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reusement son saint nom. L'empereur leur parla d'abord à tous avec douceur, et les exhorta d'une manière pressante à sacrifier. Symphorose lui répondit ainsi au nom de tous: « Gétulius mon mari, et son frère Amantius, l'un et l'autre tribuns » dans vos troupes, ont souffert divers tourmens » pour le nom de Jésus-Christ, plutôt que de sa» crifier aux idoles; ils ont vaincu vos démons » par leur mort, aimant mieux se laisser tran» cher la tête que de céder à vos efforts. La mort » qu'ils ont soufferte a paru honteuse aux yeux » des hommes; mais elle les a comblés de gloire » parmi les anges. Ils jouissent présentement dans » le ciel d'une vie qui ne finira jamais. »

L'empereur, changeant de voix, lui dit d'un ton sévère: « Si vous ne sacrifiez avec vos fils,

je vous ferai tous offrir en sacrifice à nos dieux >> puissans. SYMPHOROSE. Vos dieux ne peuvent » me recevoir en sacrifice; mais si je suis brûlée » pour le nom de Jésus-Christ, ma mort augmen » tera les tourmens que vos démons souffrent › dans leurs flammes. Pourrois-je espérer le bon> heur d'être offerte en sacrifice, avec mes en» fans, au Dieu vivant et véritable? ADRIEN. Ou

sacrifiez à mes dieux, ou vous périrez tous mi› sérablement. SYMPHOROSE. Ne croyez pas que » la crainte puisse me faire changer; je désire » être réunie dans le lieu de repos avec mon ma› ri, que vous avez mis à mort pour le nom de » Jésus-Christ. «

Adrien fit conduire Symphorose au temple d'Hercule, où elle eut le visage meurtri de soufflets; on la pendit ensuite par les cheveux. Comme elle étoit inébranlable au milieu de ces tourmens, l'empereur ordonna qu'elle fût jetée dans la rivière avec une grosse pierre au cou. Son frère

Eugène, qui étoit un des principaux du conseil de Tibur, retira son corps, et l'enterra sur le chemin près de la ville.

Le lendemain, Adrien ordonna que les sept fils de Symphorose lui fussent amenés tous à la fois. Ayant inutilement employé les exhortations et les menaces pour les gagner, il fit planter autour du temple d'Hercule sept pieux, où on les étendit avec des poulies. On les serra avec tant de violence, que leurs cs furent disloqués en plusieurs endroits de leurs corps. Loin de céder à la cruauté des tortures, ils s'animoient les uns les autres, et se montroient plus avides de souffrances, que les bourreaux n'étoient ardens à les tourmenter. Enfin l'empereur commanda qu'on les mit à mort chacun à l'endroit où il étoit. CRESCENS, l'aîné de tous, fut égorgé; le second, nommé JULIEN, recut un coup de poignard dans la poitrine; NÉMESIUS eut le cœur percé d'une lance; PRIMITIVUS fut frappé dans l'estomac; on rompit les reins à JUSTIN; on ouvrit les côtés à STACTEUS; EUGÈNE, le plus jeune, fut fendu depuis le haut jusqu'en bas.

Le lendemain Adrien vint au temple d'Hercule, fit creuser une fosse profonde, et ordonna qu'on y jetât les corps des martyrs. Les prêtres païens nommèrent ce lieu les sept biothanates, c'est-àdire, les sept suppliciés.

La persécution ayant cessé, les Chrétiens respirèrent environ dix-huit mois (d). Durant cet

(d) Adrien devint plus cruel que jamais sur la fin de son règne, et fit mourir injustement plusieurs personnes de distinction. Il fut attaqué d'une hydropisie à son palais de Tibur. Les remèdes ne lui procurant aucun soulagement, il tomba dans le désespoir; souvent il demanda du poison ou une épée pour terminer sa vie; il offrit même de l'argent, et promit l'impunité à ceux qui voudroient lui rendre ce prétendu ser

intervalle, ils rendirent aux reliques des martyrs l'honneur qui leur étoit dû, et les enterrèrent sur la voie Tiburtine, à moitié chemin de Rome et de Tivoli. On voit encore quelques restes d'une église qui fut bâtie sous leur invocation dans un lieu qui porte le nom des sept frères (e). Un pape nommé Etienne transporta leurs corps à Rome Etienne_transporta dans l'église de Saint-Ange. On les y trouva sous le pontificat de Pie IV, avec une inscription où il étoit parlé de cette translation (1).

