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893, et fut élevé dans l'abbaye de Saint-Gal. Une pieuse vierge, nommée Guiborat ou Wiborade, qui menoit la vie d'une recluse près de l'abbaye, lui prédit qu'il seroit un jour évêque, et qu'il passeroit par de rudes épreuves; elle l'exhorta en même temps à souffrir les contradictions avec courage.

Le Saint étoit, dans son enfance, d'une complexion si délicate, que tous ceux qui le connoissoient étoient persuadés qu'il ne pouvoit vivre ; mais un régime sage et soutenu fortifia son tempérament, que ses parens, par une tendresse excessive, et les médecins, à force de remèdes, avoient probablement ruiné. Quoi qu'il en soit, la prolongation de sa vie et l'état de santé dont il jouissoit furent regardés comme un miracle.

Ulric gagna l'estime et l'amitié des moines de Saint-Gal par la vivacité de son esprit, l'innocence de ses mœurs, la douceur de son caractère, et sur-tout par sa piété. Il avoit déjà fait de grands progrès dans les sciences, lorsque son père l'envoya à Ausbourg, où il le mit sous la conduite d'Adalberon, évêque de cette ville. Le prélat ne tarda pas à connoître le mérite de son disciple. Il le fit camérier de son église, quoiqu'il n'eût que seize ans (a); il l'éleva depuis aux ordres sacrés, et lui donna un canonicat dans sa cathédrale.

Le jeune ecclésiastique connoissoit trop bien les dangers et les devoirs de son état, pour ne pas s'appliquer de toutes ses forces à éviter les uns, et à remplir les autres avec fidélité. Tous ses momens étoient employés à l'étude ou à la prière, et les pauvres avoient la plus grande partie de son revenu. Il étoit à Rome lorsque la mort enleva

(a) La fonction de camérier étoit de distribuer les ornemens des autels et les habillemens des clercs.

Adalberon, qui eut Hiltin pour successeur. De retour à Ausbourg, il continua son même genre de vie sa ferveur alloit toujours en augmentant, et il devenoit de jour en jour plus plein de zèle pour la pratique de la mortification. Il fuyoit, autant qu'il lui étoit possible, jusqu'à l'ombre du danger, sur-tout lorsqu'il s'agissoit des tentations contraires à la pureté; et il avoit coutume de dire à ce sujet, qu'on évitoit la flamme en évitant tout ce qui est capable de l'entretenir.

Hiltin étant mort en 924, Ulric, alors âgé de trente-un ans, devint son successeur. Il fut nommé par Henri l'Oiseleur, roi de Germanie, et sacré le jour des Innocens. Il trouva la ville d'Ausbourg dans l'état le plus déplorable. Les Hongrois et les Sclavons l'avoient pillée depuis peu, et en avoient brûlé la cathédrale; ils avoient aussi massacré sainte Guiborat, que les Allemands ont toujours honorée depuis comme martyre. Le nouvel évêque fit bâtir à la hâte une église pour rassembler le peuple. Il sut procurer abondamment à son troupeau les secours et la consolation dont il avoit besoin, et il n'y avoit personne qui ne se crût dédommagé des malheurs publics, par l'avantage qu'il avoit de posséder un tel pasteur.

Ulric allégua divers prétextes pour se dispenser de suivre la cour: il savoit combien la présence d'un évêque est nécessaire dans son diocèse, et combien il lui importe de veiller par lui-même sur les ames dont il doit rendre à Dieu un compte si rigoureux. En qualité de prince de l'empire il étoit obligé d'entretenir des troupes, et de les envoyer à l'armée; il chargea son neveu de ce soin, et se borna aux fonctions spirituelles. Il se levoit régulièrement à trois heures du matin, pour assister à l'office avec ses chanoines; il récitoit

ensuite d'autres prières de dévotion. Au point du jour, il disoit au chœur l'office des morts avec prime, et assistoit à la grand'messe. Tierce finie, il offroit le saint sacrifice, et ne sortoit de l'église qu'après none; il alloit ensuite à l'hôpital pour y consoler les malades. Tous les jours, il lavoit les pieds à douze pauvres, auxquels il distribuoit d'abondantes aumônes. Le reste de la journée étoit employé à l'instruction, à la visite des malades, et à l'accomplissement des autres devoirs d'un pasteur vigilant. Il ne faisoit qu'un seul repas, encore n'étoit-ce que le soir avant complies. On servoit pour les pauvres et pour les étrangers un plat auquel il ne touchoit jamais. Il s'interdit l'usage du lin, il couchoit sur la paille, et ne prenoit que quelques heures de repos. En carême, il redoubloit ses austérités, et donnoit un temps encore plus considérable à ses pratiques de dévotion. Chaque année, il faisoit la visite de tout son diocèse, et tenoit deux synodes.

