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Projet de Résolution.

Le Conseil des Cinq-Cents, après avoir entendu le rapport d'une Commission spéciale;

Considérant que la République française est fondée sur les immortelles journées du 14 juillet et du 10 août;

Considérant en conséquence que les Représen tans du Peuple français doivent s'empresser de consacrer ces glorieuses époques de la manière la plus solennelle;

Déclare qu'il y a urgence.

Le Conseil, après avoir déclaré l'urgence, prend la résolution suivante :

ARTICLE PREMIER.

La fête du 14 juillet (vieux style) sera célébrée chaque année, le 26 messidor, dans toutes les communes de la République.

II.

La fête du to août (vieux style) sera célébrée chaque année le 23 thermidor, dans toutes les communes de la République.

III.

L'article précédent sera exécuté cette année.

IV.

La présente Résolution sera imprimée, et portée au Conseil des Anciens par un messager d'État.

L'urgence est déclarée, le projet adopté, et l'impression du Rapport décrétée à l'unanimité.

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SUR LA CÉLÉBRATION

DE LA FONDATION DE LA RÉPUBLIQUE.

Séance du 28 thermidor an IV (15 août 1796, vieux style).

CITOYENS-REPRÉSENTANS,

ELLE vient d'être célébrée cette époque mémorable où le Peuple conquit la République1; il est d'une égale importance de fêter avec solennité cette journée non moins illustre où la Convention nationale, obéissant au souverain, traduisit en loi la volonté du Peuple. Le législateur constituant a témoigné, pour cette époque régénératrice, une considération tellement spéciale que, par une disposition de la loi du 3 brumaire sur l'Instruction publique, il a imposé aux législateurs le devoir de décréter chaque année, longtems d'avance, l'ordre et le mode suivant lesquels doit être célébrée la fête de la République dans la commune où réside le Corps législatif. Je viens,

1. Le 14 juillet 1790.

2. Le 21 septembre 1792.
(Notes de l'Éditeur.)

au nom d'une Commission que vous avez nommée, vous présenter quelques réflexions sur cet objet, et remplir avec vous le vœu de la Lọi. Peut-être serait-il à désirer que la disposition dont il s'agit fût commune à toutes les fêtes commémoratives de la Révolution; mais, si la Convention, terminant son orageuse session, n'a pu qu'ébaucher à la hâte la législation relative aux institutions nationales, on lui doit au moins cet éloge, qu'alors même, au dernier jour de son existence politique, elle s'occupait encore sans relâche des moyens de consolider cette République qu'elle avait fondée dans sa première séance.

Il faut l'avouer: on a déja commencé à perfectionner en France l'exécution des fêtes nationales; mais le plus grand obstacle que l'on trouve à l'entier développement des moyens en ce genre, c'est le manque absolu des monumens publics destinés aux jeux et aux cérémonies populaires. Sous la tyrannie oligarchique, on dépensait beaucoup pour faire peu; on prodiguait les grands mots et les petites choses. Il en a plus coûté à la Nation en chiffons, en plâtre et en charpente, qu'il ne lui en aurait coûté pour élever des édifices somptueux et utiles. Tout était provisoire en ce tems; et l'on semblait regarder la République elle-même comme provisoire. Il était pourtant à la mode de citer les Romains; les Romains, qui, non contens de

faire de Rome un centre de gloire, ont imprimé partout des traces colossales, et peuplé la terre de monumens grands comme eux! Des motifs que vous sentez parfaitement, et qu'il est inutile d'expliquer, nous ordonnent d'ajourner ce luxe national et ces vastes entreprises jusqu'à l'époque de la paix et de la restauration des finances: époque que rendront prochaine la sagesse des législateurs, l'activité du Gouvernement, et le courage des armées. En attendant, nous devons rendre justice au Directoire exécutif, dont les soins ont imprimé aux dernières fêtes un caractère majestueux. Il s'empressera sans doute de donner encore plus de solennité à cette première olympiade de la République française; et cette journée excitera profondément sans doute cet enthousiasme national qui, dans la Grèce surtout, terre natale des Arts et de la Liberté, inspira de si grandes actions, et produisit de si grands hommes; cet enthousiasme national, qui fait la force des gouvernemens et la véritable puissance des lois; car les lois républicaines ne sont respectées que quand la République est chérie.

Eh! dans quel tems fut-il jamais plus nécessaire d'exciter, de rallumer l'amour de la République qu'en ce moment où les débris de deux factions opposées se disputent encore avec acharnement l'empire et l'impunité; qu'en ce moment où la

haine répond à la haine; où le crime est repoussé par le crime; où l'opinion publique, flottante et comme voilée d'un nuage de sang, ne sait sur quelle base s'asseoir au milieu des passions qui l'agitent sans cesse, en usurpant son nom respectable? Que dis-je! Quel est aujourd'hui dans le sénat, dans les camps, dans la République; quel est l'ami connu de la Liberté dont le nom ne soit pas périodiquement outragé? Il y a quelques jours, vous le savez tous, on répandait, on criait dans Paris une nouvelle, et quelle nouvelle! la grande trahison du général de l'armée d'Italie; et, dans le même instant, le général de l'armée d'Italie, réfutant la calomnie par la victoire, ajoutait deux succès décisifs à sa campagne déja si glorieuse.

Quelquefois, sans doute, les écrivains de la Royauté louent des Républicains; mais c'est une nouvelle perfidie. Pourquoi, en effet, ce partage singulier d'éloge et de blâme, de dénigrement et de flagornerie entre des hommes qui ont également servi la Liberté? Pourquoi opposer avec tant d'affectation Pichegru à Jourdan, Hoche à Buonaparte, Carnot à Barras? Ce n'est pas qu'ils aiment les uns plus que les autres ; c'est qu'ils se souviennent de la maxime des tyrans: c'est qu'ils veulent diviser pour régner. Et pensez-vous de bonne foi qu'ils regardent comme des hommes

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