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ailleurs le même bien qu'il avoit déjà fait à Paris. Louis XIII trouva cette proposition très-juste, et par un brevet expédié le 8 Février 1619, il établit Vincent aumônier réal ou général de toutes les galères de France.

Trois ans après, Vincent fit un voyage à Marseille: il se proposoit de visiter les forçats de cette ville, et d'examiner s'il pourroit faire pour eux ce qu'il avoit fait dans la capitale. Il ne voulut point se faire connoître, pour mieux s'assurer du véritable état des choses. Il fut extrêmement touché à la vue du désespoir d'un des forçats, et il fit d'inutiles efforts pour le consoler. On assure que par un héroïsme inoui de charité, il obtint de prendre sa place, qu'il fut chargé des mêmes chaînes, et qu'il les porta quelque temps (a). Au reste, il fit tout ce qui dépendoit de lui pour adoucir le sort de tous ces malheureux, en les recommandant aux officiers, en les exhortant à la patience, et en tâchant de leur inspirer des sentimens de vertu; il vint à bout de les rendre plus

(6) Nous rapporterons ici ce qu'on lit dans les Délassemens de l'homme sensible de M. d'Arnaud, t. 1, part. 1, p. 27 et suiv. Eh! quel étoit, dit-il, à l'occasion du trait de charité dont nous venons de parler; « eh! quel étoit ce modèle des » ames sensibles, des vrais héros de la vertu, des vrais Chrétiens? Un ecclésiastique né sans aïeux, sans fortune, n'occupant aucune place, à qui la France et l'humanité doivent un nombre d'établissemens aussi utiles qu'admirables; c'est » à cet ecclésiastique que nous avons l'obligation de conserver par année près de dix mille individus que notre libertinage et notre barbarie sembloient, en quelque sorte con» damner à la mort dès qu'ils voyoient le jour; c'est à cet ecclésiastique que, sans nulle distinction de rang, de pays,

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» de culte même, les pauvres et les malades sont redevables » des secours que la charité aujourd'hui leur prodigue, et qui en rappellent la plus grande partie à la vie...... O nom » cher et sacré pour les ames sensibles! puissent les larmes » délicieuses que tu m'as fait répandre, passer dans tous les cœurs! Vincent de Paul, tu fus le meilleur des hommes, »et, sans flatterie, j'ai pu te nommer l'homme unique. »

dociles aux instructions des aumôniers ordinaires. Mais il fut sur-tout affligé du triste état de ceux qui étoient malades; ils languissoient dans un abandon général, livrés à toutes les horreurs de la misère, et privés presque de tout secours pour l'ame et pour le corps. Il forma dès-lors le projet d'un hôpital pour les galériens de Marseille ; mais il ne put l'exécuter que quelques années après. Louis XIV le dota en 1648, en lui assignant douze mille livres de revenu annuel. Cet hôpital devint bientôt un des plus commodes du royaume; il y a trois cents lits, et les malades y trouvent tous les secours qui leur sont nécessaires.

Madame de Gondi étant morte le 23 Juin 1625, Vincent alla demeurer avec ses prêtres. Louis XIII autorisa la nouvelle association par ses lettres - patentes données en 1627, et Urbain VIII l'érigea en congrégation par une bulle du 12 Janvier 1632. Ce ne fut qu'en 1658 que le saint instituteur donna des constitutions à ses disciples, qui prirent le nom de prêtres de la Mission; on les connoît aussi sous le nom de Lazaristes, du prieuré de Saint-Lazare, que les chanoines réguliers de Saint-Victor leur cédèrent en 1633. Ceux qui composent cette congrégation ne sont point religieux; ce sont des prêtres séculiers qui, après deux ans de probation ou de noviciat, font les quatre vœux simples de pauvreté, de chasteté, d'obéissance et de stabilité. Ils s'engagent, 1.° à se sanctifier eux-mêmes par les exercices qui leur sont prescrits par leur institut; 2.° à travailler à la conversion des pécheurs; 3.° à former les jeunes ecclésiastiques aux fonctions du ministère. Les exercices que leur prescrit leur règle pour leur propre sanctification, sont de faire tous les matins une heure de méditation, de s'examiner Tome VI.

