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vantageuse, et ils sont portés à croire qu'il n'a jamais adhéré à l'erreur capitale d'Arius. Il nous paroît cependant qu'il est bien difficile de justifier entièrement l'archevêque de Césarée sur ce point. Ce qu'on peut dire de plus avantageux pour lui, c'est qu'il n'a point soutenu cruement l'arianisme, et qu'il a voulu tenir une espèce de milieu entre l'herésie et la doctrine appuyée sur la tradition de l'église. (Voyez Baronius, sous l'an 380; Witasse, le P. Alexandre, et le traité in-folio composé contre l'arianîsme par D. Maran, savant bénédictin de la congrégation de Saint-Maur.) Photius, dans un certain ouvrage que le P. de Montfaucon a donné, Bibl. Coislin. p. 348, accuse ouvertement Eusèbe d'arianisme et d'origénisme.

Mais quoique la foi d'Eusèbe doive passer au moins pour suspecte, et que sa conduite ait été répréhensible à bien des égards, il n'en faut pas moins accorder à ses talens les éloges qu'ils méritent. L'église a retiré une grande utilité de ses écrits, de ceux sur-tout qu'il composa en faveur de la religion chrétienne avant la naissance de l'arianisme. Nous allons en donner une notice.

1.o Le Livre contre Hiéroclès. Cet Hiéroclès étoit un magistrat de Nicomédie qui persécuta les Chrétiens sous l'empereur Dioclétien. Sa cruauté lui fit donner pour récompense le gouvernement de l'Egypte. Il se flatta d'anéantir le christianisme, en comparant les miracles de Jésus-Christ avec ceux d'Apollonius de Tyane, et en avançant que les seconds étoient de beaucoup supérieurs aux premiers. Il fit un ouvrage où il tâchoit d'établir la vérité du parallèle. Ce fut contre cet ouvrage qu'Eusèbe écrivit celui dont nous parlons. Après avoir fait sentir l'indécence du parallèle, il prouve en détail qu'il n'est appuyé que sur un roman rempli de puérilités, de contradictions et de faussetés. 11 montre que Philostrate, auteur de la vie d'Apollonius, ne composa sa prétendue histoire que cent ans après la mort de cet imposteur, pendant qu'il enseignoit la rhétorique à Rome; que les mémoires dont il s'étoit servi ne méritoient aucune créance; qu'il suffisoit de les lire pour s'en convaincre. Eusèbe écrivit son livre contre Hiéroclès avant son épiscopat. Cet ouvrage a été imprimé à la suite de sa démonstration évangélique de l'édition de 1688. Vers le temps où il fut placé sur le siége de Césarée, il entreprit deux autres ouvrages, dont le projet ne fait pas moins d'honneur à la beauté de son génie, que l'exécution n'en a fait à l'étendue de ses connoissances.

2. Le premier, intitulé de la Préparation évangélique, est divisé en quinze livres. Eusèbe y fait paroître une érudition très-vaste, et y réfute solidement l'idolâtrie. Il montre que les Grecs ont emprunté leurs sciences et la plupart de leurs dieux, des Egyptiens, dont l'histoire, dans ce qu'elle a de vrai, s'accorde avec celle de Moyse. Il fait voir ensuite que la théologie des païens est un tissu de fictions monstrueuses, impies, extravagantes, que les personues éclairées d'entre eux

condamnent; que leurs oracles ne sont que des réponses des démons, ou un enchaînement d'impostures; qu'ils ne sont jamais parvenus à une connoissance infaillible des événemens contingens; qu'ils ont même été réduits au silence par un pouvoir à la supériorité duquel ils ont été forcés de rendre hommage. Viennent après cela les preuves de l'unité de Dieu, et d'une religion révélée qui est aussi ancienne que le monde. 3. Le second ouvrage a pour titre De la Démonstration évangelique, et est divisé en dix livres. Le premier de ces livres est sans commencement, et le dixième sans fin. Les six derniers sont perdus. Il y est prouvé que les livres des Juifs annoncent clairement Jésus-Christ et l'évangile. L'antiquité ne nous a rien transmis de plus précieux que cet ouvrage et le précédent en faveur de la vérité du christianisme. Scaliger dit, en parlant du premier, que c'est un livre divin, et qu'il a fallu pour le composer, ouvrir tous les écrits des anciens

auteurs.

