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que pour Dieu. Nous jouirons du même bonheur, si, comme Magdeleine, nous nous unissons en esprit à Jésus crucifié, si nous compatissons à ses souffrances, si nous portons notre croix comme lui, si nous nous y attachons avec lui.

Magdeleine n'abandonna point le Sauveur après sa mort, et si elle le quitta, ce ne fut que pour observer une fête que prescrivoit la loi; mais la fête ne fut pas plutôt passée, qu'elle acheta des parfums pour embaumer son corps. Tout étant prêt pour la cérémonie, elle partit de grand matin en la compagnie de quelques femmes pieuses, et arriva au tombeau de Jésus précisément à l'heure du lever du soleil. Pendant qu'elles étoient en route, elles étoient inquiètes sur le moyen d'ôter la pierre qui fermoit l'entrée du sépulcre ; -mais elles trouvèrent en arrivant qu'il étoit ouvert. C'est ainsi que Dieu se plaît à assister ses serviteurs dans ce qu'ils entreprennent pour sa gloire; il leur inspire une vive confiance, qui dissipe les difficultés que le démon grossissoit encore à leur imagination pour les décourager.

Les saintes femmes ayant regardé dans le tombeau, n'y trouvèrent point le corps de Jésus. Marie - Magdeleine courut aussitôt en avertir Pierre et Jean. Ils ont, dit-elle, enlevé le Seigneur et je ne sais où ils l'ont mis. Pierre et Jean, les plus fervens de tous les apôtres, vinrent sans délai pour connoître la vérité par euxmêmes. Les saintes femmes, qui étoient restées là, leur assurèrent qu'étant entrées dans le tombeau, elles y avoient vu deux anges vêtus de blanc, dont l'un, assis à la droite du lieu où étoit le corps, leur avoit dit de ne rien craindre, mais d'aller annoncer aux apôtres que Jésus étoit ressuscité, et qu'en même temps il leur avoit

montré l'endroit où l'on avoit déposé le corps. Pierre et Jean, après avoir parcouru rapidement le tombeau des yeux, ne doutèrent plus de ce qu'on leur disoit. Saisis d'étonnement, ils allèrent rejoindre les autres disciples à Jérusalem.

Marie-Magdeleine, qui les avoit amenés, ne s'en retourna point avec eux. Rien ne put lui faire abandonner le tombeau où le corps de son Sauveur étoit resté trois jours. Elle se lamentoit d'être dans l'impossibilité de voir Jésus mort ou vivant. Accablée de douleur, elle pleuroit à l'entrée du tombeau, où elle jetoit les yeux à diverses reprises. Elle aperçut les deux anges vêtus de blanc, qui lui dirent: Femme, pourquoi pleurez-vous? La surprise de cette apparition, et l'éclat dont étoient environnés les esprits célestes, ne firent sur elle aucune impression, et ne purent la distraire de l'objet de son amour. C'est, réponditelle, qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et que je ne sais où ils l'ont mis. Mais pourquoi les anges ne lui disent-ils pas que celui qu'elle cherche avec tant d'empressement est ressuscité glorieux? Sans doute que le Seigneur des anges vouloit se réserver à lui-même de lui donner cette consolation. Il aime à essuyer de sa propre main les larmes de ses serviteurs, et à changer par la douceur de sa voix leurs peines en des transports ineffables de joie.

Après que Magdeleine eut fait aux anges la réponse que nous venons de rapporter, elle se retourna et vit Jésus qu'elle ne reconnut point, et qu'elle prit pour le jardinier. Femme, lui dit-il, pourquoi pleurez-vous? qui cherchez-vous? Seigneur, répondit-elle, si c'est vous qui l'avez ôté d'ici, dites-moi où vous l'avez mis, et je l'enlèverai. Elle est tellement occupée et remplie

de l'objet de son amour, qu'elle ne le nomme point; elle s'imagine que tout le monde est comme elle, et qu'on doit entendre de qui elle parle; elle oublie sa foiblesse, et se croit capable de porter un corps pesant. Rien ne paroît impossible un ardent amour.

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Jésus, touché de ses saintes dispositions, l'appelle par son nom: Marie, lui dit-il. Il lui avoit d'abord demandé quel étoit le sujet de ses larmes et l'objet de ses recherches, afin d'exciter son amour. Il n'avoit cependant point été reconnu parce que ses paroles n'avoient point emporté avec elles le rayon de lumière nécessaire pour découvrir qui il étoit; mais le nom de la Sainte n'eut pas plutôt été prononcé, qu'ouvrant tout à coup les yeux de l'esprit, elle aperçut son divin maître dans celui qui conversoit avec elle. Transportée de joie, elle se jette à ses pieds, et veut les embrasser; mais Jésus lui dit: Ne me touchez point, je ne suis point encore monté à mon Père. Allez dire à mes frères, de ma part: Je monte vers mon père et votre père, vers mon Dieu et votre Dieu; c'est-à-dire, ne vous arrêtez pas présentement à me donner des marques extérieures d'amour et de respect, vous en aurez tout le loisir dans la suite, car je ne suis pas encore près de vous quitter et de retourner à mon Père. Hâtez-vous seulement d'aller annoncer à mes apôtres que je suis ressuscité, et que je monterai bientôt dans le ciel (c). Ainsi Marie-Magdeleine fut la première qui eut le bonheur de voir Jésus ressuscité, et cette grâce fut la récompense de cet ardent amour qui l'avoit si fortement attachée

