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revint à Auxerre. Il assembla chez lui les principaux des fidèles, qui le suivirent à l'église avec le peuple. Germain y vint aussi. Aussitôt les portes du temple furent fermées par l'ordre de l'évêque, qui se saisit de Germain, lui confère la tonsure cléricale, le revêt de l'habit ecclésiastique, et lui apprend qu'il doit être son successeur. Cet exemple prouve qu'immédiatement après les persécutions générales, les clercs étoient distingués des laïques par la tonsure. Germain n'osa faire de résistance, de peur de s'opposer à la volonté de Dieu.

Saint Amateur étant mort peu de temps après, le premier Mai 418, les vœux du clergé et du peuple se réunirent en faveur de Germain, qui fut sacré le 7 de Juillet, par les évêques de la province. Après son sacre, il ne fut plus le même homme. Il renonça aux pompes et aux vanités du monde, vécut avec sa femme comme si elle eût été sa propre sœur, distribua ses biens aux pauvres et à l'église, embrassa les austérités de la pénitence. Pendant les trente années que dura son épiscopat, il s'interdit l'usage du pain de froment, des légumes, du sel, du vin et du vinaigre. Toute sa nourriture consistoit dans du pain fait avec de l'orge qu'il avoit battue et moulue luimême; encore mettoit-il un peu de cendres dans sa bouche avant d'y toucher. Jamais il ne prenoit son repas que le soir; souvent il ne mangeoit qu'une fois, ou tout au plus deux fois par semaine. Son vêtement étoit le même en hiver et en été, il ne le quittoit que lorsqu'il tomboit en lambeaux. Il portoit continuellement le cilice. Il dormoit sur des planches couvertes de cendres, et ne se servoit point d'oreiller. Toujours il avoit sur lui quelques reliques de Saints, renfermées dans une

et

petite boîte. Il exerçoit l'hospitalité envers tout le monde; il lavoit les pieds des pauvres, et les servoit à table de ses propres mains,

étant à jeun.

lui-même

A ces vertus, pour ainsi dire domestiques, Germain joignoit un zèle ardent pour le culte du Seigneur. Il fonda vis-à-vis d'Auxerre, de l'autres côté de la rivière d'Yonne, un monastère sous l'invocation de saint Côme et de saint Damien,. lequel porte aujourd'hui le nom de saint Marien, l'un de ses premiers abbés. Il découvrit les tom, beaux de plusieurs martyrs. On lui dut sur-tout la découverte des reliques d'un grand nombre de Saints qui, sous la persécution d'Aurélien, avoient été mis à mort avec saint Prisque, autrement saint Bry, dans un lieu appelé Coucy. Les corps de ces généreux soldats de Jésus-Christ avoient été jetés dans une citerne. Saint Germain les em retira, et fit bâtir en leur honneur une église avecr un monastère, qui porte aujourd'hui le nom de Saints en Puy-Saye. Il se dépouilla de toutes ses possessions pour enrichir les indigens et la maison du Seigneur; ainsi, devenu pauvre, il perpé tua les monumens de sa charité et de son zèle pour la dotation des temples et des monastères (a). Ses riches donations, et celles de plusieurs autres prélats, prouvent que les grands biens des églises sont venus souvent des évêques qui

(a) Saint Germain donna à sa cathédrale les terres d'Appoigny, où étoit l'église de Saint-Jean, dans laquelle son père et sa mère avoient été enterrés; du grand et du petit Varsy, de Toucy, de Poeilly, de Marcigny et de Périgni: celles de Monceaux, de Fontenai et de Mérilles, au monastère de SaintCôme et de Saint-Damien ; celles de Garchy, de Concou et de Molins, à l'église qu'il avoit fait bâtir en l'honneur de saint Maurice. Cette église porte aujourd'hui le nom de saint Germain.

les ont gouvernées. Cette remarque est du judicieux Fleury.

Pélage, breton de naissance, avoit commencé à dogmatiser à Rome vers l'an 405; ses erreurs, s'étoient principalement répandues dans la Grande-Bretagne. On y comptoit parmi ses plus zélés partisans, un nommé Agricola, fils de Sévérin, qui étoit devenu évêque, et qui avoit fortement travaillé à donner cours à l'hérésie pélagienne. Le diacre Pallade, qui avoit été envoyé sur les lieux par le pape Célestin, et qui fut depuis sacré évêr. que, avec ordre de passer en Ecosse, ne put ap-. porter au mal de remède efficace; il en écrivit au souverain pontife, et le pria d'avoir pitié de tant d'ames que le poison de l'erreur mettoit en danger de périr. En même temps, les catholiques de la Grande-Bretagne envoyèrent une députation). aux évêques des Gaules, pour leur demander des missionaires capables de défendre la foi, et de s'opposer aux progrès de l'hérésie. Le pape nomma saint Germain d'Auxerre pour aller au secours, des Bretons, et lui donna le titre de vicaire apostolique. Cette nomination se fit en 429, selon saint Prosper. (1). Les évêques des Gaules s'étant assemblés pour le même sujet, prièrent saint. Loup de Troyes de se joindre à saint Germain pour l'aider dans l'importante mission dont il étoit chargé (2).

