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DISCOURS

SUR LE MÊME,

AU NOM DU COMITÉ D'INSTRUCTION PUBLIQUE.

Séance du 9 février 1793.

CITOYENS,

LORSQUE, ces derniers jours, je provoquais votre bienfaisance envers un étranger, un littérateur illustre, un octogénaire, j'étais loin de penser que ma voix se faisait entendre trop tard, et qu'à l'instant même où je parlais Goldoni n'était déja plus. Si, depuis quinze jours que j'assiégeais la tribune, j'avais obtenu plus tôt la parole, dont je crois n'avoir point abusé dans cette Assemblée, Goldoni, grâce à votre justice et à votre sensibilité, serait mort avec la consolation de n'être pas oublié par la Nation française, qu'il avait adoptée pour mère, et qu'il aimait avec tendresse. Sa veuve reste encore: elle est âgée de soixante-seize ans; il ne lui laisse pour héritage qu'un nom célèbre,

1. Voyez le Discours précédent. (Note de l'Éditeur.)

des vertus et la pauvreté. Je viens vous engager à détourner sur elle une faible partie des bienfaits dont vous avez voulu combler ce vertueux écrivain. Vous offrir les occasions de faire du bien, c'est vous ménager un délassement de vos grands travaux, une consolation dans vos peines, dans vos sollicitudes patriotiques; et la Convention nationale s'honore elle-même, en rendant hommage à la mémoire d'un vieillard respectable, et en le poursuivant, pour ainsi dire, par des bienfaits jusque dans la tombe où il vient de descendre.

A la suite de ce discours, Chénier propose le projet de Décret suivant, que la Convention nationale adopte et décrète de cette manière :

ARTICLE PREMIER.

La veuve Goldoni jouira, sa vie durant, d'une pension de douze cents livres. Cette pension lui sera payée par la Trésorerie nationale.

II.

Ce qui restait dû à Goldoni pour son traitement annuel de quatre mille livres, depuis le mois de juillet dernier, sera payé sur le champ par la Trésorerie nationale à la réquisition de sa veuve.

RAPPORT,

AU NOM DU COMITÉ D'INSTRUCTION PUBLIQUE,

SUR LABRETÊche,

LIEUTENANT DE LA GENDARMERIE NATIONALE.

Séance du mardi 5 mars 1793.

CITOYENS,

IL semblait difficile que, parmi les vainqueurs de Jemmapes, au milieu de cette foule d'hommes intrépides qui ont scellé de leur sang la Liberté de la France et la conquête de la Belgique, on pût trouver un citoyen placé dans une telle position qu'il ait dû naturellement fixer les regards de la Convention nationale, et se faire distinguer de tant de héros: il en existe un cependant; et Labretêche est cet homme-là. Lieutenant depuis quatorze ans dans l'armée française, il combattait pour la République à cette mémorable bataille de Jemmapes. Il sauve, au péril de sa vie, un homme, un citoyen français, un général 1; entouré bientôt d'ennemis nombreux et acharnés, après avoir im

1. Le général Beurnonville. (Note de l'Éditeur.)

molé douze d'entre eux, après avoir reçu quarante-un coups de sabre, il échappe à une mort presque certaine, et rentre au camp des vainqueurs. Vous l'avez vu parmi vous, Citoyens 1; vous avez été attendris; et l'enthousiasme patriotique dont il a pénétré vos âmes a versé un baume salutaire sur ses blessures. Il se croit abondamment

payé de ce qu'il a fait pour la Patrie; et, sitôt que ses forces seront réparées, son désir unique est d'aller rejoindre ses braves compagnons, et de verser le sang qui lui reste en défendant la République.

Mais, si, dans le fond de son cœur, il est assez grand pour se sentir récompensé par le témoignage de sa conscience, il n'est pas encore récompensé pour vous et pour la majesté du Peuple que vous représentez: il faut qu'un témoignage imposant de la reconnaissance publique serve d'exemple et d'encouragement éternel. Sans doute, on saura placer Labretêche au poste d'honneur; mais vos comités ont pensé que son avancement regardait le Ministre de la guerre, seul responsable du choix des généraux et des officiers, et qui, sans doute, ne craindra point sa responsabilité dans une occasion si belle.

1. C'est le général Beurnonville lui-même, alors ministre de la guerre, qui le présenta à la Convention le 27 février 1793. (Note de l'Éditeur.)

Lorsque les républiques anciennes, à l'époque de leur splendeur, voulaient récompenser de grandes actions, une feuille de chêne payait la dette de la Patrie. Quand ces récompenses furent prodiguées, la Liberté était en péril; elle cessa d'exister quand ces récompenses ne suffisaient plus. Vous mettrez à profit cette grande leçon de l'expérience; vous n'avilirez point le sang d'un patriote jusqu'à le payer avec de l'or: la reconnaissance nationale est le véritable prix des belles actions. Laissons les trésors aux tyrans; la gloire est la monnaie des Républiques. Les généraux, les soldats des rois, connaissent le point d'honneur; les Républicains seuls connaissent la gloire, et sont dignes de l'apprécier. Que Labretêche en jouisse: elle fut sa conquête à Jemmapes; qu'il se présente à la barre de la Convention nationale; qu'il soit solennellement appelé dans cette enceinte, où sont discutés les intérêts du premier Peuple de la terre; qu'il montre à nos yeux ses quarante-une blessures; que la couronne de chêne, prix du civisme et du courage, soit posée par le président de la Convention nationale sur cette tête couverte de cicatrices. Puisqu'il fut tant de fois atteint par le sabre ennemi, que le sabre national soit mis en ses mains. Qu'armé de ce glaive sacré il se plonge encore au milieu des rangs de nos adversaires; que ceux qui sont échappés

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