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voulut se retirer auprès des chanoines de la cathédrale, et il demanda à être reçu parmi eux comme leur confrère. Mais il en fut empêché par les remontrances des seigneurs de sa cour, sur-tout par celles de l'évêque Wérinhaire, qui lui fit comprendre que sa véritable vocation étoit de régner avec sagesse, et de se sanctifier sur le trône (i). Henri, à cette occasion, honora de ses dons la cathédrale de Strasbourg. Les bienfaits dont il la combla ont fait dire aux historiens de sa vie qu'il fut le restaurateur de l'évêché de Strasbourg. Il augmenta les revenus des canonicats; il y fonda aussi, pour éterniser sa dévotion, un canonicat doté d'une riche prébende pour celui qui feroit en son nom le service divin. Cette fondation existe encore aujourd'hui. Elle devint vers le commencement du treizième siècle, lorsque se fit la séparation des chanoines nobles (k) d'avec ceux

(i) Voyez M. l'abbé Grandidier, dans ses Essais histor. sur l'église cathédrale de Strasbourg, p. 19 et 20.

(k) Cette séparation forma, (Essais hist. p. 32 et suiv.) dans la cathédrale de Strasbourg, ces deux corps différens et particuliers qu'on appelle aujourd'hui le grand chapitre et le grand chœur. On ne sera pas fâché de trouver ici quelques détails sur l'état présent de l'un et de l'autre.

Le grand chapitre de Strasbourg est le chapitre le plus illustre de la chrétienté. La haute noblesse qui distingue ses membres, a mérité à cette église la gloire d'être nommée par excellence la première des cathédrales d'Allemagne. Toujours fidèle à conserver son ancienne prérogative, qui date du commencement du treizième siècle, il ne reçoit dans son sein que des princes, des comtes et des ducs de la plus haute extraction. Suivant les nouveaux statuts de 1713, le père, le grand-père, le bisaïeul et le trisaïeul des chanoines français, doivent être tous décorés du titre de princes ou de ducs. Les Allemands doivent produire seize quartiers paternels et maternels, et descendre de père, aïeul, bisaïeul et trisaïeul princes ou comfes d'empire, et d'une mère dont le père, le grand-père et le bisaïeul soient princes ou comtes, ayant les uns et les autres, voix et séance dans les dictes générales de l'empire. Le nombre des chanoines est de vingt-quatre, parmi lesquels il y a un tiers de Français. Douze sont capitulaires, et douze

qui ne l'étoient pas, une prébende du grand

domiciliaires. Les capitulaires ont seuls entrée et voix au chapitre. Ils élisent le prince-évêque, et ils doivent être dans les ordres sacrés. Pour gagner leur compétence, ils sont obligés de résider pendant trois mois de l'année dans la ville ou le diocèse de Strasbourg. Les domiciliaires succèdent aux places vacantes des capitulaires selon leur rang d'ancienneté ; ils jouissent en attendant du quart de la compétence. Ils tiennent dans l'année deux chapitres généraux, l'un au mois de Mars, et l'autre au mois de Septembre. Trois capitulaires suffisent pour former chapitre. Le grand chapitre a ses domaines et ses biens particuliers indépendans de ceux de l'évêque il est seigneur de deux bourgs et de dix-sept villages, tous situés en Alsace, et dont il nomme les baillis et gens de justice. Il y a dans la cathédrale cinq dignités : la première est celle de grand-prévôt; il occupe la première place au chœur, et il préside aux assemblées capitulaires. Le pape confère cette dignité dans tous les temps. La seconde est celle de grand-doyen, qui est élu par le grand chapitre, et confirmé par l'évêque. Il doit être prêtre, et c'est lui qui exerce la juridiction ordinaire tant sur les membres du grand chapitre que sur ceux du grand choeur : il convoque aussi le chapitre; il y propose et y conclut à ce qui a été délibéré. La troisième, la quatrième et la cinquième dignités, sont celles de grand-custos, de grand-écolâtre et de grand-camérier. Ils n'ont aucune fonction particulière attachée à leur dignité; mais ils jouissent, comme les autres dignitaires, de revenus particuliers séparés de la masse capitulaire. Les deux premiers sont nommés par l'évêque, le dernier est élu par le chapitre.

