Images de page
PDF
ePub

constance de Victor. Le prince voyant ses menaces inutiles, lui fit lier les pieds et les mains, et ordonna qu'il fût traîné par les rues de la ville, pour y être exposé aux coups et aux insultes de la populace. Il n'y avoit point de païen qui ne s'empressât de témoigner son faux zèle, en lui faisant quelque indignité. On se proposoit par-là d'intimider les Chrétiens; mais le courage du martyr les remplissoit d'une nouvelle ardeur.

Victor fut ramené, tout couvert de sang, devant les préfets, qui, le croyant moins ferme après ses souffrances, se mirent à blasphémer notre sainte religion en sa présence, et à le presser de nouveau d'adorer leurs dieux: mais le martyr, que l'Esprit - Saint fortifioit intérieurement, se montra plein de mépris pour les idoles qu'on vouloit lui faire adorer. « Je méprise vos dieux, dit il, > et je confesse Jésus-Christ; ainsi vous pouvez > me condamner à tels supplices que vous vou⚫ drez. » Il s'éleva une contestation entre les préfets sur le choix des tortures. Comme ils ne purent s'accorder ensemble, Eutychius se retira, laissant le prisonnier entre les mains d'Astérius. Celui-ci ordonna qu'on l'étendit sur le chevalet, où il fut tourmenté long-temps. Victor, les yeux levés au ciel, demandoit la constance qu'il savoit être un don de Dieu. Jésus-Christ lui apparut une croix à la main, et le consola en l'assurant qu'il souffroit dans ses serviteurs, et qu'il les couronnoit après la victoire. Cette vision adoucit merveilleusement le sentiment de ses douleurs. Enfin, les bourreaux étant las, on le détacha de dessus le chevalet, pour le mettre dans un noir cachot.

A minuit, Dieu le visita par le ministère de ses anges. La prison fut remplie d'une lumière plus brillante que celle du soleil, et le martyr chan

[ocr errors]

toit avec les esprits célestes les louanges du Seigneur. Trois soldats, chargés de garder la prison furent si frappés de cette lumière miraculeuse que venant se jeter aux pieds de Victor, ils lui demandèrent pardon, et le prièrent de leur accorder la grâce du baptême. Leurs noms étoient ALEXANDRE, LONGIN et FELICIEN. Le Saint, après les avoir instruits, autant que la circonstance put le lui permettre, envoya chercher des prêtres là nuit même. Ils allèrent tous ensemble au bord de la mer, et revinrent à la prison lorsque les nou-' veaux convertis eurent été baptisés. Victor leur servit de parrain.

Le lendemain matin, l'empereur apprit tout ce qui s'étoit passé. Transporté de rage, il envoya chercher le Saint avec les trois gardes, et les fit amener au milieu de la place publique. Le peuple accabla Victor d'injures, et voulut l'obliger à faire rentrer les nouveaux convertis dans le paganisme; mais il répondit qu'il ne pouvoit détruire ce qui étoit bien fait; puis se tournant vers les gardes, il leur dit : « Vous êtes toujours soldats, >> combattez avec courage, Dieu vous donnera la >> victoire. Vous appartenez à Jésus-Christ; soyez>> lui fidèles. Une couronne qui ne se flétrira ja>> mais vous est préparée. » Alexandre, Longin et Félicien persévérèrent dans la confession de Jésus-Christ, et furent décapités par l'ordre de l'empereur. Victor, saintement jaloux de leur bonheur, demandoit avec larmes de leur être bientôt réuni dans la gloire. Ayant été de nouveau exposé aux insultes de toute la ville, et cruellement frappé avec des bâtons et des courroies, il fut reconduit en prison.

Trois jours après, l'empereur le fit reparoitre devant son tribunal, et lui ordonna d'adorer une

idole de Jupiter qu'on avoit mise sur un autel avec de l'encens. Victor, saisi d'horreur, pousse l'autel avec son pied et le renverse ainsi que l'idole. Le prince, pour venger ses dieux, lui fait aussitôt couper le pied. Le soldat de Jésus-Christ souffre avec joie, et offre à Dieu les prémices de son sang. Quelques momens après, Maximien commande qu'on le mette sous la meule d'un moulin, et qu'on l'y écrase; mais la machine qui faisoit tourner le moulin s'étant cassée, on le retira presque mort et les os tout brisés, après quoi on lui trancha la tête. Son corps, ainsi que ceux d'Alexandre, de Longin et de Félicien, furent jetés dans la mer; mais les Chrétiens les trouvèrent sur le rivage où ils avoient été poussés, et les enterrèrent dans une grotte taillée dans un roc. L'auteur des actes de ces saints martyrs ajoute : « Ils ont été honorés jusqu'à ce jour par plusieurs > miracles. Ceux qui réclament leur intercession » obtiennent beaucoup de grâces de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Dans le cinquième siècle, Cassien (a) bâtit près du tombeau de saint Victor un monastère qui reçut depuis la règle de saint Benoît. Il a été sécularisé par une bulle de Clément XII, datée du 16 des calendes de Janvier de l'année 1739, mais fulminée et publiée seulement à Marseille dans l'église de Saint-Victor le 8 Octobre 1743, sous le pontificat de Benoît XIV. Les reliques du saint martyr se gardent dans l'église de cette maison, laquelle est une des plus anciennes de la France, et une des plus riches en monumens de Saints qui ont illustré les premiers temps du christianisme. On en transporta une portion à Paris,

(a) Voyez ci-après la notice de la vie et des écrits de

Cassien.

et on la déposa dans une chapelle bâtie en l'honneur de saint Victor. Cette chapelle ayant été agrandie sous le règne de Louis VI, servoit d'église à un monastère royal de chanoines réguliers qui y fut fondé, et qui porte encore aujourd'hui le nom de son glorieux patron (6).

