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premiers disciples d'Ignace qui se distingua par des écrits marqués au coin d'une solide piété (h).

En 1551, François Borgia donna une somme considérable destinée à bâtir pour les Jésuites le collége Romain. Le pape Jules III contribua aussi beaucoup à cet établissement. Paul IV, son successeur, le fonda à perpétuité en 1555, avec une grande magnificence. Grégoire XIII en augmenta encore depuis les bâtimens et les revenus. Ignace pourvut ce collége de tout ce qui pouvoit le rendre florissant, afin qu'il fût comme le modèle de tous les autres. Il fit alors une règle, par laquelle il fut ordonné à chaque membre de la société d'apprendre à parler et à écrire correctement la langue du pays dans lequel il vivoit. Il s'y détermina dans la persuasion qu'on ne peut sans cela réussir, soit dans la prédication, soit dans l'exercice des autres fonctions du ministère. Il établit dans le collége Romain des leçons pour la langue italienne, qu'il étudia lui-même avec beaucoup de soin, et qu'il demanda comme une grâce qu'on l'avertît de toutes les fautes qu'il feroit en la parlant. Il dirigea aussi la fondation du collége Germanique, qui fut commencé à Rome par Jules III, et achevé par Grégoire XIII.

La sagesse et la charité avec lesquelles il se conduisoit à l'égard de ses religieux, lui gagnoit tous les cœurs. Il prioit plutôt qu'il ne comman

marais, de l'Académie française; elle a été imprimée plusieurs fois.

(h) On peut voir les méditations du P. Louis Dupont, qui mourut en 1624, et dont les rois d'Espagne ont souvent sollicité la canonisation; les écrits d'Alvarez de Paz, qui mourut au Pérou en 1620; les ouvrages et la vie du P. Balthasar Alvarez, qui mourut en Espagne, en odeur de sainteté, dans l'année 1580.

doit. Il savoit s'accommoder à tous les esprits, et tempérer si bien la fermeté par la douceur, que ceux qu'il reprenoit ne pouvoient s'empêcher de l'aimer. Voulant un jour avertir quelqu'un de son peu de soin à veiller sur ses yeux, il se contenta de lui dire avec un ton de tendresse : « J'ai » souvent admiré la modestie de votre conduite; » j'observe cependant que quelquefois vous ne gar>> dez point assez bien vos yeux. » Un autre étant tombé dans une faute à peu près semblable, il lui dit d'en faire le sujet de son examen particulier. I regardoit la modestie extérieure comme un moyen absolument nécessaire pour réprimer les saillies des sens et des passions. Les malades étoient encore un des principaux objets de sa tendresse, et il avoit une attention extrême à leur fournir tous les secours dont ils avoient besoin pour l'ame et pour le corps.

Les deux premières vertus dont il recommandoit la pratique aux novices, étoient l'obéissance et le renoncement à soi-même. Il disoit à ceux qui se présentoient pour entrer dans la société, qu'ils ne devoient plus avoir de volonté propre. Dans sa lettre aux Jésuites portugais sur l'obéissance, il explique la nécessité, l'étendue et les avantages de cette vertu. Ayant appris que le P. Araos, qui faisoit beaucoup de bien à la cour d'Espagne, paroissoit rechercher la conversation des grands, sous prétexte de concilier leur faveur à son ministère, il l'en reprit très-sévèrement, et lui représenta que les ministres de la parole de Dieu n'ont besoin que de l'autorité qui s'acquiert par l'esprit de recueillement et par les exercices de l'humilité chrétienne. Pour faire éviter plus sûrement le danger qui se rencontre dans la fréquentation des femmes, il défendit à chaque re

ligieux d'en voir aucune étant seul; et celui qui alloit confesser une femme malade avoit toujours avec lui un compagnon tellement placé, qu'il pût voir tout ce qui se passoit. En assignant les places que devoient occuper les différens membres de la société, il avoit ordinairement égard aux inclinations de chacun; il exigeoit cependant qu'ils fussent tous dans une parfaite indifférence, et dans la disposition d'accepter ou de quitter toutes sortes de places.