(c) C'est ainsi que ces paroles du Sauveur sont expliquées par Vatable, Tirin, Maldonat et la plupart des commentateurs modernes.

à sa suite, et qui l'avoit si constamment retenue auprès de son tombeau.

Pour obéir au Sauveur, elle alla trouver les apôtres pour leur porter l'heureuse nouvelle de la résurrection de Jésus. Depuis cette époque, l'évangile ne parle plus de Marie-Magdeleine, et nous ne trouvons presque rien dans les monumens authentiques de l'histoire de l'église, qui nous apprenne d'elle quelque chose de certain.

On lit dans quelques auteurs grecs du septième siècle et des siècles suivans, qu'après l'ascension de Jésus-Christ, sainte Marie-Magdeleine accompagna la sainte Vierge et saint Jean à Ephèse; qu'elle mourut dans cette ville, et qu'elle y fut enterrée. C'est aussi le sentiment de Modeste, patriarche de Jérusalem, qui florissoit en 920 (d), de saint Grégoire de Tours, et de saint Guillebaud. Ce dernier, dans la relation de son voyage de Jérusalem, dit qu'il vit à Ephèse le tombeau de sainte Marie-Magdeleine. Quelque jugement que l'on porte sur ces autorités, et quoi qu'on puisse dire pour les affoiblir, il est au moins certain que ces auteurs sont des témoins irrécusables de l'opinion reçue et adoptée dans leurs églises au temps où ils écrivoient.

L'empereur Léon le philosophe fit transférer les reliques de la Sainte, d'Ephèse à Constantinople, et les déposa dans l'église de Saint-Lazare vers l'an 890. On ne peut dire avec certitude si elles demeurèrent toujours dans cette église, ou si elles en furent enlevées vers le temps où Constantinople tomba sous la domination des Turcs. Les Romains croient posséder aujourd'hui le corps de la Sainte, à son chef près, dans la cathédrale de Saint-Jean-de-Latran. Il est dans le (d) Vide homil, in Marias unguenta ferentes,

chœur même des chanoines, sous un autel dédié en son honneur par le pape Honorius III, qui l'y renferma lui-même après l'an 1216; de sorte qu'il pourroit bien avoir été transporté de Constantinople à Rome après la prise de cette première ville par les Latins en 1204, lorsqu'il se fit une distraction presque générale des reliques de ce pays-là, qui furent apportées dans les diverses provinces de l'Occident (e).

Les Grecs et les Latins font la fête de sainte Marie-Magdeleine le 22 Juillet: elle est d'obligation en quelques églises. On la chômoit anciennement en Angleterre, comme nous le voyons le concile tenu à Oxford en 1222.

par

Le cardinal de Bérulle avoit une tendre dévotion pour sainte Marie-Magdeleine, qu'il appeloit sa principale patronne. On ne peut rien lire de plus toucbant que les discours qu'il a composés en son honneur (f).

Jésus-Christ délivre Marie-Magdeleine de sept démons qni la tourmentoient, et ce bienfait la pénètre d'une si vive reconnoissance, que dès ce moment elle s'attache à son bienfaiteur, à son Sauveur, , pour ne plus jamais se séparer de lui.

(e) On croit aussi à Vezelai, en Bourgogne, avoir les reliques de sainte Marie-Magdeleine. Ce sont peut-être les reliques de quelque autre Marie nommée par les évangélistes. Nous parlerons de la tradition des Provençaux au 29 de Juillet, en donnant la vie de saint Lazare et de ses deux sœurs. L'église de Jésus-Christ, de laquelle nous tenons que c'est un acte de religion que d'honorer les Saints et leurs reliques, sur-tout dans les lieux où on leur rend un culte particulier, ne prend point part aux prétentions respectives des églises particulières où la foi n'est blessée de part ni d'autre ; mais, selon sa sagesse ordinaire, elle laisse, dit le judicieux Tillemont (note 1.re sur sainte Marie-Magd.), elle laisse à ses enfans la liberté de croire ce que les raisons et les autorités leur feront juger être plus probable.

(f) Voyez ses œuvres, à pag. 369 ad pag. 405,

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