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dans ses derniers momens n'osèrent défendre dans l'aréopage, ni son innocence, ni sa doctrine. Avec quelle réserve Platon parloit-il lui-même des dieux qu'il adoroit en public, tandis qu'il ne les reconnoissoit point en particulier? Il biaisoit sur l'article de la Divinité; il déguisoit ses vrais sentimens ; il nioit et soutenoit à la fois les plus importantes vérités. Les Chrétiens sont les seuls qui ont souffert pour la défense de la doctrine qu'ils professoient hautement et sans ambiguité. Leur sang a coulé durant plusieurs siècles, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'ils eussent soumis le monde en mourant pour leur foi. Qui put donc engager une multitude innombrable d'hommes à embrasser une semblable religion? qui put les y retenir malgré l'appareil de la mort la plus affreuse, sinon l'évidence de la vérité, et une grâce supérieure qui les élevoit au-dessus de leur foiblesse naturelle ?

S.te JULITTE,

MARTYRE A CÉSARÉE, EN CAPPADOCE.

Les premiers édits de Dioclétien portés contre l'église en 303, déclarèrent les Chrétiens infâmes, déchus de la protection des lois, et de tous les priviléges que donnoit la qualité de citoyen. En armant ainsi tout le monde contre eux, l'empereur comptoit exterminer jusqu'à leur nom même; mais il ne savoit pas que le christianisme n'est jamais plus triomphant que quand ceux qui le professent semblent vaincus par la mort, et que cette religion divine, élevant les hommes au-dessus de leur foiblesse, les rend victorieux de la puissance du monde et de l'enfer. Le martyre de sainte Julitte en fournit une preuve.

Cette Sainte, qui demeuroit à Césarée, en Cap

padoce, étoit fort riche en terres, en biens-meubles et en esclaves. Un homme puissant de la même ville la dépouilla par violence de la plus grande partie de ce qu'elle possédoit, et quand elle voulut se pourvoir pardevant le préteur afin de lui demander justice, il l'accusa d'être chrétienne. Aussitôt le juge fit apporter du feu et de l'encens, et lui ordonna de sacrifier aux idoles ; mais Julitte lui répondit généreusement : « On » peut me dépouiller de mes biens, et les donner » à des étrangers; on peut aussi m'enlever la vie, » après avoir mis mon corps en pièces. Quant à » ce qu'on exige de moi, on ne l'obtiendra ja» mais; non, non, je ne me permettrai rien qui » puisse déplaire au Dieu qui m'a créée. En per»dant le peu que j'ai sur la terre, je gagnerai » le ciel. Cette réponse irrita sigulièrement le juge, qui ne s'y attendoit point. Il confirma l'usurpateur dans la possession de ce qu'il avoit pris, et condamna au feu la servante de JésusChrist.

Julitte entendit prononcer la sentence avec joie, et en rendit grâces à Dieu. En même temps, elle exhorta les frères de la manière la plus touchante à rester inébranlables dans la foi, et à servir le vrai Dieu avec ferveur. Les païens étonnés ne pouvoient comprendre comment une personne de son sexe, de son âge et de son rang, faisoit avec autant de constance le sacrifice de tous les avantages qu'elle avoit lieu d'espérer dans le monde ; ils admiroient sur-tout cette intrépidité avec laquelle elle envisageoit la mort.

Tout étant préparé pour le supplice, elle se mit elle-même sur le bûcher où elle expira. Il paroit qu'elle fut étouffée par la fumée; du moins les flammes s'étant élevées autour d'elle en

forme d'arcade, ne touchèrent point à son corps, et les Chrétiens le retirèrent tout entier. On l'enterra dans le vestibule de la grande église de Césarée. Saint Basile, parlant de ce précieux trésor vers l'an 375, s'exprimoit ainsi : « Il enrichit de » bénédictions le lieu où il est, et ceux qui y vien» nent. On a vu, ajoute-t-il, près de l'endroit » où il a été déposé, sortir une source d'eau trèsagréable, tandis que toutes celles du voisinage » sont salées et mal saines. Cette eau conserve la » santé, et guérit les malades. » Sainte Julitte est honorée en ce jour par les Grecs et les Latins.

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Voyez l'homélie de saint Basile sur sainte Julitte, t. II, p. 33, hom. 5, et le recueil des actes des martyrs, publié par D. Ruinart, p. 515.

S. IGNACE DE LOYOLA,

FONDATEUR DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS.

