Images de page
PDF
ePub

sa congrégation, et il ne cessoit d'en donner des leçons à ses prêtres; il les exhortoit même à cacher leurs talens naturels. Deux hommes d'un mérite reconnu s'étant présentés à lui pour augmenter le nombre de ses disciples, il les refusa, en leur disant : « Vous avez trop de savoir pour » un état tel que le nôtre. Vous pourrez faire ailleurs un bon usage de vos talens. Quant à nous, > toute notre ambition consiste à instruire les » ignorans, à inspirer aux pécheurs des senti» mens de pénitence, et à établir tous les Chrétiens » dans cet esprit de charité, d'humilité, de dou» ceur et de simplicité que prescrit l'évangile. C'étoit une de ses maximes en fait d'humilité, que nous ne devons jamais, autant qu'il est possible, parler de nous, ni de ce qui nous concerne ; ces sortes de discours venant communément d'un fond d'amour-propre, et se terminant d'ordinaire à nourrir dans nos cœurs des sentimens d'orgueil. Les philosophes païens eux-mêmes adoptoient cette maxime, mais avec cette différence qu'ils n'enseignoient pas, comme les disciples de JésusChrist, à aimer une vie cachée, à se mépriser soi-même, et à se concentrer, pour ainsi dire, dans l'abîme de son néant.

[ocr errors]

La foi de Vincent de Paul fut toujours trèspure. Il n'eut pas plutôt été instruit que Jean du Verger de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, avec lequel il étoit lié, enseignoit une doctrine contraire à celle de l'église, qu'il rompit entièrement avec lui. Il se déclara fortement contre la doctrine de Jansénius, et combattit avec zèle son systême sur la grâce (2); mais en même temps qu'il attaquoit des erreurs dont les suites étoient si préju

(2) Voyez les vies du Saint par M. Abelly, l. 2 c. 12, et par M. Collet, l. 3, t. I,

diciables, et qu'il rejetoit un rigorisme désespérant, il condamnoit aussi la morale relâchée qui ouvre la porte à tous les désordres. Il recommandoit aux pécheurs d'entrer dans les sentimens d'une sincère pénitence, et leur en retraçoit les caractères d'après les maximes de l'écriture et des saints Pères. Sans cela, disoit-il avec saint Ambroise, il n'y a que de faux pénitens; leur hypocrisie sacrilége ne sert qu'à les rendre plus criminels par l'abus qu'ils font des sacremens.

Toutes les personnes de la France qui faisoient profession de piété, avoient des relations avec lui; plusieurs même vouloient se procurer la consolation de le voir. De ce nombre fut M. de Quériolet. C'étoit un homme qui avoit d'abord vécu dans un libertinage affreux, et qui avcit même affecté de ne suivre aucune religion; mais s'étant depuis converti, il expia les désordres de sa vie passée par une pénitence qui fait frémir la nature, et telle que l'on n'en trouve presque point de semblable dans l'antiquité (e).

Saint François de Sales ayant eu occasion de connoître Vincent de Paul, s'étoit bientôt aperçu qu'il possédoit les plus sublimes vertus, et qu'il avoit tous les talens nécessaires pour conduire les ames à la perfection. Il s'étoit donc déterminé à le faire premier supérieur des religieuses de la Visitation qu'il venoit d'établir à Paris. Ce choix fut justifié par les bénédictions sans nombre qui accompagnèrent le ministère du vertueux prêtre.

(e) Pierre le Gouvello de Quériolet, prêtre, conseiller au parlement de Rennes, mourut en odeur de sainteté, le 8 Octobre 1660. Voyez sa vie, par le P. Dominique de SainteCatherine, carme, laquelle a été imprimée à Paris, en 1688 in-12, sous ce titre : Le grand pécheur converti, représenté dans les deux états de la vie de M. de Quériolet. Voyez aussi Lobineau, Vies des SS. de Bret. p. 471.

Il rendit au nouvel ordre les plus importans services, et se montra toujours digne de la confiance qu'avoit eue en lui le saint évêque de Genève.

Il fut aussi fait supérieur de plusieurs autres communautés religieuses, entre autres de celle des Filles de la Providence. Celle-ci avoit été établie, en 1643, par madame de Pollalion. Cette pieuse femme, formée par Vincent de Paul, voulut procurer un asile aux jeunes personnes de son sexe que l'indigence, l'abandon ou la mauvaise conduite de leurs parens exposent souvent au danger de perdre leur honneur et leur ame. Vincent, par l'ordre de François de Gondi, archevêque de Paris, examina celles qui se présentoient pour concourir à la formation de la société naissante. Il en choisit sept, qui lui parurent les plus propres à servir de fondement à tout l'édifice, et il leur donna des avis dignes de sa haute sagesse et de sa grande expérience. Après la mort de madame de Pollalion (f), il se déclara le protecteur de ces pieuses filles; il trouva le moyen de les faire subsister, et de rendre leur établissement perpétuel. Les Filles de la Providence font, après deux ans de noviciat, des vœux simples de chasteté, d'obéissance, de stabilité, et s'engagent à servir le prochain selon leurs constitutions. Leur supérieure est triennale.