Les deux saints prélats ne pensèrent plus qu'à partir pour la Grande-Bretagne. Ils passèrent par le village de Nanterre, situé près de Paris. Saint Germain y vit sainte Geneviève, lui donna sa bénédiction, et prédit le haut degré de sainteté auquel elle parviendroit. Geneviève, âgée, (1) Chron. et l. contra Coll. c. 21.

(2) Bède, Hist. l. 1, c. 17; Constant. in Vita S. Germani.

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d'environ sept ans, marqua un grand désir de consacrer à Dieu sa virginité. L'évêque d'Auxerre la conduisit dans l'église, où il reçut son vœu après plusieurs prières solennelles. Il le confirma en lui imposant la main droite sur la tête (3).

Saint Germain et saint Loup continuèrent leur route, et s'embarquèrent pour la Grande-Bretagne. On étoit alors en hiver. Les deux évêques furent assaillis d'une furieuse tempête dans le trajet. Saint Germain l'apaisa en invoquant le nom de la sainte Trinité,et en jetant dans la mer quelques gouttes d'huile, selon Constance, ou d'eau bénite, suivant Bède. Lorsqu'ils arrivèrent dans la Grande-Bretagne, ils virent venir au devant d'eux une troupe innombrable de peuple. Le bruit de leur sainteté, de leur doctrine et de leurs miracles se fut bientôt répandu par tout le pays. Ils confirmoient les catholiques dans la foi, et convertissoient ceux qui étoient engagés dans l'hérésie. Les églises ne pouvant contenir toutes les personnes qui accouroient à leurs discours, ils prêchoient souvent au milieu de la campagne.

Les chefs des Pélagiens n'osoient paroître devant eux, et fuyoient même de peur d'être forcés d'en venir à une dispute réglée. Ils rougirent à la fin d'une conduite qui faisoit leur condamnation, et acceptèrent une conférence qui se tint à Vérulam. Une grande multitude de peuple y assista. Les hérétiques, qui firent d'abord bonne contenance, parurent avec beaucoup d'appareil, et parlèrent les premiers. On leur laissa la liberté de discourir long-temps. Lorsqu'ils eurent fini, les deux saints évêques répondirent avec tant de force, et appuyèrent si bien leurs raisonnemens sur l'autorité (3) Vit. S. Genovefæ.

de l'écriture, que leurs adversaires furent bientôt réduits au silence. Les fidèles poussèrent alors un cri d'acclamation pour témoigner la joie qu'ils ressentoient de ce que la vérité venoit de remporter la victoire sur l'erreur.

L'assemblée n'étoit point encore séparée, qu'un tribun et sa femme présentèrent à saint Germain et à saint Loup leur fille, âgée de dix ans et privée de l'usage de la vue. Les saints évêques leur dirent de la présenter aux Pélagiens; mais ceuxci se joignirent aux parens, afin d'obtenir des serviteurs de Dieu qu'ils priassent pour cette jeune fille. Alors saint Germain, invoquant la sainte Trinité, appliqua le reliquaire qu'il portoit à son cou sur les yeux de la petite aveugle, qui recouvra aussitôt la vue. Ce miracle remplit de joie les parens et toute l'assemblée. A compter de ce jour, la doctrine des deux saints évêques ne trouva plus d'obstacles.

Pour en rendre à Dieu de solennelles actions de grâces, ils allèrent au tombeau de saint Alban, le plus illustre martyr de la Grande-Bretagne. Saint Germain le fit ouvrir et y déposa une boîte qui contenoit des reliques des apôtres et de plusieurs martyrs; il prit ensuite de la terre qui paroissoit encore teinte du sang de saint Alban, il l'emporta avec lui à Auxerre, et la mit dans une église qu'il fit bâtir sous l'invocation de ce Saint (4).

Saint Germain et saint Loup n'étoient point encore revenus en France, lorsque les Saxons et les Pictes firent une invasion dans la Grande-Bretagne. Ces barbares ravageoient déjà le pays. Les Bretons ayant ramassé une armée à la hâte, invitèrent les deux Saints de se rendre dans leur (4) Hist. Episcop. Autissiod. Tome VI.

V

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