Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

en lire quelque chose, et quand il envoyoit chercher ses ouvrages, il avoit coutume de dire: Donnez-moi mon maître. Balzac a comparé ingénieusement l'éloquence de Tertullien à l'ébène, qui tire sa beauté et son prix de sa couleur noire. La chute de ce grand homme doit d'autant plus étonner qu'il témoigne, dans son Apologétique, c. 39, avoir une extrême frayeur de l'excommunication, qu'il appelle une anticipation du jugement à venir. Il fut depuis orgueilleux, attaché à son sens, et il se moqua des censures de l'église. Quelque beau que fût son génie, il semble dépourvu des premiers principes quand il veut soutenir ses erreurs; il porte l'enthousiasme jusqu'au ridicule, comme lorsque, d'après l'au torité des rêveries de Priscille et de Maximille, il dispute sérieusement sur la figure et la couleur d'une ame humaine. Ayant depuis abandonné les Montanistes, il devint le père d'une nouvelle secte. Ceux qui la composoient prirent le nom de Tertullianistes. Ils eurent une église à Carthage jusqu'au temps de saint Augustin, qu'ils renoncèrent à leurs erreurs. Tertullien mourut dans un âge fort avancé, vers l'an 245.

Les ouvrages qu'il écrivit après sa chute, sont, 1.o le livre de l'Ame. Il prétend y prouver que l'ame a une figure humaine, etc.

2. Le livre de la chair de Jésus-Christ. Il y est montré que le Sauveur a pris la chair humaine dans la réalité, et non pas seulement en apparence.

3.o Le livre de la Résurrection de la chair. Tertullien y prouve le grand mystère qui en fait le sujet.

4. Les cinq livres contre Marcion. Cet hérésiarque admettoit deux principes ou deux dieux, l'un bon, et l'autre mauvais. Selon lui, le second étoit adoré par les Juifs, et étoit l'auteur/ de leur loi; mais le Christ avoit été envoyé par le bon principe pour détruire ses œuvres. Tertullien prouve, contre Marcion, l'unité de Dieu, ainsi que la sainteté de l'ancien et du nouveau Testament.

5. Le livre contre Praxéas. La trinité des personnes divines y est fort bien prouvée; on y trouve même le mot trinité, c. 2: mais il y fait un prétendu crime à Praxèas, qui, étant venu d'Orient à Rome, avoit informé le pape Victor des erreurs et de l'hypocrisie de Montan; il lui reproche d'avoir banni le paraclet (Montan), et crucifié le Père: Paracletum fugavit, patrem erucifixit, c. 1. Ceci venoit de ce que Praxéas, sous le beau titre de confesseur, répandoit l'hérésie des Patripassiens, confondant les trois personnes divines, et prétendant que le Père étoit devenu homme dans le Fils, et avoit été crucifié pour nous.

6. L'apologie du manteau de philosophe, qu'il aimoit mieux porter que la toge, pour la commodité, et comme un emblême d'une vie plus austère. Il paroît que cet ouvrage ne fut qu'un jeu d'esprit.

7.o Le livre à Scapula, proconsul d'Afrique. Ce proconsuly est exhorté à mettre fin à la persécution. « Un Chrétien, lui > dit Tertullien, n'est ennemi d'aucun homme; à plus forte » raison ne l'est-il pas de l'empereur.

D

8. Le livre de la Monogamie. L'auteur y soutient contre les catholiques, qu'il appelle Psychiques, que les secondes noces ne sont pas permises; ce qui étoit un des articles de son hérésie. Une des raisons qu'il apportoit, étoit que le devoir d'une veuve est de prier continuellement pour l'ame de son mari défunt.