La meilleure édition que nous ayons de la Préparation évangélique, est celle du P. Vigier, jésuite, en grec et en latin, avec des notes. Elle parut à Paris, en 1628, in-fol. Les exemplaires en sont devenus assez rares. Elle fut réimprimée à Leipsic (quoique le titre porte Cologne) en 1688, aussi in-fol.

Entre les différentes éditions de la Démonstration évangélique, on estime sur-tout celle qui fut donnée en grec et en latin, à Paris en 1628, in-folio. Elle reparut à Cologne, ou plutôt à Leipsic en 1688. La version latine est de Bernardin Donat, de Vérone.

Albert Fabricius a tiré les trois premiers chapitres du livre premier, ainsi que la fin du dixième livre de la Démonstration évangélique, d'un Ms. authentique de la bibliothèque de JeanNicolas Maurocordati, prince de Walachie, et les a publiés en grec et en latin, au commencement de la bibliothèque des auteurs qui ont écrit pour et contre la vérité de la religion chrétienne, Hambourg, 1725, in-4.o

4. Les deux livres contre Marcel d'Ancyre, et les trois livres de la Théologie ecclésiastique, sont une réfutation du sabellianisme. Ils ont été imprimés à la suite de la Démonstration évangélique, dans l'édition de 1688.

5. La Topographie, ou explication alphabétique des lieux dont il est parlé dans l'ancien Testament. C'est un ouvrage exact et utile. Saint Jérôme l'a traduit en latin, et y a fait des additions.

6. Un bon Commentaire sur les Psaumes, que le P. de Montfaucon a publié dans sa Collectio nova Script. Græcor. Paris, 1706.

7.° Quatorze discours sous le titre d'Opuscules, qui ont été donnés au public par le P. Sirmond, Oper. t. I. On ne les conteste point à Eusèbe, quoique les anciens n'en aient point parlé. Tillemont dit cependant qu'il y en a quelques-uns qui paroissent n'être point de lui,

8. Le discours sur la Dédicace de l'église de Tyr, qui fut rebâtie en 315, après la persécution. On y trouve un détail curieux des cérémonies qui s'observèrent alors, et une description de la structure de cette église.

9.o La Lettre à ceux de Césarée, écrite après la conclusion de concile de Nicée. Eusèbe y exhorte son troupeau à recevoir les définitions et le symbole de ce concile.

10.o Le Panégyrique de Constantin, prononcé à Constantinople en présence de ce prince, qui célébroit alors la trentième année de son règne par des jeux publics. Constantin y est loué sur-tout à cause de la destruction de l'idolâtrie. Le style de cet ouvrage est trop recherché, et la lecture en est ennuyeuse. 11.o La vie de Constantin, divisée en quatre livres. Elle fut écrite en 338, un an après la mort de cet empereur. Le style en est diffus, et d'autant plus désagréable, qu'il est moins naturel. Photius reproche à Eusèbe d'avoir dissimulé ou supprimé dans cet ouvrage les principaux faits qui concernent Arius, et la condamnation de cet hérésiarque dans le concile de Nicée.

12. La Chronique, qui a dû coûter un travail immense, est divisée en deux parties. La première, appelée chronologie, présente la succession des rois et des souverains des principaux peuples depuis le commencement du monde : la seconde, intitulée chronique ou règle des temps, peut être regardée comme une table de la première. On y voit d'un coup d'œil les chronologies particulières rapprochées les unes des autres, et confrontées entr'elles. Saint Jérôme traduisit cette seconde partie en latin, et y fit des additions. La première étoit perdue avant le travail de Joseph Scaliger; encore ne peut-on se flatter de l'avoir recouvrée. Scaliger ne nous a donné que des fragmens tirés de George le Syncelle, de Cédrénus et de la chronique d'Alexandrie, et il n'a pas toujours exactement distingué ce qui étoit d'Eusèbe, d'avec ce qui ne pouvoit lui être attribué.

13. L'Histoire ecclésiastique, divisée en dix livres. C'est de tous les ouvrages d'Eusèbe, celui qui laf a mérité le plus de célébrité. L'auteur commence son histoire à la naissance de Jésus-Christ, et la continue jusqu'à la défaite de Licinius, arrivée au mois de Septembre de l'année 323. L'ayant ensuite revisée, il y ajouta quelques faits qui vont jusqu'à l'an 326. Le huitième livre contient un abrégé des actes qu'il avoit recueillis sur les martyrs de la Palestine. Rufin a fait une bonne traduction latine de cette histoire, qu'il a réduite à neuf livres, auxquels il en ajoute deux autres qui vont jusqu'à la mort de Théodose.