En 1658, le Saint convoqua à Saint-Lazare l'assemblée des membres de sa congrégation. Il remit à chacun le recueil des règles qu'il avoit dressées, après quoi il les exhorta tous, de la manière la plus pathétique, à les observer avec une

(f) Marie de Lumague, veuve de M. Pollalion, gentilhomme du roi, mourut en odeur de sainteté en 1657. Voyez sa vie, par M. Collin, vicaire perpétuel de Saint-Martin-des-Champs dans l'église de Paris. Elle a été imprimée à Paris en 1744, in-12.

parfaite exactitude. Elles sont pleines de sagesse et de piété; on y trouve des moyens sûrs et efficaces pour arriver à la perfection chrétienne et sacerdotale, pour se prémunir contre la corruption du siècle, et pour travailler avec fruit à la sanctification des peuples. L'institut de Vincent de Paul fut de nouveau approuvé et confirmé par les papes Alexandre VII et Clément X.

Cependant la santé du Saint dépérissoit de jour en jour. Quoiqu'il fût d'un tempérament assez robuste, les fatigues occasionnées par son zèle et par les austérités de sa pénitence, le firent à la fin succomber. Il fut pris, à l'âge de quatre-vingts ans, d'une fièvre dont les accès étoient périodiques. Il éprouvoit toutes les nuits des sueurs qui achevoient de l'épuiser. On doit juger de là que le temps destiné au sommeil n'étoit point pour lui un temps de repos. Cela ne l'empêchoit pas de se lever régulièrement à quatre heures du matin, de dire la messe, et de donner chaque jour un temps considérable à l'oraison. Il ne diminuoit rien non plus de ses autres exercices de piété, ni de la pratique de ses œuvres ordinaires de charité. Plus il sentoit approcher son dernier moment, plus il redoubloit de zèle pour l'instruction de ses enfans spirituels. La pensée de la mort l'occupoit continuellement; tous les jours, après avoir dit la messe, il récitoit les prières de l'église pour les agonisans, avec les recommandations de l'ame et les autres actes par lesquels on prépare les fidèles à aller paroître devant Dieu. Le pape Alexandre VII ayant été informé de l'extrême foiblesse où il étoit réduit, le dispensa de la récitation du bréviaire mais le serviteur de Dieu ne vivoit plus lorsque le bref de dispense arriva. Il mourut le 27 Septembre 1660, après avoir reçu les derniers

sacremens. On l'enterra dans l'église de SaintLazare, et il y eut un concours de monde pro digieux à ses funérailles. Le prince de Conti, le nonce du pape, plusieurs évêques et un grand nombre de personnes de la première qualité y assistèrent. Il s'opéra, par l'intercession de Vincent, divers miracles dont la vérité fut juridique

ment reconnue,

En 1712, le cardinal de Noailles visita en présence de plusieurs témoins le corps du saint, qui fut trouvé entier et sans aucune marque de corruption. Le tombeau fut ensuite refermé. On sait que cette cérémonie précède ordinairement celle de la béatification, quoiqu'après tout l'incorruptibilité du corps ne soit point regardée en ellemême comme une preuve authentique de sainteté. Enfin la vie, les vertus héroïques et les miracles du serviteur de Dieu ayant été rigoureusement examinés à Rome, il fut béatifié en 1729 par Benoît XIII.

Après la publication du bref, l'archevêque de Paris fit rouvrir le tombeau du B. Vincent. La maréchale de Noailles, le maréchal son fils, et plusieurs autres personnes distinguées, assistèrent à l'ouverture: mais le corps ne se trouva plus dans le même état qu'il avoit été; un des os de la jambe étoit entièrement décharné; ceux de la tête l'étoient beaucoup moins. On attribua cette altération à un déluge d'eau qui, quelques années auparavant, avoit inondé la cour, le corridor d'entrée, et l'église où reposoit le saint prêtre.

Dieu continua de manifester la gloire de son serviteur par les miracles qu'il accordoit à son intercession. L'un fut opéré sur une religieuse bénédictine de Montmirel', qu'une horrible complication de maladies devoit naturellement conduire

« PrécédentContinuer »