9.o Le livre du Jeûne, dont l'objet est de justifier les jeûnes extraordinaires prescrits par les Montanistes. Tertullien observe que les catholiques gardoient certains jeûnes d'obligation, comme celui qui précède la fête de Pâques, et qu'on a depuis appelé Carême ; il ajoute qu'on ne le rompoit chaque jour que sur le soir; il observe encore que ceux du mercredi et du vendredi, connus sous le nom de stations, n'étoient point de précepte. Quelques-uns y ajoutoient la xerophagie, c'est-à-dire, qu'ils ne mangeoient que des choses sèches, d'autres ne se nourrissoient que de pain et d'eau. Les Montanistes, dans leurs jeûnes, ne mangeoient qu'à la nuit, et se réduisoient à la xerophagie.

10. Le livre de la Chasteté, écrit contre les catholiques qui donnoient l'absolution aux pénitens qui s'étoient rendus coupables d'adultère ou de fornication. Les Montanistes soutenoient que l'église n'avoit pas le pouvoir de pardonner les péchés d'impureté, non plus que le meurtre et l'idolâtrie. Tertullien répète deux fois dans ce livre, qu'on représentoit sur les calices l'image du bon pasteur portant sur ses épaules la brebis égarée. Il s'exprime ainsi à l'occasion d'un décret fait par l'évêque de Rome, et dont il se moquoit : « J'apprends » qu'ils ont fait un décret, et même un décret absolu. Le premier des prêtres, ou l'évêque des évêques, dit: Je re» mets les péchés d'adultère et de fornication à ceux qui ont » fait pénitence, c. 1. Il appelle ailleurs le pape évêque apostolique, et le bienheureux pape, ibid. c. 13 et 19. »

[ocr errors]
[ocr errors]

11. Le livre de la Couronne, composé en 235, pour justifier l'action d'un soldat chrétien qui avoit refusé de se couronner de fleurs comme les autres, dans la distribution des largesses qu'on faisoit aux soldats. Tertullien y dit que les guirlandes qu'on portoit en ces occasions passoient pour consacrées à quelque fausse divinité. Ce n'est, ajoute-t-il, que sur l'autorité de la tradition que nous pratiquous plusieurs choses; telles sont les cérémonies usitées au baptême, les oblations que nous faisons tous les ans pour les morts, et aux fêtes des martyrs, l'usage où nous sommes de prier debout le dimanche, et depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte. « C'est d'après la même autorité que nous formons le signe de la croix sur nos fronts à chaque action, dans tous nos mouD vemens en sortant de nos maisons et en y entrant, en

[ocr errors]

2

[ocr errors]

nous habillant et en nous baignant, lorsque nous nous > mettons à table ou au lit, lorsque nous nous asseyons, etc. D c. 3 et 4.

12. Le livre de la Fuite, écrit vers le même temps. Tertul lien prétend y prouver, contre les catholiques, que c'est un crime de fuir en temps de persécution.

La meilleure édition que nous ayons des œuvres de Tertullien, est celle de Rigault, qui parut à Paris en 1634 et 1642, à laquelle il faut joindre un volume de notes et de commentaires de différens auteurs, imprimé dans la même ville en 1635, in-fol. On estime les notes critiques et grammaticales de Rigault; mais on fait peu de cas de celles qui regardent la théologie; il y est parlé d'une manière peu respectueuse de certains usages de l'église.

On a imprimé plusieurs fois séparément les principaux ouvrages de Tertullien, comme son apologétique, son livre des prescriptions, etc. On les a aussi traduits en français.

Voyez Cave, t. I, p. 91; Tillemont, t. III, p. 196; Ceillier, t. II, p. 374.

S.te MARCELLINE, VIERGE.

MARCELLINE ayant perdu son père, qui étoit préfet des Gaules, se retira à Rome avec sa mère, saint Ambroise et Satyre ses frères. La vertu prévint en elle le nombre des années. Elle comprit de bonne heure sa destination, et vécut d'une manière qui y étoit conforme. Comme on l'avoit chargée de l'éducation de ses deux frères, elle s'appliqua sur-tout à leur inspirer l'esprit de piété et de religion. Elle leur apprit que la noblesse du sang ne donne aucun mérite réel; qu'elle ne rend ́estimable qu'autant qu'on la méprise; que l'amour des sciences est une folie, s'il n'a pour objet de nous faire connoître à nous-même; que c'est à cette connoissance que doivent se rapporter toutes nos études, si nous voulons qu'elles nous deviennent utiles. Elle leur persuada qu'ils devoient travailler, non pas à paroître, mais à être véritable

ment vertueux.

