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mais sans fondement, par quelques auteurs. Bosquet les a publiés dans le quatrième livre de son Histoire de l'église de rent une tendre piété. Voici la liste des principaux. 1.o Le sacrifice perpétuel de foi et d'amour au très-saint Sacrement par rapport aux mystères et aux differentes qualités de NotreSeigneur Jésus-Christ. Ce livre a eu beaucoup de cours, ainsi que le suivant. 2.o L'idée de l'esprit du sacrifice. 3.o Meditations continuelles de la loi de Dieu. On promettoit douze volumes de cet ouvrage ; mais tous n'ont pas été donnés au public. 4. Traduction nouvelle du Cantique des Cantiques, qui n'a point été imprimée. 5. Un grand nombre d'hymnes et de proses. L'auteur composa ces hymnes pour achever l'exécution du projet que Santeuil avoit conçu. On remarque dans plusieurs un vrai talent pour la poésie. Entre les proses, on doit distinguer celles de saint Augustin. 6.o Des opuscules, qui contiennent la dévotion au sacré cœur de Jésus, avec un office pour cette fête; Avis charitable aux femmes et aux filles sur leur nudité d'épaules et de gorge, imprimé en 1688; des prières; des méthodes spirituelles, etc. 7. Les vies et les maximes saintes des hommes illustres qui ont fleuri dans l'abbaye de Saint - Victor, avec les éloges que leur ont donnés les plus célèbres auteurs ecclésiastiques, 7 tomes reliés en 6 vol. in-fol. Quoique cet ouvrage, qui n'a jamais été imprimé, manque quelquefois de critique, il est cependant rempli de recherches curieuses et importantes. L'auteur, après avoir traité dans le premier volume de l'origine de l'ordre des chanoines réguliers, parle dans le second de la fondation de l'abbaye de Saint-Victor, et des principaux cardinaux et évêques qui en ont été tirés. Il fait connoître Guillaume de Champeaux, Hugues, Adam et Richard de Saint-Victor; suit une chronologie raisonnée des prieurs tant de l'abbaye que des bénéfices dont elle est la mère. On distingue parmi eux Gilduin, Nicolas Grenier et Jean Bordier. Le P. Gourdan n'oublie point les bibliothécaires de sa maison qui se sont rendus célèbres, tels que Claude de Grand-Rue, Jean Picard, Eustache de Blémur, Charles le Tonnelier. On trouve dans les volumes 3 et 4 la notice des ecclésiastiques du premier et du second ordre qui se sont retirés à Saint-Victor; l'histoire des maisons de la congrégation répandues dans le royaume, et celle de ses affiliations avec diverses communautés religieuses; il est traité ensuite des bienfaits dont nos rois, et d'autres personnes à leur exemple, ont comblé l'abbaye. Le cinquième volume renferme les témoignages des conciles, des papes et des historiens en faveur de Saint-Victor. Le sixième roule sur les ouvrages des hommes illustres de l'abbaye, et présente leurs maximes saintes. L'auteur fait une mention honorable d'Achard, d'Arnoul de Lisieux et d'Etienne de Tournai; il donne l'analyse d'un ouvrage du premier, intitulé: De sccessu Christi, etc. Outre les vies abrégées que le P. Gourdan a données, dans

France, p. 152. Voyez Tillemont, t. IV; Ceillier, t. III, p. 366; Cuper Act. Sanctor. t. V, Julii, p. 135; Fleury, l. 8, n. 20; Rivet, Hist. litt. de la Fr. t. II, p. 231, et la vie du Saint par le P. Gourdan. Ce dernier auteur a donné encore l'histoire de plusieurs miracles opérés par l'intercession de saint Victor, avec un recueil d'hymnes et de prières composées en son honneur, ainsi que plusieurs autres monumens qui concernent la vie du même Saint, Hist. Ms. des grands hom. de l'abbaye de Saint-Victor de Paris, t. VI. Voyez aussi Oudin, de Scriptor. Eccles. t. 11, p. 1138.

le même manuscrit, des hommes illustres de son ordre, il en a fait quelques-unes plus étendues, telles que celles de saint Victor, de saint Angustin (c'est une traduction de Possidius) des bienheureux Thomas et Achard, du P. Taconnet, et de Santeuil. Nous croyons devoir observer que le P. Gourdan, dans ses Vies des hommes illustres, etc. a beaucoup profité des Antiquités de Saint-Victor, par le P. de Toulouse, et qu'il ne l'a point effacé.

On a une vie Ms. du P. Gourdan par le P. Graindorge, de l'Oratoire. Il y en a une seconde qu'on attribue à D. Gervaise, et qui fut imprimée en 1756. On en fit la critique dans une lettre anonyme qui parut la même année. Ces deux ouvrages sont devenus assez rares. On publia aussi plusieurs précis ou abrégés de la vie du P. Gourdan, immédiatement après

sa mort.

Notice de la vie et des écrits de Cassien.

