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MARTHE, etc. (29 Juillet.) avoit daigné venir dans sa maison; elle se plaignit donc à lui de ce que sa sœur ne venoit pas l'aider. Le Sauveur ne désapprouva pas le principe de sa sollicitude; mais il lui fit comprendre qu'elle ne devoit pas condamner sa sœur, qui s'attachoit à ce qu'il y avoit de plus important, à l'avancement spirituel de son ame. Marthe, Marthe, lui dit-il, vous vous empressez, et vous vous troublez dans le soin de beaucoup de choses: une seule chose cependant est nécessaire. Ce n'étoit pas qu'il voulût donner à entendre qu'on doit négliger les devoirs qui se terminent au corps; il vouloit seulement que nous apprissions de là que les fonc-tions spirituelles méritent la préférence sur les corporelles, même sanctifiées par la pureté du motif, lorsque les unes et les autres se trouvent en concurrence. Les secondes, à la vérité, changent de nature quand la gloire de Dieu en est l'objet; mais l'ame y est souvent exposée à être distraite, sur-tout dans le cours de l'action. Tâchons de ressembler aux anges, qui, en exerçant les fonctions extérieures dont ils sont chargés, ne perdent jamais de vue la présence de Dieu, et l'adorent sans cesse : mais quoi que nous fassions, nous ne serons pas toujours parfaitement maîtres de notre attention. Ceux, au contraire, qui s'occupent de la contemplation, ne courent point les mêmes risques; ils sont unis à Dieu d'une manière plus continue et plus parfaite. Ils font comme l'apprentissage de l'emploi qu'ils auront éternellement dans le ciel.

C'est en ce sens que Jésus-Christ loua la conduite de Marie, en assurant qu'elle avoit choisi la meilleure part, et que jamais on ne la lui raviroït; il ajouta même qu'une seule chose étoit nécessaire; et cette seule chose, c'est de rapporter tout

MARTHE, etc. (29 Juillet.) 489 ce que nous faisons à la gloire de Dieu et à notre salut éternel (a).

Ce qui prouve sur-tout combien Jésus-Christ aimoit la famille de Marthe, c'est la résurrection de Lazare. Lorsque Lazare fut tombé dans la maladie dont il mourut, ses sœurs en informèrent le Sauveur qui étoit alors en Galilée. Elles ne lui firent dire que ces paroles: Celui que vous aimez est malade. Elles savoient bien qu'il n'en faudroit pas davantage pour exciter sa compassion, et pour l'attendrir sur leur malheur.

Ce n'étoit point pour nous délivrer de nos infirmités corporelles que Jésus-Christ étoit descendu du ciel sur la terre. Il guérissoit cependant les malades, et ressuscitoit les morts, afin de nous faire comprendre jusqu'à quel point il désiroit de sauver nos ames. Il connoissoit toute l'étendue de nos misères spirituelles; mais il vouloit aussi que nous la connussions nous-mêmes, pour nous porter à implorer son assistance: de là ces différens miracles qu'il opéroit, et dont la fin étoit de nous réveiller, et de dissiper les ténèbres qui nous dérobent cette précieuse connoissance. Le premier pas que nous ayons à faire pour obtenir notre délivrance, est d'avouer humblement que nous sommes foibles, ingrats, incapables de nous guérir par nous-mêmes : mais pensons aussi que nous avons un médecin dont l'amour et le pouvoir sont infinis; découvrons-lui toute la profondeur de nos plaies, pour émouvoir ses entrailles : représentonslui que celui qu'il aime encore comme l'ouvrage de ses mains et le prix de son sang, est plongé dans un abîme de misères. Gémissons, crions vers lui du fond de nos cœurs; conjurons-le de consi

(a) C'est ainsi que ce passage est expliqué par saint Augustin et saint Bernard, par Maldonat, Grotius, etc.,

MARTHE, etc. (29 Juillet.) dérer son image, quoique défigurée par le péché; d'abaisser ses yeux sur son royaume, tout désolé par la tyrannie du démon et de nos passions; de ne pas négliger la vigne qu'il a plantée et cultivée de ses propres mains, et qui aujourd'hui est livrée en proie à des ennemis furieux et barbares; de réparer, au contraire, les brèches de la muraille qui l'environne, et de lui rendre sa première beauté. Ne pouvant jamais être entièrement assurés que nous trouverons miséricorde, ni rester tranquilles sur l'issue de cette grande épreuve d'où dépend notre éternité, nous ne devons jamais cesser d'implorer la clémence de celui qui est en même temps notre juge et notre médecin ; nous ne saurions trop souvent répéter ces paroles de Marthe et de Marie : « Voilà que celui que vous » aimez est accablé sous le poids de ses maux, * ni le prier trop ardemment de se ressouvenir de ses anciennes miséricordes envers nous.