Marcelline, dans toute sa conduite, ne se pro

posoit autre chose que la gloire de Dieu. Pour vaquer plus librement aux exercices de piété, elle résolut de quitter le monde; ce qu'elle exécuta le jour de Noël de l'année 352, en recevant le voile des mains du pape Libère. La cérémonie se fit dans l'église de Saint Pierre, en présence d'une grande multitude de peuple. Le pape l'exhorta à s'attacher fortement à Jésus-Christ qu'elle choisissoit pour époux, à vivre dans la pratique perpétuelle de l'abstinence, de la mortification, du silence, de la prière, et à témoigner toujours dans l'église les vifs sentimens de respect dont elle devoit être pénétrée. Il lui cita l'exemple de ce page d'Alexandre-le-Grand, qui, pour ne pas troubler la solennité d'un sacrifice païen, aima mieux se laisser brûler la main jusqu'à l'os, que de secouer de la cire fondue, qui étoit tombée dessus.

La sainte se conforma parfaitement aux instructions qu'on lui avoit données. Elle jeûnoit tous les jours jusqu'au soir, et passoit même quelquefois plusieurs jours de suite sans manger. Elle n'usoit que d'alimens grossiers, et ne buvoit que de l'eau. Jamais elle ne reposoit qu'elle ne fût accablée de sommeil. La prière et les pieuses lectures lui emportoient la plus grande partie du jour et de la nuit. Sur la fin de sa vie, elle modéra ses austérités corporelles conformément aux avis de saint Ambroise, qui en même temps lui conseilla de redoubler de ferveur dans ses autres exercices, surtout dans la récitation des psaumes, de l'oraison dominicale et du symbole, que le saint archevêque de Milan appelle le sceau du chrétien et la garde de nos cœurs.

Après la mort de sa mère, sainte Marcelline continua de vivre à Rome de la même manière.

Elle avoit pour compagne une vierge pleine de ferveur, et elles demeuroient l'une et l'autre, non dans une communauté, mais dans une maison particulière. On ignore en quelle année mourut sainte Marcelline; mais il est certain qu'elle survécut à saint Ambroise, dont la mort arriva en 397. Elle est nommée dans le martyrologe romain, sous le 17 Juillet.

Voyez saint Ambroise, de Virgin. l 3, c. 1, 2, 3, 4, t. II, p. 1741, et ep. 20 et 22, edit. Ben. et Cuper, l'un des continuateurs de Bollandus, t. IV, Julii, p. 231.

S. ENNODE, Évêque de Pavie.

MAGNUS-FÉLIX-ENNODIUS descendoit d'une illustre famille établie dans les Gaules, et alliée aux plus grandes maisons qui florissoient de son temps. Il comptoit parmi ses parens, Faustus, Boëce, Aviénus, Olybrius, et plusieurs autres personnes très - distinguées par leur naissance. Il donne à entendre (1) qu'il naquit dans la ville d'Arles; mais il passa ses premières années en Italie, et fut élevé à Milan sous les yeux d'une de ses tantes. II s'engagea depuis dans l'état du mariage, et épousa une fille qui joignoit à la noblesse, des biens considérables. L'éloquence et la poésie furent l'occupation et l'amusement de sa jeunesse.

Malheureusement pour lui l'amour du monde l'emporta; oubliant ce qu'il devoit à Dieu, il s'égara dans les voies corrompues du siècle. La grâce cependant ne cessoit de le poursuivre; les remords se firent sentir, et bientôt sa conversion fut entière. Pour la rendre solide, et se consacrer plus. spécialement au service de Dieu, il entra dans le clergé, du consentement de sa femme, qui de son (1) L.7,ép.8.

« PrécédentContinuer »