Malgré l'application constante qu'exigeoit le gouvernement de son ordre, qui tous les jours s'étendoit de plus en plus, et les fatigues qui étoient inséparables de sa place, il étoit encore tout de feu quand il s'agissoit de trouver des moyens de procurer la gloire de Dieu par l'extirpation du vice, et par l'accroissement de la vertu dans les ames. Sa santé s'affoiblissoit tous les jours, mais il ne diminuoit rien pour cela de ses travaux ordinaires. Il avoit une force intérieure qui le soutenoit, et qu'il entretenoit par les pratiques de la vie spirituelle. Une tendresse singulière de dévotion lui attiroit des grâces extraordinaires, et il avoit coutume de dire que Dieu lui accordoit ces grâces par compassion pour sa foiblesse et ses misères, qu'il assuroit être plus grandes en lui qu'en tout autre homme. Lorsqu'il célébroit la messe, ou qu'il récitoit l'office divin, il éprouvoit des consolations ineffables, et les larmes couloient de ses yeux avec une telle abondance, qu'il étoit quelquefois obligé de s'arrêter un temps assez considérable. Dans les affaires, il ne se déterminoit jamais qu'après avoir consulté Dieu, quelqu'évidentes que lui parussent les raisons qu'il avoit d'agir d'une manière plutôt que d'une autre. Il n'étoit pas une heure chaque jour

sans se recueillir intérieurement, et sans examiner sa conscience, et alors il bannissoit de son esprit toute autre pensée. Jamais il ne perdoit de vue la présence de Dieu. Chaque objet étoit comme nn miroir qui lui représentoit les perfections divines, et il prenoit de là occasion d'élever son ame vers le Seigneur. Il recommandoit cette sorte de prière à ceux sur-tout qui sont occupés des fonctions spirituelles pour le service du prochain. Avant de commencer la prière publiblique ou particulière, il préparoit son ame avec une grande ferveur, et descendoit dans son cœur pour en purifier et en échauffer les affections; en sorte que le feu intérieur dont il étoit embrasé paroissoit sur son visage.

Ignace prescrivit aux prêtres de la société de mettre environ une demi-heure à dire la messe : par-là, leur disoit-il, vous éviterez une précipitation indécente, et vous ne causerez point d'ennui au peuple. Pour lui, il n'observoit pas cette règle; il étoit près d'une heure à l'autel, parce que son extrême dévotion l'obligeoit de s'arrêter de temps en temps. Sa messe finie, il restoit deux heures en prières, sans parler à qui que ce soit, à moins qu'il n'y eût une nécessité pressante de le faire. On raconte des choses extraordinaires des faveurs qu'il reçut dans ses entretiens avec Dieu, et dont le détail nous mèneroit trop loin (5).

Cet esprit de prière fut accompagné dans saint Ignace d'un parfait renoncement à lui-même. Il savoit que l'Esprit-Saint ne se communique qu'aux ames entièrement crucifiées au monde. Ayant entendu dire de quelqu'un que c'étoit un homme doué du don de contemplation dans un haut degré, et qui possédoit éminemment l'esprit de (5) Voyez Bartoli, l. 4, p. 355, 372,

prière, il corrigea ces expressions, en disant qu'on devoit l'appeler un homme d'un parfait renoncement; c'est que l'esprit de prière ne peut se trouver que dans une ame entièrement dégagée de toutes les affections terrestres. Ignace parvint à ce renoncement par la pratique habituelle de la mortification de ses sens, par la patience, la résignation, la confiance en Dieu, par ce courage avec lequel il souffrit les plus rudes épreuves, tant intérieures qu'extérieures.

Son obéissance égaloit son renoncement. Il soumettoit sa volonté à celle de ses supérieurs et de ses directeurs. Il répétoit continuellement aux no vices de son ordre : « Sacriffez, par l'obéissance, » votre volonté et votre jugement. Tout ce que >> vous faites sans le consentement de votre guide spirituel, ne vous sera point imputé à vertu, » quand bien même vous épuiseriez les forces de › votre corps par le travail et les austérités. » Ce que nous avons dit jusqu'ici montre assez jusqu'à quel point Ignace portoit la vertu d'humilité. Il conserva toute sa vie un grand amour pour l'abjection, parce qu'il se méprisoit souverainement lui-même, qu'il se regardoit comme le dernier des pécheurs, et qu'il se jugeoit digne d'être le rebut de toutes les créatures; et s'il renonça à la conduite qu'il avoit tenue dans les premiers temps de sa conversion, ce fut uniquement dans la vue de se rendre utile au prochain. Tout son extérieur portoit l'empreinte de l'humilité la plus profonde. Jamais il n'avoit de plus grand plaisir que lorsqu'il exerçoit les plus bas emplois de la maison. Il déroboit aux autres, autant qu'il étoit en lui, la connoissance de ses vertus et de ses bonnes œuvres. Quoique supérieur, il se soumettoit humblement à ses inférieurs; il déféroit à leurs

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