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sarée, Patrophile de Scythopolis, Aëtius de Lydde, Théodote de Laodicée, et plusieurs autres évêques qui étoient, comme lui, partisans de la doctrine d'Arius: ils s'en allèrent tous ensemble à Antioche, et là ils s'assemblèrent comme un concile pour exécuter leur dessein. Une prostituée qu'ils avoient subornée se chargea du soin de servir leur aveugle passion; elle vint à l'assemblée, tenant dans les bras un enfant, dont elle assura qu'Eustathe étoit le père. Le Saint protesta qu'il étoit innocent du crime dont on l'accusoit, et représenta que l'apôtre défendoit de condamner un prêtre, à moins qu'il n'eût été convaincu la déposition de deux ou de trois témoins; mais cette calomnie fut à la fin découverte. La prostituée étant tombée dans une longue maladie, dont elle mourut, rentra en elle-même, et prit la résolution de se rétracter. Elle fit venir plusieurs clercs, et déclara en leur présence que le patriarche étoit innocent; elle ajouta que les Ariens l'avoient engagée, par argent, à intenter l'accusation dont il s'agissoit; que toutefois le serment qu'elle avoit fait n'étoit point un parjure, qu'effectivement l'enfant étoit fils d'un nommé Eustathe, ouvrier en cuivre de la même ville (3). Cette excuse frivole n'empêchoit pas la vérité de paroître dans tout son jour.

Les Ariens accusèrent encore Eustathe de sabellianisme. C'étoit aussi une calomnie; mais ils l'employoient contre tous ceux qui professoient la doctrine orthodoxe. Le patriarche et les évêques catholiques qui étoient présens crièrent inutilement à l'injustice; on ne voulut point les écouter; on prononça même une sentence de déposition con

(3) Théodoret, l. 1, c. 20, 21; saint Jérôme, l. 3, in Rufin, etc.

tre le Saint, après quoi, Eusèbe de Nicomédie et Théognis se hâtèrent d'informer l'empereur Constantin de ce qui venoit de se passer. Les évêques ariens invitèrent Eusèbe de Césarée à passer de son siége à celui d'Antioche; mais il refusa de le faire, alléguant qu'une pareille translation étoit contraire à la discipline de l'église. L'empereur fit l'éloge de sa modestie dans une lettre que nous avons encore, et qu'Eusèbe a lui-même insérée dans la vie de Constantin (4). On auroit été plus édifié de la modestie de l'archevêque de Césarée, s'il eût laissé aux autres le soin de rapporter cette circonstance (b).

La nouvelle de la déposition de saint Eustathe ne se fut pas plutôt répandue, qu'il s'éleva une sédition à Antioche. Il n'en fallut pas davantage pour achever de persuader à Constantin qu'il étoit coupable des crimes qu'on lui imputoit; il lui envoya donc un ordre de se rendre à Constantinople, d'où il devoit le faire partir pour le lieu de son exil. Le saint pasteur, avant de quitter Antioche, assembla les fidèles, et les exhorta fortement à rester inébranlables dans la doctrine de l'église. Ses exhortations produisirent leur effet, en préservant un grand nombre de ses diocésains du malheur de tomber dans l'hérésie. Nous apprenons de saint Jérôme et de saint Chrysostôme, qu'il fut banni dans la Thrace avec plusieurs, tant prêtres

(4) C. 61, p. 518.

(6) L'événement dont il vient d'être parlé arriva, non en 340, comme Baronius et le P. Petau l'ont prétendu, mais en 330 ou 331. La vérité de cette date se prouve par les témoignages de Socrate, de Sozomène, de Théodoret et de Philostorge, ainsi que par les circonstances même de l'événement. Voyez Tillemont, Ceillier, Cave, Hist. litter. t. I, p. 187, et Sollier, un des continuateurs de Bollandus, Hist. Patr. Antiochen. c. 24, p. 36.

que diacres. Théodoret assure qu'on l'exila de la Thrace dans l'Illyrie (c).

Saint Eustathe mourut à Philippes, en Macédoine (d). On lit dans Théodore, lecteur, que son corps fut reporté à Antioche, vers l'an 482, par Calandion, patriarche de cette ville.

Saint Jérôme appelle saint Eustathe une trompette retentissante, et dit qu'il fut le premier qui prit la plume pour combattre les Ariens. Il admire en lui une vaste étendue de connoissances, et assure qu'il étoit parfaitement versé dans les lettres divines et humaines (5). Saint Chrysostôme lui donne les mêmes louanges dans le panégyrique qu'il a composé en son honneur. Il étoit, au rapport de Sozomène (6), universellement admiré pour la sainteté de sa vie et l'éloquence de ses discours (e). Saint Fulgence le compte parmi les

(c) Socrate et Sozomène le confondent avec un prêtre de Constantinople de même nom, lorsqu'ils disent qu'il fut rappelé d'exil par Jovien, et qu'il vécut jusqu'à l'an 470. Saint Eustathe mourut plusieurs années avant que saint Mélèce fût placé sur le siége patriarcal d'Antioche; ce qui arriva, selon Théodoret, en 360. Il n'est point fait mention de lui dans le concile de Sardique, ni dans aucune des disputes qui suivirent. Enfin, les critiques et les historiens les plus judicieux mettent sa mort en 338.

(d) L'empire romain ayant été divisé en diocèses, la Macé doine fut comprise dans celui de l'Illyrie. Voyez Théodoret, 1. 1, c. 20; Théodore, lecteur, l. 2, c. 1, p. 547; Théophane, p. 114; Tillemont, not. 4, p. 653.

