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avis en plusieurs occasions, et ne prenoit jamais un ton d'autorité, à moins que le bien de la société ne l'y obligeât. Si l'on disoit devant lui quelque chose qui pouvoit tourner à sa louange, il témoignoit une grande confusion, qui ordinairement étoit accompagnée de larmes. Il ne parloit de luimême que quand cela étoit absolument nécessaire. Il gardoit un profond silence sur les faveurs extraordinaires dont le ciel le favorisoit, ou il ne les découvroit aux autres que lorsque la gloire de Dieu y étoit intéressée. Al'entendre, personne ne le scandalisoit que lui-même. Il ne croyoit pas disoit-il, qu'il y eût quelqu'un au monde qui eût reçu plus de grâces que lui, ni qui y eût si mal répondu. Il désiroit qu'après sa mort on traitât son corps ignominieusement, en punition des péchés qu'il avoit commis en l'idolâtrant. S'il parloit de son ordre, il ne l'appeloit que la petite société, voulant faire entendre par-là que ses enfans devoient se mettre à la dernière place dans l'église de Jésus-Christ. Son mépris pour le monde étoit sans bornes. Quand il levoit les yeux au ciel, il avoit coutume de s'écrier avec transport : « Que » la terre me paroît méprisable à la vue des cieux! >>

La charité couronnoit toutes ses autres vertus.

Il répétoit souvent ces paroles, qu'il prit pour devise: A la plus grande gloire de Dieu. C'étoit là qu'il rapportoit toutes ses actions, et toutes celles de sa société. On lui entendoit dire fréquemment ces autres paroles : « Que désiré-je, Seigneur, ou que puis-je désirer, sinon vous! La charité n'étant jamais oisive, il travailloit continuellement à prouver à Dieu qu'il brûloit d'amour pour lui de là ce désir des souffrances; il n'y avoit, selon lui, de véritable consolation que celle que l'on goûte en souffrant pour Jésus

Christ. Comme on lui demandoit un jour quel étoit le moyen le plus sûr et le plus court pour arriver à la perfection, il répondit : « C'est de » souffrir beaucoup pour l'amour de Jésus-Christ. » Demandez cette grâce à Notre-Seigneur. Tous ceux auxquels il accorde cette faveur en reçoivent plusieurs autres qui en sont comme la suite. » Il ne soupiroit qu'après le moment où son ame seroit séparée de son corps. Toutes les fois qu'il pensoit à la mort, il répandoit des larmes de joie, dans l'espérance qu'il verroit Dieu face à face, qu'il le loueroit et l'aimeroit pendant toute l'éternité. De cet ardent amour pour Dieu, naissoit le plus grand désir du salut des ames. Ce fut pour contribuer à la sanctification du prochain qu'Ignace forma tant d'entreprises, qu'il fit des prières si ferventes, qu'il répandit tant de larmes, et qu'il essuya tant de travaux. Quand il envoyoit quelque part des missionnaires, il leur disoit ordinairement «Allez, mes frères, allez embraser le » monde, et répandre par-tout ce feu que J. C. est venu allumer sur la terre. » Il avoit personnellement un talent admirable pour retirer les pécheurs du désordre. Il recevoit les vrais pénitens avec une douceur extraordinaire, et se chargeoit souvent en partie du soin de satisfaire pour eux à la justice divine. Non content d'avoir converti les pécheurs, il les portoit à se consacrer sans réserve au service de Dieu, et les exhortoit à se servir, pour leur consécration, de cette prière qu'il récitoit souvent : « Recevez, Seigneur, l'offrande que je vous fais de ma liberté, de ma » mémoire, de mon entendement et de ma volonté. Vous m'avez donné tout ce que j'ai, tout » ce que je possède; je vous le rends, et le soumets à votre divine volonté, afin que vous dis

posiez de moi. Accordez-moi seulement votre >> amour et votre grâce; avec cela, je suis assez » riche, et je ne demande plus rien. »

Saint Ignace étoit général de la société depuis quinze ans ; mais ses infirmités devinrent si considérables, qu'il voulut qu'on lui donnât un assistant, sur lequel il pût se reposer des plus pénibles fonctions de sa place, que le pape lui avoit ordonné de garder toute sa vie. On choisit, pour l'aider, le père Jérôme Nadal. Se voyant plus libre, il consacra tout son temps à la prière, afin de se préparer plus particulièrement à la mort. Avant de quitter ses enfans, il leur laissa une nouvelle marque de sa tendresse, en leur dictant quelques maximes sur les principaux devoirs de la vie religieuse. La veille du jour où il devoit sortir de ce monde, il envoya demander au pape la bénédiction en article de mort. Le lendemain matin, ayant levé les yeux et les mains au ciel, il prononça le nom sacré de Jésus, et expira tranquillement le 31 de Juillet 1556, dans la soixantecinquième année de son âge. L'opinion universelle que l'on eut de sa sainteté, avant et après sa mort, fut confirmée par un grand nombre de miracles (i).