Jean Cassien, prêtre et abbé du célèbre monastère de SaintVictor, à Marseille, naquit dans la petite Scythie, qui faisoit alors partie de la Thrace. Il s'accoutuma, dès sa jeunesse, aux exercices de la vie ascétique, dans le monastère de Bethlehem. La haute réputation de sainteté qu'avoient les solitaires qui habitoient les déserts de l'Egypte, l'engagea, vers l'an 390, à aller les visiter. Il fut accompagné par un nommé Germain. Frappés l'un et l'autre par les beaux exemples de vertu qu'ils avoient sous les yeux, ils passèrent plusieurs années dans la solitude de Scété, et dans la Thébaïde. Ils alloient nu-pieds comme les moines du pays, étoient pauvrement vêtus, et n'avoient pour subsister que le travail de leurs mains, Coll. 4, c. 10. Leur vie étoit fort austère, et ils mangeoient à peine par jour deux pains de six onces chacun, Coll. 19, c. 17.

En 403, ils se rendirent tous deux à Constantinople, et y entendirent les instructions que faisoit saint Chrysostome. Cassien fut ordonné diacre, et employé au service de l'église de cette ville. Le saint archevêque ayant été exilé, Cassien et Germain allèrent à Rome. Ils étoient, au rapport de Pallade,

porteurs des lettres dans lesquelles le clergé de Constantinople prenoit la défense de son pasteur persécuté.

Cassien fut élevé au sacerdoce dans l'Occident, après quoi il se retira à Marseille, où il fonda deux monastères, l'un pour des hommes, et l'autre pour des femmes. Ce fut là qu'il écrivit ses Conferences spirituelles et ses autres ouvrages. Il mourut en odeur de sainteté, peu après l'année 433. On voit à SaintVictor de Marseille un ancien tableau qui le représente. Sa tête et son bras droit, renfermés dans des châsses, y sont exposés à la vénération publique, en conséquence d'une permission accordée par le pape Urbain V. Le reste de son corps est sous une tombe de marbre qui se voit dans une chapelle souterraine. La même église, par un privilége spécial, honore Cassien le 23 de Juillet.

Les ouvrages que nous avons de lui sont, 1. le livre de l'Incarnation contre Nestorius, lequel fut écrit à la prière de saint Léon, alors archidiacre de Rome.

2. Les Institutions de la vie monastique, en douze livres. L'auteur, dans les quatre premiers, parle des vêtemens, des exercices et de la manière de vivre des moines qui habitoient l'Egypte, et qu'il proposoit pour modèles aux moines d'Occident. Ils portoient, dit-il, un habit pauvre qui ne servoit qu'à cacher leur nudité; les manches en étoient courtes, et ne passoient point le coude. Leur vêtement étoit attaché avec une ceinture, et leur tête couverte d'un capuchon. Ils ne connoissoient point l'usage des souliers; ils avoient seulement une espèce de sandales qu'ils quittoient quand ils approchoient de l'autel. Ils portoient tous un bâton à la main, pour leur rappeler qu'ils étoient voyageurs sur la terre. Ils abandonnoient tout ce qu'ils pouvoient posséder dans le monde, travailloient des mains, vivoient dans l'obéissance, récitoient l'office divin composé de psaumes et de leçons.

Ceux qui vouloient être reçus dans un monastère, devoient donner des preuves de patience, d'humilité, de mépris pour le monde, et être éprouvés par les refus et les affronts. On ne permettoit à aucun postulant de donner ses biens au monastère qu'il choisissoit. La première chose qu'on lui enseignoit, étoit la nécessité de vaincre ses passions, de renoncer à sa propre volonté, et d'avoir une obéissance aveugle pour son supérieur. On lui inculquoit encore l'obligation où il étoit de ne pas se prévaloir de ses talens, de son savoir, et de tout ce qui pouvoit nourrir en lui un orgueil secret. Cassien, après avoir dit que les jeunes moines ne vivoient que d'herbes bouillies et assaisonnées avec un peu de sel, ajoute que l'abstinence et les austérités extraordinaires des moines orientaux dans la nourriture, n'étoient point praticables en Occident.

Il traite dans les huit derniers livres de huit vices capitaux ; il en indique les remèdes, et explique les vertus contraires. Il montre, l. 6, c. 5 et 6, que la chasteté ne peut s'obtenir Tome VI.

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que par une grâce spéciale de Dieu, et qu'on doit la demander par des prières ferventes, accompagnées du jeûne et des veilles. S'il recommande un jeûne continuel, il veut que l'on y observe les règles de la modération, l. 5, p. 107, etc. Il remarque, l. 11, c. 4, que la vaine gloire est le dernier vice que nous vainquons, et qu'il prend occasion de la victoire même remportée sur lui pour renouveler ses assauts.

Les Institutions de la vie monastique sont peut-être le meilleur et le plus utile des ouvrages de Cassien. Nous voyons cependant que la lecture de ses Conférences a été fortement recommandée aux moines par saint Benoît, saint Jean Climaque, saint Grégoire, saint Dominique, saint Thomas, etc.

3. Cassien, dans ses Conférences, a recueilli les maximes spirituelles des plus sages et des plus expérimentés d'entre les moines d'Egypte avec lesquels il avoit vécu. Cet ouvrage peut se diviser en trois parties. La première, qui contient dix conférences, fut écrite en 423; la seconde, qui en contient sept, fut composée deux ans plus tard; la troisième, où il y a sept autres conferences, fut achevée en 428.

