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Père, et qui avoit été réglée sur le degré d'amour et de patience avec lequel ses disciples souffri

roient.

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La vertu de ceux qui viennent de se donner à Dieu avec le plus de ferveur reste imparfaite, jusqu'à ce que, par la pratique du renoncement et par l'esprit de prière, ils aient préparé leurs ames à recevoir avec plénitude les dons du SaintEsprit. Cet Esprit divin les éclaire d'une lumière. nouvelle, et les remplit de cette ardeur de charité qui consume tout ce qu'il y a de terrestre dans leurs affections. Dans cet état, les vertus mêmes morales, acquièrent un degré sublime de perfection; l'humilité fait entrer l'ame dans une connoissance claire et intime de sa bassesse et de ses infirmités, et la pénètre des plus vifs sentimens de mépris pour elle-même; elle est comme transportée dans une nouvelle région, où par les actes héroïques de piété qu'elle n'interrompt jamais, elle fait chaque jour les plus rapides progrès. Cette perfection, le Saint-Esprit la communiqua d'une manière miraculeuse aux apôtres, lorsqu'il descendit sur eux visiblement. Non- seulement il grava la loi d'amour dans leurs cœurs, mais il leur donna encore plusieurs grâces extérieures, comme le don des miracles et celui de prophétie, pour les mettre en état de s'acquitter des fonctions importantes que Jésus-Christ leur avoit confiées.

Après l'ascension de Jésus-Christ, les apôtres travaillèrent de concert à répandre sa doctrine: mais les écrivains des premiers siècles ne nous ont laissé aucun détail sur les travaux de saint Jacques; il paroît seulement qu'il quitta la Judée peu après le martyre de saint Etienne. On lit dans l'addition au catalogue des hommes illustres de

saint Jérôme, qu'il annonça l'évangile aux douze tribus dispersées. Quoique les apôtres n'aient guères prêché que dans les lieux voisins de la Judée, durant les douze premières années du christianisme, saint Jacques put cependant aller en Espagne, et y porter le flambeau de la foi (a). Nous apprenons de saint Epiphane, que saint Jacques vécut toujours dans le célibat et dans la pratique de la mortification; qu'il s'interdit l'usage de la viande et du poisson; qu'il ne portoit que des habits pauvres, et qu'il n'y avoit rien que de très-édifiant dans toute sa conduite. Il fut le premier des apôtres qui suivit son divin maître par le martyre. Il souffrit à Jérusalem, où il étoit retourné, la onzième année après l'ascension du Seigneur. Voici quelle fut l'occasion de sa mort.

Agrippa, petit-fils d'Hérode, avoit été élevé à Rome sous le règne de Tibère; il y avoit connu Caligula, et avoit mérité la confiance de ce prince en flattant bassement ses passions. A peine Caligula fut-il parvenu à l'empire, que pour témoigner à Agrippa l'attachement qu'il avoit pour lui, il lui donna le titre de roi, avec les tétrarchats de

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(a) Telle est au moins la tradition de l'église d'Espagne. appuyée sur l'autorité de saint Isidore, du bréviaire de Tolède, des livres arabes d'Anastase, patriarche d'Antioche, sur les martyrs. Le P. Cuper fait remonter cette tradition fort haut, et la confirme par le témoignage de saint Jérôme et de saint Isidore, ainsi que par les anciennes liturgies d'Espagne, et par plusieurs circonstances relatives à ce point d'histoire. Voyez le savant Bollandiste, t. VI, Julii, p. 69, diss. de divisione Apost. ante t. IV, Julii, et in vita S. Jacobi, t. VI, p. 71. Voyez aussi le P. Florès, Espana sagrada, t. III, c. 3, de la prédication de San-Jago in Espana, p. 39, et les réponses de cet auteur au P. Mamachi, dominicain de Rome, ante t. VI. Le P. Farlat prouve fort au long, Illyrici sacri Prolegom. part. 3, t. 1, p. 252, que saint Jacques a prêché en Espagne. On peut encore consulter le cardinal d'Aguirre, t. I, Conc. Hisp. p. 140, au sujet du passage de saint Jérôme, in Isai. c. 34, Op. t. III, p. 279.

Philippe et de Lysanias, lesquels pour lors étoient vacans (6). L'an 41 de Jésus-Christ, l'empereur Claude ajouta de nouvelles donations à celles que Caligula avoit faites; en sorte que tout le pays précédemment possédé par Hérode, fut mis sous la domination du nouveau roi (c). La cour d'Agrippa devint brillante, et l'appareil de la royauté futplus magnifique que jamais dans toutes les provinces de sa dépendance. Il professoit cependant la loi de Moïse, et comme s'il en eût été un des plus ardens zélateurs, il suscita une persécution sanglante contre les disciples de Jésus. Il savoit bien que par-là il gagneroit le cœur des Juifs; il profita donc du voyage qu'il fit de Césarée à Jérusalem, dans le dessein d'y célébrer la fête de Pâques de l'année 43, pour leur témoigner le désir qu'il avoit de leur plaire. Saint Jacques fut la première victime de sa politique. L'ayant fait arrêter quelques jours avant la fête, il ordonna qu'on lui tranchât la tête ; ce qui fut exécuté dans la quatorzième année depuis la mort de JésusChrist.