(i) Bayle conteste la vérité des miracles de saint Ignace, et il se fonde sur ce que Ribadenéira, dans la première vie qu'il donna de ce Saint, en 1572, demande pourquoi sa sainteté n'a point été attestée par des miracles comme celle des autres fondateurs d'ordres : Quamobrem illius sanctitas minùs est tes'tata miraculis, etc. Mais dans cette même édition, on lit ces paroles remarquables au chap. dernier, p. 209: Mihi tantùm abest ut ad vitam Ignatii illustrandam, miracula deesse videantur, ut multa eaque præstantissima judicem in medi â luce versari. Ribadenéira fait ensuite la récapitulation de plusieurs faits qu'il avoit précédemment rapportés, et qu'il regardoit comme miraculeux. Il fit réimprimer son ouvrage en 1587, avec quelques additions; il donna ensuite un abrégé latin de cette première vie, dans laquelle il inséra plusieurs miracles, Tome VI.

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On enterra saint Ignace dans la petite église des Jésuites, dédiée sous l'invocation de la mère

et qu'il appelle alteram breviorem vitam, sed multis ac novis miraculis auctam. II y dit qu'il avoit été d'abord fort réservé touchant les miracles de saint Ignace, parce qu'ils n'avoient encore été ni examinés, ni approuvés; mais que depuis il n'a pu se dispenser d'en rapporter quelques-uns, qui étoient marqués du sceau de l'approbation de personnes sages et prudentes. Voyez cet auteur dans l'abrégé espagnol de la vie de saint Ignace, publié en 1604, et dans l'abrégé latin de la même vie, réimprimée à Ypres en 1612.

Dans la vie espagnole de saint Ignace, imprimée parmi les viés des Saints que Ribadenéira donna en 1604, on lit ce qui suit; c'est l'auteur qui parle : « Quand je publiai la vie de

saint Ignace, en 1572, je savois bien qu'il avoit fait des » miracles; mais je ne les croyois pas suffisamment vérifiés » pour devoir les publier; ils l'ont été depuis de la manière la

plus authentique pour la canonisation du Saint. Dieu qui se » plaît à glorifier son serviteur sur la térre, opère tous les ⚫ jours de tels miracles par son intercession, que je suis obligé » d'en rapporter au moins une partie. Je ne parle que d'après » les procès-verbaux de plusieurs évêques, et d'après les dé⚫ positions faites avec serment, par les personnes mêmes str » lesquelles ces miracles ont été opérés. » Voyez les vies des Saints, en espagnol, par Ribadenéira, p. 1124.

Dans la première et la seconde édition que Ribadenéira a donnée de la vie de saint Ignace, cet auteur parle de prophe ties, de révélations, de visions, et d'autres semblables faveurs extraordinaires, et il les distingue expressément du don des miracles. Il n'entend par miracles que des guérisons opérées d'une manière surnaturelle, et autres effets de la même espèce. Il eût pu, cependant, mettre dans la classe des miracles, ces faveurs extraordinaires dont nous venons de parler.

A la bonne heure, qu'on ne croie point aveuglément Ribadenéira; mais par rapport au point dont il s'agit, on ne peut nier qu'il n'ait porté l'exactitude jusqu'où elle pouvoit aller ; et le lecteur impartial conviendra qu'il y a beaucoup de mauvaise foi dans Bayle et dans ses copistes. Pourquoi donc Ribadenétra ne publia-t-il point d'abord les miracles de saint Ignace? C'est qu'ils n'avoient point encore été juridiquement approuvés. Une telle conduite est-elle matière à reproche? Ne mérite-t-elle pas plutôt des éloges Ribadenéira s'est conformé à ce qu'a prescrit le concile de Trente, sess. 25 de invoc. Sanct. Voyez Julius Negronius, Disp. hist. de SS. Ignatio et Cajetano, et Pinius, un des continuateurs de Bollandus.

Dans le procès de la canonisation de saint Ignace, on a reconnu que le Saint avoit opéré plusieurs miracles proprement

dans

de Dieu. En 1587, on transporta son corps l'église de la maison professe, nommée il Giesu, que le cardinal Alexandre Farnèse avoit fait bâtir. On le mit en 1637 sous l'autel de la chapelle qui porte le nom de saint Ignace; il est renfermé dans une châsse extrêmement précieuse. L'église dont nous parlons est une des plus belles du monde, après celle du Vatican; on y admire la richesse de la matière, qui est encore de beaucoup relevée par les chefs-d'œuvre de l'art.

Le serviteur de Dieu fut béatifié par Paul V en 1609, et canonisé en 1622 par Grégoire XV; mais la bulle de sa canonisation ne fut publiée que l'année suivante.

Nous apprenons de l'exemple des Saints, que le moyen de parvenir à la perfection chrétienne, c'est de nous détacher de toute affection aux choses terrestres, et de converser beaucoup dans le ciel par l'union constante de nos ames avec Dieu. Il faut que ceux qui s'emploient aux fonctions de la vie active, sachent le grand art de se tenir toujours en la présence du Seigneur. Qu'ils imitent les anges gardiens, qui, en remplissant le ministère dont ils ont été chargés à l'égard des hommes, ne cessent jamais de contempler la majesté divine, ni de lui rendre un hommage continuel d'amour et de louanges. Sans cette précaution, la sécheresse que produit l'étude, l'embarras des affaires, l'exercice même du saint ministère éteindront dans le cœur l'esprit de piété et de

dits, tels que des guérisons que les médecins avoient jugées incurables par les forces de la nature, et ces guérisons furent souvent l'effet d'une simple application de quelque relique du Saint. Nous n'entrerons point dans le détail de tous ces miracles, quelque incontestables qu'ils soient; on en trouvera l'histoire dans ceux qui ont écrit avec étendue la vie du Saint, et dans le judicieux recueil des Bollandistes.

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