(6) On peut consulter l'Histoire des grands hommes du monastère de Saint-Victor, à Paris, t. I, p. 120, etc. C'est un manuscrit en 7 tomes, reliés en 6 vol. in-folio, qui se garde dans la bibliothèque de Saint-Victor, et qui a été composé par le P. Gourdan, chanoine régulier de la même maison.

L'abbaye et l'institut de Saint-Victor de Paris doivent leur naissance à Guillaume de Champeaux, archidiacre de la même ville. C'étoit un homme d'une piété rare et d'un savoir extraordinaire. Après avoir enseigné la rhétorique et la théologie avec beaucoup de réputation, dans le cloître de la cathédrale de Paris, il se retira auprès de la petite chapelle de SaintVictor, qui, dans ce temps-là, étoit hors de la ville : là, s'étant associé quelques ecclésiastiques pleins de ferveur, il vécut dans une grande retraite, dans l'exercice d'une prière continuelle, et dans la pratique de toutes les austérités de la pénitence. Il ne se nourrissoit, avec sa communauté, que de pain, d'herbes et de racines assaisonnées avec un peu de sel. A la sollicitation de l'évêque de Paris, et de plusieurs autres personnes distinguées, il reprit ses leçons de théologie, qu'il paroît avoir continuées à Saint-Victor, selon le P. Gourdan. C'est pour cela que Rollin appelle ce monastère le berceau de l'université de Paris. Il fut fondé par Louis VI, roi de France. Gilduin le gouvernoit en qualité d'abbé, tandis que Guillaume de Champeaux y enseignoit la théologie. Ce dernier fut sacré évêque de Châlons-sur-Saône, en 1113, et mourut en 1121. Il fut enterré à Clairvaux, comme il l'avoit demandé, par saint Bernard, qui avoit reçu de ses mains la bénédiction abbatiale.

L'abbaye dont nous parlons a produit plusieurs prands hommes, entre autres Hugues et Richard de Saint-Victor.

Hugues, né dans le territoire d'Ypres, en Flandre, se retira parmi les chanoines réguliers de Saint-Victor, en 1115. Il devint prieur de cette maison, et y enseigna la théologie depuis l'an 1130 jusqu'à sa mort, arrivée en 1142. Ses ouvrages ont été imprimés en 3 volumes in-fol. On trouve dans le premier des notes littérales et historiques sur l'écriture; à la suite sont des notes mystiques et allégoriques sur les mêmes livres sacrés, lesquelles ont pour auteur un chanoine régulier de Saint-Victor, postérieur à Hugues. Le second tome contient les œuvres spirituelles de notre auteur : les soliloques de l'ame,

Voyez les vrais actes, de saint Victor, qui ne sont pas indignes de la plume de Cassien, auquel ils ont été attribués,

l'éloge de la charité, un discours sur la manière de prier, un autre discours sur l'amour qui est entre l'épouse et son bien-aimé, quatre livres sur la vanité du monde, cent sermons etc. Il y a dans le troisième tome des traités théologiques, dont les principaux sont les deux livres des sacremens.

On appeloit Hugues de Saint-Victor, un second Augustin, ou la langue de ce grand docteur. Il en avoit effectivement l'esprit, les sentimens et le style.

Ses notes sur la règle de saint Augustin, t. II, sont excellentes; on estime aussi beaucoup celles qu'il a faites sur le Décalogue.

Les personnes religieuses qui tendent à la perfection de leur état, liront avec fruit le livre de Claustro animæ. On y voit jusqu'à quel point de sévérité la discipline s'observoit alors dans les monastères. Cet ouvrage a pour auteur, non Hugues de Saint-Victor, mais Hugues Foliet, pieux et savant chanoine régulier du même ordre, qu'on élut malgré lui abbé de Saint-Denis de Rheims, en 1149. Voyez Mabillon, Analect., t. 1, p. 113, et Annal. l. 77, p. 141; Martène, Anecd. t. V, p. 887; Ceillier, t. XXII, p. 200-224.

Richard de Saint-Victor, disciple de Hugues, étoit Ecossais. Il fut fait prieur de son monastère en 1164, et mourut en 1173. Ses œuvres, qui composent 2 volumes in-folio, ont été imprimées plusieurs fois. La meilleure édition que nous en ayons, est celle qui parut à Rouen en 1650. On reproche à cet auteur d'être trop diffus dans ces commentaires sur les livres saints. Ses traités théologiques sont exacts. Ses ouvrages sur la contemplation et sur les vertus chrétiennes, sont écrits d'un style simple et négligé; mais on y trouve les règles les plus sublimes de la vie intérieure.

Le recueil des maximes spirituelles, que le P. Gourdan a tirées des écrits et des dits de ces grands hommes, montre qu'ils possédoient ces lumières, cette sagesse, cette connoissance des voies de Dieu, cet esprit de foi, de mortification, de prière et de charité qui caractérisent les Saints.

Le P. Simon Gourdan, cité plusieurs fois dans notre ouvrage, mérite que nous le fassions connoître, ainsi que ses ouvrages. Il naquit à Paris le 24 Mars 1646, et entra le 25 Février 1661 à l'abbaye de Saint-Victor, où il mourut le 10 Mars 1729, à l'âge de 83 ans. Il fut durant sa vie un modèle de toutes les vertus religieuses. Son attachement inébranlable à la doctrine de l'église, lui attira des persécutions de la part de ses confrères, qui ne pensoient pas comme lui; mais il les supporta avec une patience héroïque. Il sut allier une extrême fidélité à l'accomplissement de tous ses devoirs, avec l'amour de l'étude. Il composa un grand nombre d'ouvrages qui respi

« PrécédentContinuer »