Ayons aussi recours à Dieu dans les maladies corporelles, et servons-nous de la même prière. Demandons-lui la santé pour nous et pour nos frères, autant toutefois que sa gloire et notre salut n'y seront point intéressés. Unissons nos prières aux supplications des Saints, sur-tout à celles des deux sœurs de Lazare, qui obtinrent la résurrection de leur frère.

Jésus n'eut pas plutôt appris le sujet de la douleur de Marthe et de Marie, que son cœur fut ému de compassion. Cependant il différa quelques jours de venir, tant pour éprouver la vertu des sœurs de Lazare, que pour manifester sa gloire avec plus d'éclat. Comme il approchoit de Béthanie, Marthe, instruite de son arrivée, s'empressa d'aller au-devant de lui, et lui dit: Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère no

MARTHE, etc. (29 Juillet.) 491 seroit point mort. Jésus la rassura, et lui fit espérer que son frère ressusciteroit. Marthe ne voulut pas profiter seule du bonheur qu'elle avoit eu d'entretenir en particulier le Sauveur; elle alla avertir sa sœur que Jésus étoit arrivé, et qu'il la demandoit. Celle-ci courut aussitôt au-devant de son divin maître, et se jeta à ses pieds fondant en larmes. Elle étoit accompagnée d'un grand nombre de Juifs qui étoient venus consoler les deux sœurs de la mort de leur frère, et qui versoient aussi des larmes.

Ce triste spectacle toucha tellement le Sauveur, que se laissant aller à la douleur, il voulut montrer qu'il étoit homme en faisant paroître du trouble et de l'altération sur son visage et dans tout son extérieur. Il demanda où l'on avoit mis le corps de Lazare. On lui répondit: Seigneur, venez et voyez. I alla donc au tombeau avec eux, et il commanda qu'on ôtât la pierre qui le fermoit. Marthe lui représenta qu'il y avoit déjà quatre jours que le corps étoit dans le tombeau, et qu'il devoit sentir mauvais. Ne vous ai-je pas dit, répliqua Jésus, que si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu ? Ensuite ayant adressé une prière à son Père, il cria à haute voix : Lazare, sortez dehors. A l'instant, Lazare se leva, les pieds et les mains liés avec des bandes, et la tête enveloppée d'un suaire. Jésus commanda qu'on le déliât, et qu'on le laissât aller. Plusieurs d'entre les Juifs qui étoient venus voir Marthe et Marie, ayant été témoins d'un miracle aussi éclatant, crurent en Jésus, et se mirent au nombre de ses disciples; mais les princes des prêtres et les Pharisiens en ayant été informés, s'assemblerent, et résolurent de faire mourir non-seule ment le Sauveur, mais même Lazare, afin que la

présence de ce dernier ne rappelât plus le miracle opéré en sa personne. Il ne paroît pas cependant qu'ils aient exécuté le dessein formé contre Lazare.

Peu de temps après, et six jours avant la Paque, Jésus étant venu en Béthanie, on lui donna un grand souper. Lazare étoit à table avec lui, et Marthe le servoit. Marie saisit cette occasion pour donner au Sauveur une marque de la profonde vénération qu'elle avoit pour lui; elle prit un vase rempli d'excellens parfums qu'elle lui versa sur les pieds, les essuyant avec ses cheveux. Judas Iscariote, qui étoit présent, regarda ces parfums comme perdus, et prétendit qu'il eût mieux valu les vendre, et en donner le prix aux pauvres. Ce n'étoit pas qu'il s'intéressât beau. coup au sort des malheureux; mais c'est que portant la bourse, il convertissoit quelquefois à son usage les biens communs, parce qu'il étoit un voleur. On voit par-là avec combien de facilité l'avarice se glisse dans le cœur, et combien l'avare est ingénieux à trouver des excuses pour se tromper lui-même. Au lieu que la charité interprète en bonne part les actions du prochain, la passion entraîne toujours dans des jugemens téméraires. Judas, en condamnant ce que Marie venoit de faire, condamnoit un acte de religion très-héroïque mais Jésus prit la défense de cette sainte femme; il considéroit, non les parfums en eux-mêmes, mais le motif qui les avoit fait répandre. Il les reçut comme un gage de l'amour dont Marie étoit embrasée pour lui, et comme un embaumement anticipé de son corps qui devoit être bientôt livré à la fureur des Juifs; il déclara même que cette action, condamnée par Judas, seroit un sujet d'édification dans tous les lieux où l'on prêcheroit l'évangile.

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