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brûlé par les Normands au neuvième siècle. Hersende, qui en étoit alors abbesse, se retira avec ses religieuses en Alsace, et elles y furent reçues, en 895, dans l'abbaye des chanoinesses d'Erstein; on y porta aussi les reliques de sainte Berthe et de ses deux filles, et cette translation fut signalée par plusieurs miracles. Les reliques de sainte Berthe furent rapportées à Blangy dans le onzième siècle. Ce dernier monastère fut alors rebâti, et donné à des religieux de l'ordre de saint Benoit, qui l'occupent encore.

Voyez Mabillon, sect. 3, Ben. part. 1, 451; Bulteau, Histoire de l'ordre de saint Benoit, t. II, 1. 4, c. 31; Baillet, sous le 4 Juillet, et l'Histoire manuscrite de l'église de Strasbourg, par M. l'abbé Grandidier.

S. PIERRE DE LUXEMBOURG,
CARDINAL, ÉVÊQue de Metz.

Tiré de sa vie écrite un an après sa mort, par Jean de la Marche, son professeur en droit, et publiée dans le recueil des Bollandistes, t. I, Julii, p. 486. Voyez ibid. la bulle de sa béatification, avec l'histoire des miracles opérés par son intercession et par la vertu de ses reliques. Voyez aussi la vie du Saint, qu'un religieux célestin a composée d'après des monumens authentiques qui se gardent en manuscrit chez les Célestins d'Avignon, de Paris, de Nantes, etc. Elle a été imprimée à Paris en 1681.

L'AN 1387.

Les maisons de Luxembourg et de Saint - Pol ont tenu durant plusieurs siècles le principal rang parmi la noblesse des Pays-Bas; elles l'ont même disputé à plusieurs maisons royales de l'Europe. La première a donné cinq empereurs à l'Allemagne, plusieurs rois à la Hongrie et à la Bohême, et une reine à la France; elle a produit aussi un grand nombre de héros célèbres, dont les actions sont consignées dans l'histoire de l'Europe et dans

celle de l'Orient : mais on peut dire que les deux familles dont nous venons de parler ont tiré leur principal lustre de l'humilité du Saint que nous allons faire connoître.

Pierre, fils de Guy de Luxembourg, comte de Ligny, et de Mathilde, comtesse de Saint-Pol, naquit, en 1369, à Ligny, petite ville de Lorraine, au diocèse de Toul. Il étoit proche parent de l'empereur Wenceslas, de Sigismond, roi de Hongrie, et de Charles VI, roi de France. Il n'avoit que trois ans lorsqu'il perdit son père. L'année suivante, la mort lui enleva sa mère. La comtesse d'Orgières, sa tante, qui étoit en même temps comtesse douairière de Saint-Pol (a), se chargea du soin de son éducation; et lorsqu'elle se vit obligée de partager ce soin avec les autres, elle choisit des personnes recommandables par leur vertu et leur capacité.

Le jeune Pierre seconda parfaitement les vues de sa tante et de ses maîtres. Les exemples qu'il avoit sans cesse devant les yeux, et les instructions qu'il recevoit tous les jours, firent sur lui de vives impressions, et fortifièrent le goût naturel qu'il avoit pour la vertu. Dans un âge encore tendre, il prévenoit jusqu'aux premières saillies des passions. Son ardeur pour la pratique du bien étoit si extraordinaire, que ceux qui le connoissoient n'en pouvoient assez marquer leur étonnement. On regardoit comme un miracle de la grâce sa ferveur et son assiduité à la prière, son zèle pour la mortification, son abstinence, et sur-tout son amour pour l'humilité, dans un âge où les autres se laissent ordinairement conduire par les sens. Il n'avoit point encore atteint sa septième année,

(a) Elle étoit veuve de Guy de Châtillon, comte de SaintPol, frère de Mathilde.

lorsqu'il promit à Dieu de vivre dans une continence perpétuelle. En quelque lieu qu'il se trouvât, il employoit mille moyens pour que les pauvres fussent assistés.

A l'âge de dix ans, on l'envoya à Paris pour y achever ses études; il s'y appliqua successivement aux belles-lettres, à la philosophie et au droit canonique. Pendant qu'il étoit dans cette ville, Valeran, son frère aîné, comte de Saint-Pol, fut fait prisonnier par les Anglais dans une bataille qui se livra en Flandre, et où les Français et les Flamands furent battus. Ayant appris que son frère avoit été envoyé à Calais, il interrompit le cours de ses études; il se rendit à Londres en 1381, et resta en ôtage pour le comte de SaintPol, jusqu'à ce que celui-ci eût payé sa rançon. Sa vertu lui gagna l'estime et l'affection des Anglais; ils lui accordèrent généreusement la liberté après un an de séjour à Londres, en lui disant que sa parole leur suffisoit pour sûreté du payement de la somme stipulée. Le roi Richard II l'invita à venir à sa cour; mais il apporta divers prétextes pour s'en dispenser, et il se hâta de revenir à Paris pour y reprendre ses études.

