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tous les conspirateurs bannis du territoire français. Cinq années s'écoulent à peine: le stathoudérat est renversé; la théocratie romaine abattue, l'oligarchie helvétique anéantie. A la place des tyrans et des adversaires, nous voyons des Républiques et des amis. Sur un élément qui trahit quelquefois le plus sublime courage, la Fortune a pu quitter un moment les défenseurs de la Patrie : la Gloire les a suivis partout. Les mers ont enseveli la dépouille de quelques-uns de nos braves, mais non leur immortel souvenir. L'Angleterre, épouvantée de son triomphe, attend avec un morne effroi l'inévitable coup qui doit la frapper au cœur, et venger enfin les deux Mondes. Malheur aux rois inconsidérés que son opulence corruptrice entraînera dans une guerre nouvelle ! Le premier coup de canon tiré par eux contre la République française fera écrouler dans leurs États le colosse du gouvernement héréditaire. L'invincible ascendant de la Liberté les isolera dans leurs palais et même sous leurs étendards. Leurs propres soldats, indignés et confus d'avoir perdu tant de bravoure en défendant les priviléges d'un seul, sauront enfin l'employer pour conquérir les droits de tous. Les rois peuvent être ennemis des peuples; mais les nations sont d'éternelles alliées; et, quand la force, éclairée par la raison publique, tient la balance des destinées, les nations pèsent plus que les rois.

Que les gouvernemens qui oseraient encore tenter les chances de la guerre n'espèrent plus nous affaiblir en nous divisant : une longue et sanglante expérience nous a désabusés de ces dénominations homicides qui créent et perpétuent les factions. Vainement se flatteraient-ils d'opposer l'une à l'autre la puissance qui fait les lois et la puissance qui les exécute: elles marcheront unies, serrées ensemble. L'esprit qui les anime également, c'est un vif, un sincère, un constant désir de la paix, mais d'une paix utile et glorieuse pour la France et pour ses alliés; c'est en même tems l'inébranlable résolution de repousser par la force toute insulte faite à la dignité de la République. Pères de famille! bénissez vos enfans appelés par la mère commune. Que vos éloges les enflamment l'estime des vieillards plaît au courage; et leur renommée luira bientôt sur vos cheveux blancs. Mères! Épouses! ne retenez point leurs pas généreux; commandez-leur l'héroïsme; précipitez-les vers la gloire; qu'ils s'empressent de recueillir leur part légitime dans cet héritage de tous les Français. Et vous, nouveaux défenseurs de la Patrie! courez: vos frères vous attendent. Vous trouverez au sein des armées l'exemple des héros vivans et le souvenir des héros morts pour la cause républicaine. Hoche et Marceau, sur les rives du Rhin; Laharpe et Stengel, aux

bords de l'Éridan, reposent environnés de leurs exploits. Vous verserez sur leurs tombeaux des pleurs religieux et reconnaissans; si l'heure des combats vient à sonner, vous y jurerez la victoire.

Suite du Décret.

II.

L'Adresse du Corps législatif au Peuple français sera proclamée dans les chefs-lieux de canton, à la tête des armées, et affichée dans toutes les communes de la République.

III.

La présente Résolution sera imprimée; elle sera portée au Conseil des Anciens par un messager d'État.

Cette adresse est votée à l'unanimité, et l'impression en est décrétée.

DISCOURS

PRONONCÉ AU CHAMP-DE-MARS DANS LA CÉRÉMONIE FUNÈBRE CÉLÉBRÉE

EN L'HONNEUR DE BONNIER ET DE ROBERJOT,

MINISTRES PLÉNIPOTENTIAIRES FRANÇAIS

ASSASSINÉS A RASTADT'

(20 prairial an VII (8 juin 1799, vieux style.)

CITOYENS,

CEs lieux

que

de grands souvenirs ont rendus célèbres furent souvent témoins de nos solennités triomphales. Ils virent s'accumuler les nombreux

1. La multiplicité et surtout la dissidence des opinions nous ont empêché de consigner ici quelques-uns des documens historiques relatifs à l'affaire de Rastadt; mais le discours de Chénier, où la plupart de ces faits se trouvent rapportés, suppléera à notre silence. Cependant, s'il est quelques lecteurs curieux d'approfondir cette mystérieuse histoire, nous les renvoyons au Moniteur du temps. Les renseignemens principaux à y consulter sont: la lettre de Jean Debry, l'un des trois plénipotentiaires envoyés à Rastadt, au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures, et le message transmis quelques jours après par le même au Directoire exécutif. Voyez les numéros des 18 et 25 floréal an VII. (N. de l'Édit.)

trophées de la Victoire; ses emblêmes frappaient tous les yeux; ses hymnes guerriers se faisaient entendre; ils se mêlaient aux chants naïfs de la joie publique; et, bientôt, répétés au-delà même de nos frontières, ils intimidaient jusque dans leurs camps les potentats ligués contre nous. Aujourd'hui quel aspect lugubre1! Les images de la mort nous environnent; les chants funéraires sont interrompus par un cri puissant de vengeance; tous les fronts portent l'empreinte d'une douleur courageuse et républicaine; le génie de la grande Nation, les yeux fixés vers le ciel et l'avenir, s'enveloppe de son deuil majestueux; les magistrats suprêmes, à qui l'exécution des lois est confiée; les administrateurs et les juges; le corps célèbre chargé de veiller sur le dépôt des lumières fondatrices et conservatrices de la Liberté; enfin, de tous les points de cette immense commune, les citoyens, accourus en foule, baignent de pleurs ces vains cyprès, ces urnes vides et stériles, tandis qu'exilés sur une rive étrangère les débris. généreux des ministres de la paix y déposent devant l'Europe contre un gouvernement assassin. Bonnier! Roberjot! Victimes illustrées par la

1. Voyez, dans le Moniteur du 15 prairial an VII, tous les détails de cette cérémonie funèbre décrétée par le Corps législatif, le 21 floréal de la mème année. (Note de l'Éditeur.)

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