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Encore quelques jours; et la Constitution républicaine va donner un frein à toutes les passions, un centre à toutes les opinions, une égide à tous les opprimés.

Lyon, relève tes remparts dévastés! Rhône, Durance, n'arrosez plus de sang l'olivier qui croît sur vos rives! Vaillans frères d'armes, reposezvous de vos fatigues sous les lauriers dont vous avez couvert toutes les frontières de la France! Belle et puissante République! jouis enfin de la paix, fruit de quatre années de victoires; et, après avoir étonné l'Europe par l'ascendant des vertus guerrières, sers-lui de modèle par une sage administration! Et toi, Convention nationale! Vous tous, mes amis, mes collègues, fondateurs et solidaires de la République! que cette Constitution soit pour nous l'arche d'alliance où nous viendrons déposer toutes les haines qui nous ont trop divisés durant cette orageuse session!

Il faut que les crimes soient punis; mais quel homme ne serait pas criminel si l'erreur pouvait passer pour un crime? Quel homme, après tous les mouvemens d'une révolution, aurait assez peu réfléchi pour conserver encore l'orgueil de l'infaillibilité? Oui, nous avons tous commis des erreurs; et l'erreur est le lien commun qui unit tous les hommes. Un grand peuple, après de nombreuses crises révolutionnaires, doit élever un

temple à l'Oubli; et nul ne peut se dispenser d'y sacrifier devant l'autel du Repentir et devant l'autel du Pardon. Pénétrons-nous bien de cette vérité; et ne poursuivons plus que le crime.

Je vous prends tous à témoin, Représentans! Oui, rassemblés ou isolés, dans quelque lieu que chacun de nous respire, fût-ce hors du territoire français, dans le bonheur ou dans l'infortune, n'importe : tous nos vœux, tous nos efforts, tous nos travaux, toutes nos facultés, tendront à empêcher en France le retour de la Royauté, le retour de l'anarchie populaire, et à faire prospérer glorieusement cette Constitution républicaine que nous avons présentée au Peuple Français, et que le Peuple Français vient d'accepter.

Un jour, quand les années auront mûri la République, les membres de cette Convention calomniée, attaquée, assassinée par toutes les factions, resteront debout comme ces chênes épars dans une forêt dépeuplée où l'on a porté l'incendie; un jour, l'équitable Postérité viendra sur ces bancs où nous avons vu des hommes forts; elle viendra encore écouter les conseils de leur sagesse et de leur éloquence. Les Français et les étrangers contempleront avec respect cette enceinte auguste, pleine alors de grands souvenirs; et ils diront: «< Ici siégeait la Convention nationale. Aucune assemblée, dans aucun siècle, n'a

porté plus loin l'enthousiasme de la Liberté. Elle a commis de grandes fautes; mais elle a eu de grandes destinées. Elle fut opprimée par des tyrans oppresseurs du Peuple; mais elle se releva de sa chûte: elle les vainquit, et délivra le Peuple avec elle. Elle essuya de longs malheurs; mais elle sut les mettre à profit. Elle soutint la guerre contre une partie de l'Europe; mais, par la victoire, elle conquit une paix glorieuse et utile. Elle fut long-tems agitée par des révolutions successives; mais elle fit une sage constitution; mais elle fonda, mais elle maintint, mais elle sauva la République.

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Les applaudissemens unanimes qui ont fréquemment interrompu ce rapport se renouvellent et se prolongent. Le rapporteur propose le projet de décret suivant :

La Convention nationale, après avoir entendu ses Comités de Salut public et de Sûreté générale, décrète :

ARTICLE PREMIER.

Les maires et procureurs de communes qui n'ont pas dénoncé les auteurs et complices des assassinats commis dans plusieurs parties de la République par les compagnies de Jésus, les compagnies du Soleil et autres associations royalistes, sont destitués.

II.

Les juges de paix et accusateurs publics qui

n'ont pas poursuivi devant les tribunaux les auteurs et complices de ces massacres, sont pareillement destitués.

III.

Les maires et procureurs de communes, juges de paix et accusateurs publics qui se rendraient à l'avenir coupables d'une pareille négligence, seront punis de deux années de détention.

IV.

Les Représentans du Peuple en mission dans les départemens, et le Comité de Législation pour les départemens où il n'y a pas de Députés en mission, sont chargés de destituer sans délai les autorités constituées qui sont dans le cas déterminé par les deux premiers articles. Ils sont chargés pareillement de faire traduire sur-le-champ devant les tribunaux les auteurs et complices des assassinats mentionnés dans le présent décret, pour être jugés conformément au code pénal.

y

V.

Le présent décret sera envoyé par des courriers extraordinaires aux Représentans en mission.

Le projet de loi est adopté avec quelques amendemens.

OEuvres anciennes. V.

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DISCOURS

POUR L'ABOLITION DE LA PEINE DE MORT,

ET L'AMNISTIE EN FAVEUR DE TOUS LES DÉLITS ANTÉrieurs AU 13 VENDÉMIAIRE, EXCEPTÉ L'ÉMIGRATION.

Séance du 4 brumaire an IV (24 octobre 1795, vieux style).

CITOYENS,

pas

Le projet de décret que vous discutez veut être considéré dans son ensemble: toutes les parties en sont liées. Ce n'est point ici le lieu d'examiner si jamais la peine de mort a pu être nécessaire, mais d'examiner d'abord si, dans votre situation, il n'est pas juste, il n'est instant d'en prononcer l'abolition. Je pense, moi, que rien n'est plus nécessaire; car, si l'on s'en était avisé plus tôt pendant la Révolution, nous aurions moins de talens à regretter; et l'on aurait épargné bien des peines. (Applaudissemens.) La Constitution étant établie, étant en pleine activité, vous devez ouvrir un vaste champ au repentir.

On murmure à gauche.

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