Il mâtoit son corps par de longues veilles et par des jeûnes rigoureux. Jamais il ne faisoit de visites, à moins qu'elles ne fussent indispensables; encore ne visitoit-il que des personnes d'une piété éminente, et dans le commerce desquelles il y eût à gagner pour la sanctification de son ame. Il voyoit souvent Philippe de Maizières, qui possédoit dans un haut degré l'esprit de prière et de pénitence. Philippe avoit été chancelier des royaumes de Jérusalem et de Chypre. Il menoit depuis vingt-cinq ans une vie retirée chez les Célestins de Paris, sans avoir embrassé cependant l'institut

de ces religieux. Les avis que Pierre reçut de ce grand serviteur de Dieu, devinrent pour lui une source de nouvelles lumières, et le firent merveilleusement avancer dans les voies intérieures de la perfection.

En 1383, le comte de Saint-Pol, son frère, lui obtint un canonicat dans la cathédrale de Paris. Cette dignité lui parut un nouvel engagement à la ferveur dans le service de Dieu. Toute la ville fut singulièrement édifiée de son assiduité au chœur, de sa charité envers tous les hommes, de l'innocence de sa vie, de sa douceur et de son amour pour les mortifications de la pénitence. Sa modestie vouloit inutilement couvrir l'éclat de ses vertus; elles brilloient à proportion des efforts qu'il faisoit pour en dérober la connoissance aux autres. Il avoit une haute idée des moindres fonctions cléricales, et il saisissoit avec empressement l'occasion de les exercer dans l'église.

Le bruit de sa sainteté étant parvenu jusqu'à la ville d'Avignon, Clément VII, que la France reconnoissoit pour pape légitime durant le grand schisme, le nomma archidiacre de Dreux, au diocèse de Chartres; et il le choisit, en 1384, pour être évêque de Metz. Il crut que sa prudence et sa sainteté étoient une raison suffisante pour le dispenser du défaut d'âge. Pierre mit tout en œuvre pour ne point accepter l'évêché; mais il se rendit à la fin, parce qu'on lui répéta souvent qu'il offenseroit Dieu, s'il persistoit avec opiniâtreté dans son refus. Il ne se rendit donc que par la crainte de pécher, et par suite d'un scrupule qu'on lui avoit inspiré à cause de sa désobéissance au pape.

Il fit son entrée à Metz nu-pieds, et monté sur un âne, imitant en cela l'humilité de Jésus-Christ.

Il bannit de la cérémonie tout ce qui sentoit la magnificence, ou plutôt il ne fut magnifique que dans les aumônes qu'il distribua aux pauvres. Toute sa suite ne respiroit que la modestie et la piété. Quand il eut pris possession de son église, il entreprit la visite de son diocèse avec Bertrand, religieux de l'ordre de saint Dominique, qui lui avoit été donné pour suffragant, et qui pour celá avoit été sacré évêque de Thessalie. Par - tout il réforma les abus, et donna des preuves étonnantes de zèle et de prudence.

Il divisa son revenu en trois quarts, l'une pour l'église, l'autre pour les pauvres, et la troisième pour l'entretien de sa maison; il ménageoit encore sur cette troisième part pour grossir celle des pauvres. Les jours de jeûne d'église, il ne vivoit que de pain et d'eau; il faisoit la même chose en avent, ainsi que les mercredis, les vendredis et les samedis de toute l'année.

Quelques villes se révoltèrent contre lui, et se choisirent de nouveaux magistrats sans sa participation, ce qui étoit attaquer un droit dont ses prédécesseurs avoient toujours joui. Le comte de Saint-Pol, son frère, n'en eut pas plutôt été averti, qu'il s'avança avec des troupes pour faire rentrer les rebelles dans le devoir. Le saint évêque fut extrêmement mortifié de cet accident, et avec son patrimoine, il dédommagea même les rebelles des pertes qu'ils avoient essuyées. Une telle charité lui gagna tous les cœurs.

Ceux qui connoissoient le mieux son intérieur, ont assuré qu'il n'avoit jamais commis aucun péché mortel; ce qui ne l'empêchoit cependant pas de s'approcher tous les jours du sacrement de pénitence, tant il avoit une haute idée de cette pureté d'ame avec laquelle on doit paroître devant

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