(5) Ep. 84, p. 327.

(6) L. 1, c. 2.

(e) Les ouvrages que saint Eustathe avoit composés contre les Ariens, et qui étoient fort célèbres dans le cinquième siècle, ne sont point parvenus jusqu'à nous. Il nous reste de lui un traité sur la Pythonisse ou magicienne d'Endor, que Léon Allatius a publié avec une savante dissertation, et qui a été réimprimé dans le huitième tome des Critici sacri. L'auteur veut y prouver, contre Origène, que la magicienne n'évoqua point et ne put évoquer l'ame de Samuel, mais qu'elle fit seulement paroître un spectre représentant le prophète, dans le dessein de tromper Saül. Il y enseigne expressément que / ❤ous la loi mosaïque, les ames des justes reposoient dans le

plus grands évêques de l'église, tels que les Athanase et les Hilaire. Saint Anastase le Sinaïte lui donne le titre de divin, et dit qu'il le regarde comme un pasteur consommé dans les voies de Dieu, comme un sage prédicateur, un saint martyr, un maître qu'il veut suivre avec respect, comme son père et son protecteur, comme un homme en qui Dieu parle.

Les disgrâces où tomba saint Eustathe, et qu'il souffrit avec tant de fermeté, donnèrent plus de lustre à sa vertu que ne lui en avoient donné les fonctions paisibles du ministère sur le siége patriarcal d'Antioche. C'est dans les souffrances et les humiliations que l'héroïsme chrétien se fait principalement connoître. Lorsque tout prospère au gré de nos désirs, il n'est pas difficile de bénir la Providence, et de suivre le parti de la vertu : mais cet état est-il aussi le plus propre à déraciner de nos cœurs les affections vicieuses, à nous rappeler à Dieu, à nous faire fixer nos regards sur l'éternité? Heureux, disoit le Sauveur du monde, ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés! heureux ceux qui souffrent pour la justice, parce que leur récompense est assurée dans le Ciel ! Quoi de plus propre en effet que les temps d'ésein d'Abraham ; qu'aucune ne pouvoit entrer dans le ciel avant que Jésus-Christ n'en eût ouvert les portes; mais que les Chrétiens, en cela, plus heureux que les patriarches et les prophètes, ont l'avantage d'être unis au Sauveur dans la gloire immédiatement après leur mort, s'ils ont mené une vie sainte. Ce traité est bien écrit, et il justifie les louanges que les anciens ont données au saint patriarche d'Antioche. Sozomène dit, en parlant des ouvrages de saint Eustathe, qu'on les admire pour la pureté du style, la sublimité des pensées, la beauté de l'expression: mais rien n'a plus contribué à sa gloire que cette patience héroïque avec laquelle il supporta les horreurs de la calomnie, son injuste déposition, la disgrâce de son prince qu'il n'avoit point méritée, et l'exil qui en fut la suite.

preuves à sanctifier nos ames par le renoncement aux passions, par la connoissance de nos misères, par l'aveu de notre néant? Un chrétien souffrant ressemble à Jésus crucifié. Semblable à l'or qui passe par le creuset, sa vertu s'épure par les tribulations; son amour devient plus ardent, et la douceur inaltérable qu'il fait paroître au milieu de ses peines en tempère tellement l'amertume qu'il s'écrie avec saint Paul: Mon ame est inondée de joie parmi les tribulations qui m'enbironnent.

Notice de la vie et des écrits d'Eusèbe de

Césarée.

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Eusèbe fut élevé à Césarée, et y fit ses études avec saint Pamphile. L'amitié qu'il avoit pour ce Saint étoit si tendre que dans la suite il en ajouta le nom au sien. Il fut emprisonné pour la foi, vers l'an 209. Pamphile, qui étoit déjà dans la même prison depuis la fin de l'année 307, termina sa vie par le martyre; mais Eusèbe fut mis en liberté sans avoir souffert comme les autres confesseurs. On a vu dans la vie de saint Athanase que saint Potamon lui reprocha en plein concile cette exception faite en sa faveur. S'il commit alors quelque faute, elle demeura secrète, puisqu'il fut élevé sur le siége de Césarée, en 314. Six ans après, Arius se retira en Palestine, où la sentence de déposition du sacerdoce, prononcée contre lui en 319 par saint Alexandre, patriarche d'Alexandrie, l'avoit déterminé à chercher un asile. Cet hérésiarque vint à bout d'en imposer à plusieurs évêques. Eusèbe fut du nombre. Il occupa le siége de Césarée jusqu'à l'an 339, qu'il mourut. On lui a reproché avec raison d'avoir toujours eu des liaisons étroites avec les sectateurs d'Arius. Henri de Valois a essayé de justifier sa foi dans les prolégomènes qu'il a mis à la tête de la traduction latine de son Histoire ecclésiastique, et il a prétendu qu'on ne devoit point lui attribuer les erreurs des Ariens, quoique souvent il n'employât pas le mot consubstantiel; du moins est-il certain qu'il s'en laissa imposer par Arius, au point de croire que cet hérésiarque admettoit l'éternité du Verbe. On trouve d'ailleurs dans ses écrits plusieurs passages qui prouvent la divinité, et même, quant au sens, la consubstantialité du Fils. Ceillier et quelques autres auteurs ont aussi parlé d'Eusèbe à cet égard d'une manière favorable, ou au moins d'une manière qui lui est peu désa,

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