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vriers évangéliques pour amener à la connoissance de la vérité ce qu'il y avoit encore d'idolâtres.

Charlemagne avoit aliéné contre lui les esprits des Frisons et des Saxons, par la sévérité avec laquelle il les avoit traités. Louis, son fils et son successeur (b), n'eut pas plutôt été fait empereur, qu'il déchargea les Saxons des tributs exorbitans qu'ils payoient. Il les traita avec tant de bonté, qu'il gagna leurs cœurs, et les attacha pour toujours à l'empire. Ce fut cette bonté et ses autres actes de clémence qui lui méritèrent le surnom de Débonnaire. L'amour que lui portoient les peuples vaincus par Charlemagne, facilitoit beaucoup les progrès de l'évangile, et Frédéric sut en profiter.

L'empereur avoit eu trois fils, Lothaire, Pepin et Louis, de la reine Hermengarde, qui mourut à Angers en 818. L'année précédente, il avoit tenu une diète à Aix-la-Chapelle, où il partagea ses états entre eux. Il associa à l'empire Lothaire, son fils aîné, auquel il donna le royaume d'Italie. Il nomma Pepin, roi d'Aquitaine, et Louis, roi de Bavière (c). Louis-le-Débonnaire se remaria en 819, et épousa Judith, fille de Welf, comte de Weingarten, un des principaux seigneurs de la Bavière. De ce mariage naquit, en 823, Charles

(b) Louis avoit été fait roi d'Aquitaine du vivant de son père. Il parvint à l'empire à l'exclusion de Bernard son petitneveu, roi d'Italie. Celui-ci étoit petit-fils de Pepin, frère aîné de Lonis. Après la mort de Pepin, arrivée en 810, le royaume d'Italie passa successivement au fils et au petit-fils de ce prince, qui portèrent l'un et l'autre le nom de

Bernard.

(c) L'empereur Lothaire, mort en 855, eut trois fils qui partagèrent entre eux ses états. Lothaire, le second, eut le pays qui prit de lui le nom de Lotharingia, ou de royaume de Lorraine. Voyez D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. I, p. 687

et suiv,

le-Chauve, qui fut depuis empereur et roi de France. Quelques historiens représentent Judith comme une femme ambitieuse et livrée aux plus honteux désordres. Ses scandales et ses intrigues bouleversèrent l'état; sa conduite révolta tous les esprits, et fut la cause ou du moins le prétexte qui porta les trois fils aînés de l'empereur à prendre les armes contre leur père (d). Nous ne prétendons pas pour cela excuser les princes rebelles, et encore moins justifier les moyens violens qu'ils employèrent pour remédier, à ce qu'ils disoient, aux malheurs publics, dont la méchanceté de Judith et la foiblesse de l'empereur étoient la cause. On lit dans la vie de l'abbé Wala, écrite par un

(d) Louis-le-Débonnaire abandonna l'administration des affaires à Judith. Cette princesse avoit deux frères, Rodolphe et Conrad : le premier fut fait gouverneur de Bavière, et le second, gouverneur d'Italie. L'empereur réserva la meilleure partie des royaumes de France et de Germanie pour Charlesle-Chauve, qu'il avoit eu de Judith. Les princes Lothaire Pepin et Louis, se plaignirent de cette destination comme contraire aux droits de la naissance; ils en vinrent jusqu'à oublier les lois les plus sacrées de la nature : ils prirent deux fois les armes contre leur propre père. Leur première révolte arriva en 830, la même année que Louis avoit fait un nouveau partage de ses états en faveur du jeune Charles. L'empereur fut arrêté à Compiègne, et Judith enfermée dans un monastère à Poitiers. Ils recouvrèrent leur liberté peu de temps après par l'entremise des Saxons. La seconde révolte, qui arriva en 833, éclata en Alsace, comme M. l'abbé Grandidier l'a prouvé dans son Histoire de l'église de Strasbourg t. 11, p. 139 et suiv. L'impératrice fut envoyée dans le monastère de Tortone, en Italie, et son fils, dans celui de Prum, près de Trèves. L'empereur lui-même, renfermé dans le monastère de Saint-Médard de Soissons, fut obligé de comparoître, le 1.er Octobre 833, à la diète de Compiègne, où il eut la foiblesse de s'avouer coupable des crimes dont on l'accusoit. Il y fut déposé, et Lothaire créé empereur à sa place: mais la tyrannie de ce dernier révolta ses deux frères, qui prirent les armes, et rétablirent leur père sur le trône. Louisle-Débonnaire mourut le 20 Juin 840, laissant la monarchie française à Charles-le-Chauve, qu'il avoit eu de Judith. Cette princesse mourut trois ans après.

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auteur contemporain qui étoit fort instruit de tous les mystères de la cour, que l'impératrice avoit un commerce criminel avec Bernard, comte de Barcelone, son parent. L'auteur de la vie de saint Frédéric ajoute que son mariage avec Louis-leDébonnaire étoit incestueux, les deux parties étant dans le degré d'affinité que la loi prohiboit; mais cette circonstance ne paroit pas constante, et certainement elle n'eût point échappé à la censure des ennemis de Judith (e).