Après la mort de Henri l'Oiseleur, Othon I lui succéda dans le royaume de Germanie; mais ce prince fut bientôt obligé de prendre les armes> contre Ludolf, son fils, auquel il avoit accordé le duché de Suabe et d'Alsace, et qui s'étoit révolté. Saint Ulric se déclara fortement pour le parti du maître légitime, sans craindre le ressentiment des rebelles, qui le menaçoient de porter le ravage dans son diocèse. Heureusement la guerre civile ne fut pas de longue durée. Arnold, comte palatin, ayant été tué devant Ratisbonne, le saint évêque obtint du roi la grâce de son fils, et celle de tous les autres rebelles.

Ulric avoit environné la ville d'Ausbourg de bonnes murailles, et avoit fait construire des forts en différens endroits, pour mettre son peuple à

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l'abri des incursions des barbares. On vit par l'événement que cette précaution avoit été très-sage. En effet, les Hongrois ayant fait une seconde irruption, vinrent assiéger Ausbourg. Le saint pasteur, semblable à Moyse sur la montagne, levoit les mains au ciel, qu'il tâchoit de fléchir par des supplications publiques. Ses prières furent exaucées. Les barbares, saisis tout-à-coup d'une terreur panique, levèrent le siége, et s'enfuirent avec beaucoup de confusion. Ils furent rencontrés et taillés en pièces par Othon, que le pape couronna empereur en 962.

Saint Ulric se voyant en liberté, et n'ayant plus rien à craindre des ennemis du dehors, fit rebâtir sa cathédrale avec une grande magnificence, et la dédia de nouveau sous l'invocation de sainte Afre. Cette Sainte avoit été martyrisée durant la persécution de Dioclétien à Ausbourg, dont elle est patronne. Elle est nommée dans les martyrologes, sous le 1.er d'Août.

Le saint évêque se voyant fort avancé en âge, s'étoit démis de son évêché, avec l'agrément de l'empereur, en faveur d'Albéron, son neveu, pour aller finir ses jours dans l'abbaye de SaintGal. La plupart des évêques improuvèrent hautement cette démarche, et se plaignirent de ce qu'Albéron s'attribuoit, contre les canons, les honneurs de l'épiscopat, du vivant de l'évêque titulaire. Ulric fut cité à Ingelheim, en 972, pour y rendre compte de sa conduite. Il y avoua avec humilité qu'il avoit péché contre les lois de l'église, en ajoutant que le désir de se retirer du monde lui avoit fait commettre cette faute. Il obtint cependant que son neveu seroit évêque après lui. Albéron mourut avant son oncle, qui fit un second pélerinage à Rome, où le pape lui donna de Tome VI.

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grandes marques d'estime. Il fut aussi reçu fort honorablement à Ravenne par l'empereur et l'impératrice. Sa santé alla toujours en déclinant depuis le mois de Mai de l'année 972. Durant sa dernière maladie, sa ferveur parut avoir acquis un nouveau degré de vivacité. Etant près d'expirer, il se fit coucher sur la cendre, les bras étendus en forme de croix. Il mourut au milieu de son clergé, le 4 Juillet 973. Il étoit âgé d'environ quatre-vingts ans, et en avoit passé cinquante dans l'épiscopat. On l'enterra dans l'église de sainte Afre, qui porte aujourd'hui son nom (6). Sa sainteté fut attestée par des miracles, et le pape Jean XV le canonisa en 993 (1). C'est la première canonisation qui ait été célébrée dans l'église, selon les formes usitées à Rome (c).

par

Les Saints vivant de la vie de la foi, avoient recours à Dieu dans toutes leurs actions; et, là, ils intéressoient le Ciel à la réussite de toutes leurs entreprises. C'est pour n'avoir pas cette attention, et pour ne pas consulter la volonté divine.

(6) Le corps de saint Ulric est enchâssé, et se garde sous le grand autel de l'église abbatiale, dite de Saint-Ulric et de Sainte-Afre. Cette église, fondée par le Saint, fut desservie dans son origine, par des chanoines. Brunon, évêque d'Ausbourg, y mit des religieux bénédictins au commencement du onzième siècle. Il leur donna un abbé, et engagea l'empereur Heuri, son frère, à doter la nouvelle abbaye, de cinq villages. L'empereur Louis, par ses lettres de 1323 et 1335 déclara l'abbé de Saint-Ulric, son chapelain. 11 forme état d'empire, et siége à la diète parmi les prélats du ban du Rhin.

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Saint Ulric fonda aussi le monastère de Saint-Etienne, pour des religieuses de l'ordre de saint Benoît. C'est aujourd'hui un chapitre de chanoinesses séculières.

(1) Bullar. Magnum, t. I, p. 22, edit. Luxemb.

(c) La seconde est celle de saint Siméon, reclus à Trèves, que fit Benoît IX, en 1042. (Papebroch, Act. SS. t. I, Junii, P. 97.) La troisième est celle de saint Gérard, évêque de

Toul, que l le pape Léon IX célébra en 1050. Hartzheim, Conc. Germ, t. III, p.114,

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