Sainte Symphorose n'entretenoit point ses enfans des avantages que leurs richesses et leur naissance pouvoient leur procurer dans le monde. Si elle leur parloit de leur père, ce n'étoit point pour vanter les postes honorables qu'il avoit occupés, ni les grandes actions par lesquelles il s'étoit illustré, mais pour leur rappeler le souvenir de sa piété, et du glorieux triomphe qu'il avoit mérité en confessant Jésus-Christ. Elle leur représentoit continuellement la gloire et le bonheur de ceux qui marchent sur les traces du Sauveur du monde. Elle leur apprenoit qu'un chrétien qui aime les vice. Son médecin se tua lui-même, de peur d'être forcé à lui donner du poison. Enfin un esclave, nommé Mastor, qui s'étoit fait connoître par sa force et sa hardiesse, se détermina, tant par menaces que par promesses, à obéir à l'empereur ; mais quand il fallut en venir à l'exécution, il fut saisi d'une si grande frayeur, qu'îl prit la fuite. Le malheureux Adrien se lamentoit nuit et jour de ne pouvoir trouver la mort, lui qui l'avoit donnée à tant d'autres. Il se la donna cependant luimême, en mangeant et en buvant des choses contraires à sa maladie. Il expira en disant : « Les médecins ont tué l'em

pereur. Turba medicorum Cæsarem perdidit. (Dion Cass. et Spartien, in Adriano.) Il mourut en 138, à la soixantedeuxième année de son âge, et à la vingt-unième de son règne.

(e) A Settc-Frate, dans la maison de campagne de Maffei, à 9 milles de Rome. Voyez Aringhi, Roma subter. l. 3, c. 14. (1) Voyez Adon, Usuard, et le ma tyrologe romain, avec les notes de Baronius et de Lubin.

humiliations et les souffrances, y trouve un trésor solide et une paix inaltérable qui l'accompagnera jusqu'au dernier soupir. Le mondain a beau vanter ses honneurs, ses plaisirs, ses richesses; de pareils biens, si toutefois ils en méritent le nom, ne peuvent satisfaire ses désirs; souvent même ils n'atteignent pas jusqu'à son cœur, qui, sous une belle apparence, cache une plaie douloureuse, et qu'un chagrin interne, semblable à un ver rongeur, déchire cruellement. Ils perdent au moins leur charme à l'heure de la mort; ils pa-roissent alors comme un songe qui a passé en un moment; mais ils laissent après eux un aiguillon qui pénètre l'esprit de frayeur et de désespoir, qui remplit l'ame toute entière de confusion, et qui la jette dans des alarmes accablantes.

S. PHILASTRE, ÉVÊQUE DE BRESSE, EN ITALIE.

ON ignore le lieu de la naissance de saint Philastre; on sait seulement qu'il abandonna sa patrie, la maison et l'héritage de ses pères, afin de vivre dans un plus parfait détachement du monde. Souvent il passoit des nuits entières dans la méditation de l'écriture sainte. Ayant été ordonné prêtre, il parcourut diverses provinces pour combattre les infidèles et les hérétiques, et sur-tout les Ariens, dont la fureur causoit de grands ravages par toute l'église. Les ennemis de la vérité le maltraitèrent cruellement; mais il se réjouit de souffrir, à l'exemple des apôtres, pour le nom de Jésus-Christ.

Etant à Milan, il s'opposa de toutes ses forces aux desseins impies d'Auxence, qui vouloit anéantir la doctrine catholique, et il soutint généreusement le parti des orthodoxes dans cette ville,

avant que saint Ambroise en eût été fait évêque. De Milan, il se rendit à Bresse. Il y trouva des hommes grossiers, charnels, et qui n'avoient presque aucune connoissance des choses du ciel. Il profita du désir qu'ils marquoient de vouloir être instruits, et il eut la consolation de voir ses travaux couronnés par le plus heureux succès. 11 attaqua toutes les erreurs jusque dans leur principe, et cultiva si bien cette vigne sauvage, qu'elle devint très-féconde en fruits de vie. Ayant été fait évêque de Bresse (a), il se surpassa luimême dans l'exercice des fonctions pastorales, et sa dignité ne fit que donner plus de poids et d'autorité aux efforts de son zèle.

Saint Philastre n'avoit pas la même étendue de connoissances qu'un saint Ambroise et un saint Augustin; mais il suppléoit à ce qui lui manquoit de ce côté-là par une vie édifiante, par une humilité profonde, par une piété rare, par une application infatigable à tous ses devoirs; et son exemple prouve qu'on peut rendre à l'église d'importans services, lorsqu'on joint beaucoup de vertu à une capacité ordinaire.

Ce fut pour précautionner son troupeau contre le danger des erreurs en matière de foi, qu'il composa son Catalogue des hérésies; terme qu'il ne prend pas dans la précision théologique, puisqu'il met quelquefois au nombre des hérésies des opinions qu'il rejette comme étant moins probables, mais qui sont problématiques dans l'église. Par-tout il se montre plein de zèle pour l'orthodoxie (b).

(a) Saint Philastre fut le septième évêque de Bresse.

(6) Les meilleures éditions du Catalogue des hérésies, par saint Philastre, sont celles qui parurent à Hambourg, en 1721, avec les notes de Fabricius, et à Bresse, en 1738, avec les

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