plutôt en liberté, qu'il se rendità Lyon pour remercier Dieu sur le tombeau du Saint, auquel il fit de magnifiques présens (k).

(k) Gerson dit, en parlant de saint Bonaventure, qu'il étoit un chérubin et un séraphin, et cela à cause de ses écrits qui éclairent l'esprit et enflamment le cœur. On suit sa doctrine dans les écoles de son ordre, conformément à un décret de Pie V. A l'étude des ouvrages du saint docteur, les théologiens cordéliers joignent celle des commentaires de Scot sur Aristote et sur Pierre Lombard, surnommé le maître des

sentences.

Pierre Lombard, né à Novare, en Lombardie, fut recommandé par saint Bernard, p. 336, à Gilduin, premier abbé des chanoines réguliers de Saint-Victor de Paris. Il fit ses études chez ces religieux, et embrassa leur institut. Il fut du nombre de ceux qui, par l'ordre de l'abbé Suger, du roi Louis VII et du pape Eugène III, remplacèrent les chanoines séculiers à Sainte-Geneviève, en 1147. Le premier abbé de cette pieuse colonie fut Odon ou Eudes, qui en étoit membre, et qui ne dut sa place qu'à ses éminentes vertus. Voyez le P. Gourdan, Hist. Ms. des grands hommes de Saint-Victor, t. II, p. 281.

1

Pierre Lombard enseigna la théologie à Sainte-Geneviève jusqu'à l'an 1159, qu'il fut fait évêque de Paris. Il mourut dans cette ville, en 1164. Voyez le P. Gourdan', ibid. p. 79 et 80.

Il composa un corps de théologie d'après les écrits des

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