Tiré des différentes vies du Saint, données par Gonzalès ou Gonzalvo, Ribadeneïra, Maffée, Bartoli et Bouhours. Des deux premiers auteurs, l'un avoit été long-temps confesseur de saint Ignace, et mourut à Lisbonne en 1575; l'autre l'avoit connu très - particulièrement, et mourut à Madrid en 1611. Voyez Pinius, l'un des continuateurs de Bollandus, lequel, outre les vies originales, a encore donné l'histoire de plusieurs miracles opérés par l'intercession du Saint, t. VII, Julii. Voyez aussi le recueil des Vies des Saints, par Baillet.

L'AN 1556.

SAINT IGNACE naquit en 1491, dans cette partie de la Biscaye espagnole qui s'étend vers les Pyrénées, et qui est présentement connue sous le nom de Guipuscoa. Dom Bertram, son père, seigneur d'Ognez et de Loyola, tenoit un des premiers rangs parmi la noblesse du pays. Sa mère, Marine Saez de Balde, n'étoit pas d'une naissance moins illustre. Il fut le dernier de trois filles Tome VI.

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et de huit garçons : il étoit bien fait; il donna dès son enfance des preuves d'une grande vivacité d'esprit. Quoiqu'il fût naturellement affable et officieux, on remarquoit en lui beaucoup de penchant à la colère, et sur-tout une soif ardente pour la gloire.

Il fut élevé à la cour de Ferdinand V, auquel il s'attacha en qualité de page. Son père l'avoit mis sous la conduite d'Antoine Manriquez, duc de Najare, grand d'Espagne, qui étoit son parent. Le duc voyant les dispositions d'Ignace pour le métier de la guerre, lui fit apprendre tous les exercices propres à former un officier. Le jeune page s'ennuya bientôt du séjour de la cour; il ne soupiroit qu'après le moment où il pourroit entrer au service. L'amour de la gloire étoit encore augmenté en lui par l'exemple de ses frères, qui s'étoient signalés dans les guerres de Naples.

Lorsqu'il fut à l'armée, il ne le céda en courage à aucun officier. Il se fit beaucoup d'honneur par la conduite qu'il tint à la prise de Najare, ville située sur la frontière de Biscaye. Quoiqu'il eût eu le plus de part à la victoire, il ne voulut point en avoir au butin, se contentant d'avoir fait une belle action. I haïssoit le jeu comme une source d'avarice, de querelles et de plusieurs autres maux. Il ne manquoit point d'habileté pour les affaires, et tout jeune qu'il étoit, il avoit un talent singulier pour apaiser les disputes qui s'élevoient parmi les soldats. Il se montroit fort généreux envers ses ennemis. Il aimoit la poésie, et sans avoir aucune teinture des lettres, il faisoit d'assez bons vers espagnols; l'on dit qu'il composa un petit poëme à la louange de saint Pierre.

Mais sa conduite n'étoit guère édifiante: il ne

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pensoit qu'à la galanterie et au plaisir ; il ne suivoit dans toutes ses actions que les fausses maximes du monde. Il vécut de la sorte jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, que Dieu lui ouvrit les yeux de la manière que nous l'allons rapporter.

Charles-Quint, qui avoit succédé à Ferdinand, et qui venoit d'être élu empereur, passa en Allemagne pour prendre possession de la couronne impériale. François I.er, roi de France, qui avoit aussi prétendu à l'empire, devint l'implacable ennemi de Charles, qui lui avoit été préféré. Il lui déclara la guerre dans le dessein de reprendre la Navarre dont Ferdinand avoit dépouillé Jean d'Albret, et que Charles retenoit toujours, quoique par le traité de Noyon il se fut obligé à la rendre dans les six mois. Il fit donc marcher, en 1521, une armée nombreuse contre les Espagnols. Elle étoit commandée par André de Foix, frère du fameux de Lautrec. Ce général ayant passé les Pyrénées, entra dans la Navarre, et vint mettre le siége devant Pampelune. Ignace avoit été laissé dans cette place par le vice-roi, non pour commander, mais pour encourager la garnison. Il fit tout ce qu'il put pour engager les assiégés à se défendre; mais ses efforts furent inutiles: il eut même la douleur de les voir ouvrir les portes de la ville; alors, pour sauver son honneur, il se retira dans la citadelle avec un brave soldat qui eut seul le courage de le suivre. La garnison de cette forteresse délibérant si elle ne se rendroit point, il l'exhorta à faire une vigoureuse défense. Cependant les Français déchargè rent toute leur artillerie, firent une large brèche à la muraille, et montèrent à l'assaut. Ignace parut sur la brèche à la tête des plus braves, et reçut les ennemis l'épée à la main; mais dans la

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