Saint Frédéric, qui, par le voisinage, avoit un libre accès à la cour d'Aix-la-Chapelle, gémissoit sur le scandale que causoit la conduite de l'impératrice; il avertit même la princesse de ses désordres avec une liberté vraiment apostolique : mais son zèle ne produisit aucun effet. Judith, que les historiens contemporains appellent une seconde Jézabel, devint furieuse contre lui, et le menaça de tout le poids de son ressentiment. On dit que le Saint fut persécuté à cette occasion; il le fut encore dans d'autres circonstances.

Les habitans de la Walacrie ou Walcheren, une des principales îles de la Zélande, qui fait partie des Pays-Bas, étant fort barbares, et remplis d'aversion pour les maximes évangéliques, Frederic se chargea lui-même du soin d'aller les instruire. Il s'appliqua d'abord à détruire le scandale causé par les mariages incestueux, qui étoient très-communs parmi eux. Il lui en coûta bien des exhortations, des larmes, des prières et des jeûnes pour extirper un abus si invétéré. Il fit assembler les principaux de l'île, leur indiqua quelle conduite

(e) Mabillon et d'autres habiles critiques traitent de fable cette circonstance du mariage incestueux de Judith, et en cela ils se fondent principalement sur le silence des ennemis de l'impératrice.

!

il falloit tenir, et annulla plusieurs de ces mariages illicites; il réconcilia aussi à Dieu et à l'église tous ceux qui avoient expié leurs crimes par une sincère pénitence.

La dévotion qu'il avoit pour les trois les trois personnes divines lui fit composer une belle prière en l'honneur de la sainte Trinité. Il y joignit une explication de cet adorable mystère contre les hérésies. On s'est long-temps servi de l'un et de l'autre dans les Pays-Bas.

La sainteté de Frédéric le faisoit regarder comme un des plus illustres évêques de l'église. C'est ce qui paroît par les éloges qui lui ont été donnés, et sur-tout par le poëme que Raban-Maur, auteur contemporain, composa en son honneur (f).

Un jour que le Saint venoit de dire la messe, il alla se mettre à genoux dans la chapelle de saint Jean-Baptiste, pour faire son action de grâces. Deux assassins s'étant approchés de lui, lui donnèrent plusieurs coups de poignard dont il mourut quelques instans après, en récitant ces paroles du psaume cxiv: Je louerai le Seigneur dans la terre des vivans. On lit dans l'auteur de sa vie, et dans d'autres écrivains, que Judith s'étoit servie de ces deux scélérats pour se venger de la généreuse liberté avec laquelle Frédéric l'avoit avertie de ses désordres (g). Le Saint fut enterré

(f) Ce poëme a été publié avec des notes, parmi les œuvres poétiques de Raban-Maur, et avec les poésies de Fortunat, par le P. Brower, jésuite, p. 204.

(g) Voyez Guillaume de Malmesbury, l. 1 de Pont. Angl. p. 197; Guillaume Heda, Hist. episcop. ultraj.; Beka, Chron.; Ubbo Emmius, Rerum Frisic. l. 3, p. 74. Baronius, Mabillon, le Cointe et Baillet disent que les assassins furent envoyés par quelques-uns des habitans de la Walacrie, dont les mariages incestueux avoient été déclarés nuls; mais leur opinion n'est appuyée sur le témoignage d'aucun ancien historien.

dans l'église de Saint-Sauveur d'Utrecht, appelée Oude-Munster. Mabillon a prouvé qu'on devoit mettre sa mort au 17 Juillet 838.

Voyez la vie de saint Frédéric, que le P. Cuper, un des continuateurs de Bollandus, a donnée avec des notes, t. IV, Julii, p. 452; la Batavia Sacra, p. 99; Heda, Hist. episc. ultraj., Beka, Ubbo Emmius.

S. ODULPHE, CHANOINE D'Utrecht.

SAINT ODULPHE, né de parens français, se distingua, dès son enfance, par la pureté de sa vie, ainsi que par ses progrès dans les lettres et la vertu. Ayant été ordonné prêtre, il fut fait curé d'Orescoth, en Brabant. Il se joignit depuis à saint Frédéric, pour travailler, conjointement avec lui, à la réformation des mœurs des Frisons. Il est étonnant combien il eut à souffrir, et jusqu'à quel point il porta la pratique de la douceur, de la patience et de la charité. La contemplation et la prière le soutenoient au milieu de ses fatigues et de ses peines. L'auteur de sa vie rapporte qu'il prédit plusieurs événemens long-temps avant qu'ils arrivassent. Dans sa vieillesse, il se fixa à Utrecht, où il étoit chanoine. Jamais il ne voulut rien relâcher de ses exercices; il redoubloit même de ferveur à mesure qu'il approchoit de sa fin, craignant toujours de perdre par sa négligence la couronne pour laquelle il combattoit. On eût dit que le jeûne, les veilles et autres semblables austérités ne servoient qu'à ranimer ses forces. Ayant été pris de la fièvre, il vit avec joie qu'il touchoit à son dernier moment. Il exhorta ses frères à vivre saintement, se recommanda à leurs prières, et leur promit de se souvenir d'eux devant le Seigneur. Il mourut dans le neuvième siècle, le 12 de Juin, jour auquel il est honoré à Utrecht et à

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