Eusèbe s'est beaucoup servi du travail de Jules Africain, en rédigeant sa chronique; il a aussi beaucoup profité en composant son histoire de celle de saint Hégésippe, qui étoit conduite jusqu'en 170. On ne sauroit assez estimer ce second Tome VI.

M

ouvrage, quoiqu'il s'y soit glissé quelques fautes, qu'il y ait des omissions essentielles par rapport à l'arianisme, et que la vérité y soit quelquefois altérée sur les affaires de l'église d'Occident dont l'auteur n'étoit pas bien instruit,

Christophorson, évêque de Chichester, nous a donné une élégante traduction latine de l'histoire ecclésiastique d'Eusebe, où il a changé l'ordre et la division des chapitres. Celle de Henri de Valois est plus exacte. La traduction de ce savant a été imprimée séparément, et avec le texte original.

Eusèbe est un des plus doctes prélats de l'antiquité. Il avoit une étendue prodigieuse de connoissances; mais il ne s'est point assez appliqué à la politesse du style, défaut assez ordinaire aux érudits.

S. HÉLIER,

HERMITE ET MARTYR DANS L'ÎLE DE GERSEY.

SAINT ÉLIER OU HELIER fut converti à la foi par saint Marcou, mort en 558. Enflammé d'un désir ardent de tendre à la perfection, il se retira dans l'île de Gersey, et choisit pour demeure une caverne située sur un rocher de difficile accès, où il mena la vie d'un ermite dans la pratique du jeûne et l'exercice de la contemplation. Il fut massacré par une troupe de barbares. La principale ville de l'île, qui est à sept lieues du Cotentin, porte son nom. L'ile étoit anciennement de la juridiction de l'évêque de Coutances, et l'on invite encore celui qui en est doyen à tous les synodes. diocésains. L'abbaye de Beaubec, au diocèse de Rouen, prétend posséder les reliques de saint

Hélier.

Voyez le nouveau martyrologe d'Evreux; Piganiol, Descript. de la Fr. t. IX, p. 557; les Bollandistes, sous le 16 de Juillet; Trigan, Hist. eccles. de Normandie, t. 1, p. 124; les bréviaires de Coutances, de Rennes, et de l'abbaye de Beaubec.

S. FULRAD, ABBÉ DE SAINT-DENIS, EN FRANCE.

FULRAD, quatorzième abbé de Saint-Denis en France, étoit d'Alsace, ou du moins originaire

de cette province, où il possédoit de grands biens, et où il fonda des monastères. C'est sans preuves que quelques historiens le font neveu ou petit-fils de Charlemagne. Ceux qui le font oncle de ce prince, le confondent avec Fulrad, abbé de SaintQuentin, en Vermandois. Riculphe, son père, et Ermengarde, sa mère, jouissoient en Alsace de la considération due à leur haute naissance. Fulrad ne se rendit pas moins illustre par sa piété que par la supériorité de son génie, et par ses dignités et ses emplois. Ses négociations, et les services qu'il rendit à l'état et à l'église, doivent le faire regarder comme un des hommes les plus célèbres de son temps. Les rois et les papes l'honorèrent de leur confiance. Ce fut lui que Pepin chargea en 751, d'aller consulter le pape Zacharie sur la disposition qu'on devoit faire du trône. Quatre ans après, il fit au nom du roi la donation de l'Exarcat et de la Pentapole au même pontife. Nous apprenons des anciens monumens qu'il fut abbé de Saint-Denis, conseiller du roi Pepin, chapelain de son palais, archiprêtre des royaumes d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne, et archichapelain, ou, comme on dit aujourd'hui, grand-aumônier de France. Il exerça aussi cette charge sous Carloman et sous Charlemagne. II fonda plusieurs monastères, entre autres ceux de Lièvre et de Saint-Hippolyte dans le diocèse de Strasbourg, et le prieuré de Salone dans celui de Metz. Il soumit ces maisons à l'abbaye de SaintDenis, par son testament de l'an 777. Il mourut le 16 Juillet 784. On lit son nom parmi les Saints dans plusieurs martyrologes, quoique d'autres ne lui donnent que le titre de vénérable. On l'enterra dans l'église de Saint-Denis, d'où son corps fut depuis porté au monastère de Lièvre. On a long

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