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dont les hautes destinées commencent, et dont l'époque est arrivée!

Oui, Citoyens-Représentans, si l'adulation servile a donné à quelques siècles dignes de mémoire le nom d'un roi, d'un souverain pontife ou d'un conquérant, le siècle qui commence sera celui d'un Peuple: il sera le siècle des Français. La raison publique a marqué tous les écueils; et la Royauté, l'Aristocratie, l'Oligarchie, ne parviendront pas à renverser la République. L'orgueil national se roidirait contre l'orgueil individuel; et les Français ne sentent plus le besoin de se créer des idoles. Une longue, récente et cruelle expérience nous préservera de l'anarchie; pour le fanatisme, il n'a plus que des apôtres: il cherche en vain des prosélytes. Nous n'avons pas même à craindre le gouvernement militaire dans un pays où l'honorable fonction de défendre la Patrie est un droit et un devoir pour tous les citoyens. Mais, dût une vérité bien simple effrayer quelques écrivains pusillanimes qui, ne se plaçant pas au niveau de leur siècle, composent toujours avec des préjugés vieillis, et n'osent proclamer ce qui est évident, je le déclare: par la force nécessaire et progressive des choses, il s'opère en ce moment une révolution sensible dans l'organisation des sociétés; et, par cette même force nécessaire, toute amélioration du sort des peuples, tout per

fectionnement du gouvernement civil se fera par l'exemple et sous les auspices de la Grande-Na

tion.

Je vous propose le projet de Résolution sui

vant :

« L'armée de la République Française en Suisse «< a bien mérité de la Patrie. »>

Ce projet est adopté; et le Conseil ordonne à six exemplaires l'impression du discours de Chénier.

DISCOURS

SUR

LES EXPLOITS DES RÉPUBLICAINS A OSTENDE.

Séance du 6 prairial an VI (25 mai 1798, vieux style).

Un secrétaire donne lecture du message suivant adressé au Conseil par le Directoire exécutif, relativement aux événemens d'Ostende.

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L'Angleterre vient de hasarder un nouvel effort qui n'a « tourné qu'à sa honte.

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« Le 30 floréal (an VI) au matin, une flotte anglaise se « montre devant Ostende, et bombarde la ville avec fureur. Protégés par le feu de la flotte, quatre mille hommes en<< viron mettent pied à terre, s'emparent des dunes, y élèvent « des batteries, et tentent bientôt après de faire sauter les << portes d'Ostende. Cependant l'ennemi somme la place de « se rendre dans une demi-heure. La garnison n'était que « de trois cents hommes. - Vous n'aurez le poste dont la << défense m'est confiée, répond le brave commandant Mus« card, que quand ma garnison et moi nous serons ensevelis a sous ses ruines. Des républicains ne savent pas néan<< moins se borner à la défensive. Le 1er prairial, à la pointe « du jour, trois cents hommes, guidés par Keller, comman<< dant de la place de Bruges, marchent à la colonne anglaise, l'attaquent avec une intrépidité prodigieuse, forcent tous << les retranchemens qu'on leur oppose; et, après deux heures ⚫ de combat, l'Anglais, entièrement culbuté, met bas les armes. Quinze à dix-huit cents prisonniers ont été enlevés et conduits

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« à Bruges; une grande partie des embarcations est tombée «<en notre pouvoir; et le reste des ennemis s'est embarqué • avec précipitation, après nous avoir abandonné son artillerie, « et avoir encore perdu beaucoup d'hommes, qui se sont noyés ⚫ en fuyant.

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« Mais vous n'apprendrez pas sans indignation, CitoyensReprésentans, que l'ennemi a trouvé dans Ostende des traîtres disposés à le seconder dans ses projets. Des cris de Vive le « roi Georges! Bravo les Anglais! se sont fait entendre; la co«< carde nationale a été insultée; et les armes des volontaires, occupés à servir les batteries faute de canonniers, ont été « brisées par des mains perfides.

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<< n'est

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« Ces attentats ne resteront pas impunis: le Directoire s'oc« cupe d'en faire rechercher les auteurs. Quant à vous, Citoyens-Représentans, vous pèserez dans votre sagesse s'il pas convenable de déclarer par une loi que les traîtres << qui, à l'approche de l'ennemi, pendant une attaque ou à sa « suite, se montreraient, soit par des cris, soit par des actes quelconques, les complices des ennemis de la République, seront jugés par une commission militaire. Le Directoire « vous invite à prendre ce message dans la plus prompte con« sidération. » — La lecture de ce message terminée, Chénier prend la parole, et dit ::

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CITOYENS-REPRÉSENTANS,

MALGRÉ l'habitude que le Corps législatif a contractée depuis long-tems d'apprendre chaque jour des victoires remportées par nos soldats républicains, c'est avec une admiration renaissante que vous entendez le récit d'un nouveau triomphe; mais nul ne pouvait vous causer plus de joie que celui qui vient de vous être annoncé. Oui, sans doute, ils ont bien mérité de la Patrie

ceux qui ont vaincu les implacables ennemis du nom français, les satellites de ce gouvernement usurpateur dont vous avez promis le châtiment aux nations impatientes de la tyrannie. Eh! quel représentant du Peuple, quel Républicain pourrait oublier les maux que les intrigues de l'Angleterre ont faits à la République française? Au dehors, le gouvernement anglais armait contre nous la coalition des rois; il soudoyait la révolte et la calomnie dans l'intérieur. Que dis-je? au moment où il agitait dans les départemens de l'Ouest les torches du Fanatisme, et promenait l'étendard de la Royauté, dans Paris même, et ceci n'est point une exagération oratoire, mais un fait démontré, dans Paris même, au sein de la Convention nationale déchirée, ce gouvernement perfide aiguisait le glaive anarchique; il entourait de ses délateurs la tyrannie inquiète et soupçonneuse, et moissonnait chaque jour des Républicains intrépides, des orateurs énergiques, des philosophes précieux à l'humanité. Quand le 9 thermidor vint renverser cette tyrannie usée par sa puissance et ses crimes, c'est encore le gouvernement anglais qui, durant deux réactions trop fameuses, excitant la haine, la vengeance, et des passions plus viles encore, achetant toutes les plumes vénales, dénonçait, proscrivait sans cesse, comme partisans de la terreur, ce reste

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