(6) Agrippa, surnommé l'ancien, quoique esclave de ses plaisirs, marquoit beaucoup d'attachement pour le judaïsme; il en donna une preuve bien sensible dans une circonstance. fort délicate. L'empereur Caligula avoit ordonné d'élever une statue de Jupiter dans le temple de Jérusalem. Les Juifs eurent recours aux larmes et aux représentations les plus pressantes pour empêcher l'exécution de cet ordre; ils se jetèrent aux pieds du général romain, protestant qu'ils aimeroient mieux souffrir la mort que voir la profanation de leur temple : mais les meurtriers du Fils de Dieu ne méritoient pas de mourir pour la défense d'une si belle cause. Agrippa lui-même ne craignit point de s'exposer au danger de perdre la faveur de Caligula. Il lui écrivit une lettre extrêmement forte, et obtint que l'exécution de l'ordre donné fût suspendue pour un temps. L'empereur revint depuis à la charge; mais sa mort délivra les Juifs du malheur qui les menaçoit.

(c) Hérode, son frère, eut en partage le petit royaume de Chalcide, en Syrie, près du Mont-Liban.

Eusèbe rapporte, d'après Clément d'Alexandrie, que le dénonciateur du saint Apôtre fut si frappé de son courage et de sa constance, qu'il se déclara chrétien lui-même, et fut condamné en même temps à être décapité. Comme on le conduisoit au supplice avec saint Jacques, il lui demanda pardon de l'avoir ainsi livré à ses bourreaux. L'apôtre s'étant arrêté un instant, se tourna vers lui, et lui dit en l'embrassant: La paix soit avec vous. Ils furent décapités l'un et l'autre au même endroit (d).

(d) Agrippa fut le premier persécuteur de l'église. Ayant condamné saint Jacques à mort, il fit emprisonner saint Pierre, que Dieu tira miraculeusement de ses mains : mais il ne tarda pas à éprouver les effets de la vengeance divine. La fête de Pâques passée, il retourna à Césarée, dans le dessein d'y donner des jeux publics en l'honneur de Claude; il y fut suivi par un nombreux cortège de personnes de considération, tant de ses propres états que des pays voisins. Le second jour des jeux, il parut sur le théâtre avec une robe tissue en argent, dont l'habileté de l'art relevoit encore la richesse; elle tiroit un nouvel éclat des rayons du soleil, qui, venant à se réfléchir, éblouissoient les spectateurs. Ceux-ci, de leur côté, marquoient une sorte de respect qui tenoit de l'adoration. Agrippa fit un discours fort élégant aux députés des Tyriens et des Sidoniens, qui étoient venus lui demander pardon d'une faute par laquelle leur nation avoit quelque temps auparavant encouru sa disgrâce. Quand il eut cessé de parler, les ambassadeurs et ces flatteurs qui environnent ordinairement les princes, firent entendre des acclamations réitérées. Ce n'est point, s'écrioient-ils, la voix d'un homme, c'est la voix d'un dieu. Le roi, enivré de ces louanges impies, et entraîné par l'orgueil, oublia qu'il étoit né mortel : mais à l'instant l'ange du Seigneur le frappa, et il ressentit dans les entrailles une douleur si violente, qu'il ne pouvoit la supporter. Sentant que sa maladie le conduiroit au tombeau, il rejeta les louanges de ses flatteurs, et leur dit que celui qu'ils appeloient immortel, étoit sur le point de mourir. Cependant il étoit toujours rempli de fausses idées qu'inspirent les grandeurs humaines, et il se rappeloit encore avec satisfaction le souvenir de la splendeur dans laquelle il avoit passé sa vie : tant il est vrai qu'on meurt tel qu'on a vécu. Agrippa, après avoir langui cinq jours sans que les médecins pussent apporter le moindre adoucissement à son mal, ni empêcher les vers de le ronger tout vis

Le corps de saint Jacques fut enterré à Jérusalem; mais peu de temps après, ses disciples le portèrent en Espagne, et le déposèrent à IriaFlavia, aujourd'hui El Padron, sur les frontières de la Galice. On découvrit ses reliques au commencement du neuvième siècle, sous le règne d'Alphonse le Chaste, roi de Léon; on les transporta, par l'ordre de ce prince, à Compostelle, qui est à quatre milles, et où le pape Léon III transféra le siége épiscopal d'Iria-Flavia. Ce lieu se nommoit autrefois ad Sanctum Jacobum Apostolum, ou Giacomo Postolo; et de là est venu par abréviation, Compostelle. Il est célèbre par le concours extraordinaire de pélerins qui viennent y visiter le corps de saint Jacques, lequel. se garde avec beaucoup de respect dans la cathédrale.

Le P. Cuper, un des continuateurs de Bollandus, prouve la vérité de la tradition de l'église d'Espagne touchant la translation du corps de

vant, expira dans des douleurs qu'on ne peut imaginer, et encore moins exprimer. Voyez Act. des Ap. XII, et Josephe, Antiquit. l. 19, c. 7.

M. Stukeley dit dans son histoire métallique de Carausius, t. 11, c. 1, p. 72, qu'Agrippa fut frappé de Dieu quatre jours après qu'il eut célébré la fête où le peuple romain faisoit des vœux pour la santé et la conservation de l'empereur, et il ajoute que cette fête est marquée au 4 de Janvier dans l'ancien calendrier romain qu'il a publié. La fête dont il s'agit étoit à la vérité celle de l'empereur Claude; mais elle se célébra après la Pâque des Juifs, qui arriva cette année le 10 d'Avril, la nouvelle lune de l'équinoxe étant tombée le 28 de Mars.

Hérode-Agrippa laissa un fils de son nom, qui avoit 17 ans, et qui étoit à Rome avec Claude. L'empereur vouloit lui donner les états de son père; mais ses affranchis et ceux qui composoient son conseil lui représentèrent que le gouvernement d'un royaume aussi étendu seroit un fardeau trop pesant pour un prince si jeune. La Judée fut donc réduite une seconde fois en province romaine, et on lui donna Cuspius Fadus pour gouverneur.

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