trois fois par jour, d'assister chaque semaine à des conférences spirituelles, de passer tous les ans huit jours en retraite, et de garder le silence, excepté dans les heures où l'on peut s'entretenir ensemble. Ils remplissent leur second engagement, en s'employant aux missions de la campagne. Chaque jour ils font le catéchisme et des discours familiers; ils entendent les confessions, terminent les différends, et pratiquent toutes les œuvres de charité. Pour satisfaire à la troisième obligation qu'ils se sont imposée, plusieurs d'entre eux tiennent les séminaires, font des retraites de huit à dix jours, où ils admettent les ecclésiastiques, et même d'autres personnes ; ils suivent en ces exercices les règles pleines de sagesse qui leur ont été laissées par saint Vincent de Paul. Le pape Alexandre VII étoit si convaincu de l'utilité de ces retraites, qu'il ordonna en 1662, sous peine suspense, à tous ceux qui voudroient recevoir les ordres sacrés à Rome ou dans les six évêchés suffragans, d'en faire une de dix jours chez les prêtres de la Mission. L'avantage que l'église retiroit du nouvel institut, lui donna des accroissemens considérables, et il comptoit à la mort du Saint vingt-cinq maisons, tant en France qu'en Piémont, en Pologne et en d'autres pays.

de

procurer au

L'établissement des prêtres de la mission ne fut point encore capable de satisfaire le zèle de Vincent de Paul. Cet homme apostolique cherchoit chaque jour de nouveaux moyens de prochain tous les secours spirituels et corporels. Il établit la confrérie de la Charité pour le soulagement des pauvres malades de chaque paroisse. Cette association, qui prit naissance dans la Bresse, s'étendit dans tous les lieux où le Saint fit depuis des missions. La confrérie des Dames

de la Croix avoit pour objet l'éducation des jeunes filles. Celle qu'on appeloit des Dames se consacroit au service des malades dans les grands hôpitaux, comme dans celui de l'Hôtel-Dieu de Paris. Cette capitale sur - tout n'oubliera jamais ce qu'elle doit à Vincent de Paul. Ce fut lui qui procura et dirigea la fondation des hôpitaux de la Pitié, de Bicêtre, de la Salpêtrière et des En→ fans-Trouvés.

Ce dernier établissement intéresse trop l'huma nité et la religión, pour que nous n'en parlions pas avec une certaine étendue. Un grand nombre d'enfans nés du libertinage ou dans le sein de la misère, étoient souvent exposés aux portes des églises ou dans les places publiques. Si les officiers de police les enlevoient, c'étoit presque l'unique bien qu'ils leur fissent. Une veuve et deux servantes furent d'abord chargées du soin de les nourrir; mais on manqua bientôt de secours. Il périssoit tous les jours une multitude de ces malheureux enfans; ou ils n'avoient point de nourrice, ou on les faisoit allaiter par des femmes gâtées. Quelquefois, pour s'en débarrasser, on les vendoit ou on les donnoit à quiconque vouloit les prendre. Vincent, vivement touché de leur sort, chercha le moyen de remédier à un si grand mal; il pria quelques dames de son assemblée dé charité d'aller les visiter. Le spectacle qui s'offrit à leurs yeux les effraya. Comme elles ne pouvoient se charger de ce grand nombre d'enfans, elles voulurent au moins prendre soin de quelques-uns. On en augmentoit le nombre à mesure que les ressources se multiplioient. Enfin Vincent tint une assemblée de toutes les dames qui s'occupoient de la bonne œuvre, au commencement de l'année 1640. Il y exposa d'une manière si touchante le besoin de

ces pauvres enfans, qu'il fut unanimement décidé qu'on se chargeroit de tous, mais seulement par manière d'essai. On n'avoit d'autres fonds que les aumônes des personnes charitables, et il s'en falloit de beaucoup qu'elles fussent suffisantes. Le serviteur de Dieu ne se décourageoit point, espérant toujours que la Providence viendroit à son secours. Ses sollicitations auprès d'Anne d'Autriche lui obtinrent du roi douze mille livres de rente, ce qui soutint l'établissement pendant quelque temps: mais le nombre des enfans croissant tous les jours, et leur entretien allant audelà de quarante mille livres, les dames de charité perdirent courage, et déclarèrent qu'une pareille dépense étoit au-dessus de leurs forces. Vincent, toujours plein de confiance en Dieu, indiqua une assemblée générale en 1648. On y délibéra si l'on continueroit la bonne œuvre qu'on avoit commencée. Le Saint, après avoir pesé les raisons de l'un et de l'autre parti, sentit tellement ses entrailles émues, qu'il ne s'exprimoit presque plus que par des soupirs; prenant ensuite un ton plus tendre et plus animé, il conclut la délibération en ces termes « Or sus, Mesdames, la compassion et la > charité vous ont fait adopter ces petites créa»tures pour vos enfans; vous avez été leurs mères » selon la grâce, depuis que leurs mères selon la »> nature les ont abandonnés; voyez maintenant >> si vous voulez aussi les abandonner. Cessez » d'être leurs mères, pour devenir à présent leurs »> juges leur vie et leur mort sont entre vos » mains; je m'en vais prendre les voix et les suf» frages; il est temps de prononcer leur arrêt, » et de savoir si vous ne voulez plus avoir de mi-» séricorde pour eux. Ils vivront, si vous continuez d'en prendre un charitable soin, et au

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