Le grand chœur, nommé Summus Chorus dans les anciens titres, est aussi ancien que l'établissement des clercs qui se rassemblèrent auprès des premiers évêques de Strasbourg. Il forme, conjointement avec le grand chapitre, le clergé primitif de la ville, étant cependant distinct et totalement séparé du premier. Il est par lui-même un corps collégial, ayant tous les droits, qualités et prérogatives qui compètent à un chapitre. Le grand chœur a son sceau particulier, ses armoiries, ses archives propres, ses protocoles, sa masse commune, enfin l'administration libre de ses biens et revenus, qui consistent en terres, en dîmes et en rentes seigneuriales, totalement séparés de ceux du grand chapitre. Les membres du grand choeur élisent entre eux un chef sous le nom de Sénior, lequel préside aux assemblées où se traitent les affaires de la discipline intérieure, et de l'administration des biens. Trois autres députés, dont le second fait les fonctions de secrétaire, lui sont adjoints. Les prébendes du chœur sont des bénéfices canoniaux, et ceux qui en sont titulaires,

chœur, sous le titre de prébende du roi du chœur (1).

Henri assistoit au sacrifice de la messe avec beaucoup de piété, et participoit souvent à l'auguste sacrement de l'autel. Il honoroit la mère de Dieu comme sa patronne, et il aimoit à prier dans les églises dédiées sous son invocation: c'est ce qui jouissent, comme les chanoines des cathédrales, des priviléges des chanoines in comitatu, des évêques et des commensaux de la maison du roi ; ils sont collateurs, patrons et curés primitifs de la cure de la cathédrale, la première du diocèse, et à laquelle étoit autrefois attachée la dignité de premier archiprêtre et de grand-pénitencier. Ils font dans tous les temps, et aux fêtes les plus solennelles, tout le service canonial tant au chœur qu'au grand autel, où ils peuvent seuls officier, à l'exclusion de tous autres chanoines et ecclésiastiques étrangers, de quelques dignités qu'ils soient revêtus; ils ont aussi seuls le droit d'assister l'évêque quand il officie dans sa cathédrale. Ils assistent par leurs députés aux synodes du diocèse et aux autres assemblées générales du clergé. Les prébendes du grand choeur ne sont plus aujourd'hui qu'au nombre de vingt : il faut être dans les ordres sacrés pour y être nommé. Elles ne sont point sujettes aux mois réservés aux papes par le concordat germanique. Les collateurs les confèrent en tout temps; mais les titulaires de ces prébendes peuvent les permuter ou résigner en cour de Rome. Le roi, comme succédant aux droits des empereurs, exerce sur elles, ainsi que dans tous les chapitres de collation ecclésiastique, le droit de premières prières et de joyeux avènement. Outre la prébende royale dont le titulaire, nommé roi du chœur, occupe la première place au chœur et aux processions, il a dans le grand chœur le custos et le maître des cérémonies. Le premier préside à la sacristie; le second fait les fonctions de grand-chantre depuis l'extinction de cette dignité au milieu du seizième siècle, et a la direction du bas-choeur, composé de quatre prêtres chapelains, des chantres et des enfans de chœur.

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(1) Cette prébende, autrefois à la collation des empereurs, est depuis le treizième siècle à la collation du grandprévôt. Celui qui en est titulaire a la première place au chœur, mais il ne prend que celle du rang d'ancienneté dans les assemblées du grand chœur. Il exerçoit aussi autrefois les fonctions de vice-doyen en l'absence du seigneur grand-doyen. L'office de certaines fêtes solennelles lui étoit aussi affecté comme il y en avoit pour l'évêque, pour le grand-prévôt et pour le grand-doyen.