Selon Cassien, le but que doit se proposer un moine, est d'acquérir plus facilement dans la solitude que dans le monde, cette pureté ou cette simplicité de cœur sans laquelle personne ne peut voir Dieu dans sa gloire, ni jouir de sa présence par la grâce dans cette vie; pour cela, il doit quitter le monde avec ses biens et ses richesses, renoncer ou mourir à lui-même, dégager son cœur de toute affection désordonnée, se détacher de toutes les choses visibles, pour s'appliquer uniquement à ce qui est spirituel et divin, Coll. 1 et 3. Le voile des passions étant une fois déchiré, les yeux de l'ame commenceront, pour ainsi dire, à contempler naturellement les mystères de Dieu, qui sont toujours obscurs et inintelligibles pour ceux qui n'ont que les yeux de la chair, ou dont le cœur est souillé par le péché et par l'amour du monde, Coll. 5. Le cœur se purifie par les exercices de la componction, de la pénitence et du renoncement. On doit poser pour fondement une humilité profonde, et capable de porter une tour qui atteigne jusqu'au ciel; car c'est là-dessus qu'est appuyé l'édifice de toutes les vertus spirituelles, Coll. 9. Pour remporter la victoire sur ses vices, il faut qu'un religieux découvre toutes ses tentations à son supérieur. Les tentations ainsi découvertes perdent leur force. Le tentateur, voyant ses ruses mises au jour, se retire lui-même. Ses suggestions ne sont dangereuses qu'autant qu'elles restent cachées dans le cœur, Coll. 2, c. 10 et 11, et Instit. l. 9, c. 39. Cassien confirme ceci par l'exemple de Serapion, qui fut guéri de l'habitude invétérée de faire une chose contraire à la règle de sa communauté, en confessant sa faute, Coll. 2, c. 11.

Mais tous ces exercices dont Cassien vient de parler ne sont que des préparatifs; car, selon lui, la fin et la perfection de l'état monastique consiste dans une continuité de prière tellę

que la fragilité humaine la peut comporter, et c'est ce qu'on appelle l'union constante du cœur avec Dieu mais cet esprit de prière ne peut s'obtenir que par une contrition véhémente, un affranchissement de tous les liens des affections terrestres, par la lumière de l'Esprit-Saint, dont les rayons purs ne peuvent entrer dans un cœur souillé. Cassien compare l'ame à une plume qui s'élève par sa propre légèreté quand on souffle doucement dessus, mais que la moindre humidité fait retomber à terre. En effet, l'ame ne peut monter vers Dieu, si elle n'est dégagée du poids de la corruption terrestre, Coll. 9.

Cassien inculque avec force l'usage des aspirations fréquentes, et recommande sur-tout celle dont l'église se sert, et qui commence par ces mots : Deus, in adjutorium meum intende, etc. Revenant à la fin et à la perfection de l'état monastique, il dit que pour y parvenir, il faut se purifier de tout attachement terrestre, et s'élever aux choses spirituelles, jusqu'à ce que l'ame, par des progrès insensibles, acquière le don de la prière continuelle, et que son amour et ses désirs se terminent en Dieu. Dans cette union que forme la charité, elle possède une image du bonheur futur, et un avant-goût des délices éternelles.

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Le même auteur, parlant de la tiédeur, fait cette remarque, Collat. 4, c. 19. « Nous avons souvent vu des ames passer à la perfection, de la froideur, c'est-à-dire, du monde » et du paganisme; mais nous n'avons jamais rien vu de tel parmi les Chrétiens tièdes. Dieu a tant d'aversion pour >> ceux-ci, que le prophète ordonne de sa part aux prédica>>teurs de ne leur adresser aucune exhortation, mais de les >> abandonner comme une terre stérile, et de jeter la semence de la divine parole dans les coeurs nouveaux, parmi » les pécheurs et les païens : labourez ce champ qui a été en >> friche jusqu'à présent, et ensemencez cette terre qui est » couverte de ronces, Jerem. IV, 3. »

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Le saint abbé fait un bel éloge de la paix et du bonheur dont jouit une ame qui cherche Dieu; il expose les merveilleux effets que le Seigneur opère dans ses Saints, et qui ne peuvent être connus que de ceux qui les ont éprouvés, Collat. 12, c. 12, et Collat. 14, t. 14.

Dans sa treizième conférence, Cassien, sous, le nom de l'abbé Chérémon, favorise les principes des Semi-Pélagiens, qui n'avoient point encore été condamnés, les erreurs de ces hérétiques ayant été proscrites pour la première fois dans le concile d'Orange, tenu en 529. C'est pour cela que saint Prosper, réfutant cette conférence, l. contra Collatorem, p. 828, n'en nomme jamais l'auteur, et qu'il lui donne même le titre de docteur catholique.

Le style de Cassien n'est ni pur, ni élégant; mais il est clair, plein d'onction, et persuasif.

Les œuvres de ce célèbre abbé furent imprimées pour la

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