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parut sur-tout à Rome par son assiduité à fréquenter l'église de Sainte-Marie-Majeure. Il avoit aussi une tendre dévotion pour les anges gardiens, et généralement pour tous les Saints.

Quoiqu'il vécût dans un parfait détachement de toutes les choses créées, il désiroit ardemment de renoncer au monde, et son dessein étoit de se retirer dans l'abbaye de Saint-Vannes, à Verdun; mais le pieux Richard, abbé de cette maison, lui conseilla de ne point exécuter son dessein (m).

Henri fit constamment présider la religion à ses conseils, la bonne foi à ses traités, et le zèle à ses entreprises. Sa vertu le rendit toujours insensible aux charmes de la volupté. Non-seulement il conserva la chasteté au milieu des périls de la cour, mais on assure même qu'il garda la continence dans le mariage, de concert avec sainte Cunégonde, son épouse (n). Il mourut au château de Grône, près d'Halberstadt, la nuit du 13 au 14 Juillet 1024, dans la cinquante-deuxième année de son âge, et la vingt-deuxième année de son règne (o). Ses vertus royales et politiques

(m) On voit à l'entrée du cloître de Saint-Vannes, à Verdun, un tableau où l'empereur saint Henri est représenté quittant le sceptre et la couronne, et demandant l'habit monastique au saint abbé Richard. L'abbé lui ayant fait promettre obéissance, lui ordonna de reprendre le gouvernement de l'empire; sur quoi on composa un distique dont le sens revient à ceci : a L'empereur est venu ici pour vivre dans ⚫ l'obéissance, et il pratique cette vertu en régnant. » (n) Voyez la vie de sainte Cunégonde, sous le 3 de Mars.

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(0) Saint Henri, avant de mourir, proposa aux princes de l'empire, pour son successeur, Gonrad, duc de Franconie comme le sujet le plus propre à gouverner dans les conjonctures où l'état se trouvoit. Il fut aussi choisi roi de Germanie, et sacré à Mayence le 8 Septembre 1024. Il régna avec beaucoup de gloire et de piété. Il mourut le 4 Juin 1039, et fut enterré à Spire, dans le caveau qu'il avoit fait construire pour les empereurs de sa maison. Henri III, son fils, lui succéda. Tome VI.

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l'ont fait mettre au rang des héros, et ses vertus chrétiennes au nombre des Saints. Son corps fut porté dans la cathédrale de Bamberg. Les miracles qui s'opérèrent à son tombeau changèrent bientôt les regrets en une vénération religieuse. Il fut canonisé le 14 Mars 1152, par le pape Eugène III. On célèbre sa fête le 15 de Juillet. Il est patron du diocèse de Bâle, où son office est du rit double de première classe avec octave. Sa fête fut établie le 4 Juillet 1348, par l'évêque, le grand chapitre et le magistrat de Bâle. La mémoire de saint Henri a été également en vénération dans la cathédrale de Strasbourg. Les chanoines inscrivirent son nom dans le nécrologe, parmi ceux des bienfaiteurs de leur église. Son office s'y faisoit autrefois sous le rit double; mais quand il étoit célébré par le roi du chœur, dont la prébende avoit été fondée par le Saint, la fête avoit plus de solennité, et l'office se faisoit comme aux jours doubles de seconde classe.

Ceux qui sont placés au-dessus des autres par les honneurs, les dignités, les richesses ou les talens ont de grandes obligations à remplir, et rendront un compte bien rigoureux au tribunal du souverain juge. C'est que leurs exemples auront beaucoup influé sur la conduite de leurs inférieurs. «Quoique Jésus-Christ, disoit saint Ful» gence au pieux Théodore, sénateur romain » soit mort pour tous les hommes, il est vrai » néanmoins que la parfaite conversion des grands » du monde procure des acquisitions plus consi» dérables au royaume céleste. Ceux qui occupent les premières places sont nécessairement pourplu» sieurs une occasion de salut ou de perte. Comme > leur conduite ne manque jamais d'avoir des suites pour le prochain, ils doivent espérer dans l'au

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