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une portion de l'ancienne servitude, je saurai dédaigner la majorité esclave, et partager avec joie le sort de la minorité libre et vaincue1.

1. L'étendue de cet écrit dit assez ce qui en a tant retardé l'impression *. (Note de Chénier.)

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Voyez la Note placée au bas de la première page de cet écrit. (Note de

l'ÉDIT.)

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PÉTITION

A L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

SUR

L'ADMISSION D'ÉTRANGERS

AUX DROITS DE CITOYENS FRANÇAIS.

24 août 1792 (an IV de la liberté).

LÉGISLATEURS,

Au moment où une Convention nationale va élever la Constitution française au niveau de la déclaration des droits, tous ceux qui, dans les

1. La Convention fut convoquée en vertu du décret rendu, le 20 septembre 1792, par l'Assemblée nationale tenant sa dernière séance; et, le lendemain, cette même Assemblée ayant déclaré sa mission remplie, les députés à la nouvelle législature quittèrent la salle du palais des Tuileries, où ils avaient été convoqués, et se transportèrent au Corps législatif. Là, sous la présidence de Pétion, la Convention nationale se constitua définitivement. (Note de l'Éditeur.)

OEuvres anciennes. V.

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diverses contrées du monde, ont mûri la raison humaine, et préparé les voies de la liberté, doivent être regardés comme les alliés du Peuple français. Vous pouvez resserrer cette alliance par les noeuds d'une adoption glorieuse. Quand Rome, souveraine et libre, avait assujetti tous les trônes de l'univers, les rois briguaient l'honneur d'être élevés à la dignité de Citoyens romains. Ce ne sont point des tyrans que nous vous proposons d'adopter au nom du Peuple français, mais des philosophes courageux, qui ont sapé les fondemens de la tyrannie. Décernez aux vertus, aux talens, à l'amour de la Liberté, une illustre et digne récompense; et que les bienfaiteurs de l'humanité soient déclarés Citoyens français.

Parmi ces bienfaiteurs nous distinguons particulièrement ceux dont les écrits lumineux ont servi la liberté américaine ou la liberté française: Payne, l'immortel auteur du Sens-commun et du beau livre des Droits de l'homme; Madisson, qui, dans le Fédéraliste, a développé avec profondeur le systême des confédérations; le docteur Priestley, que ses malheurs ont couvert de gloire autant que ses vertus et son génie; Makintosh, qui a réfuté avec une éloquente dialectique les amplifications de M. Burke contre la Révolution française; Horne-Tooch, partisan déclaré de cette révolution, et qui, malgré toutes les aristocraties

coalisées à Londres pour maintenir dans la Constitution d'Angleterre les vices nombreux qui la déparent, a sollicité dans une pétition célèbre la réforme de la représentation nationale. L'estime de l'Europe vous signale encore Wilberforce, le plus zélé, le plus éloquent défenseur des Noirs; Robertson, sage et profond historien, ardent ami de l'humanité; Naper-Tandi, patriote irlandais, qui a soutenu les droits de l'Irlande avec le courage d'un homme libre, et les talens d'un homme d'État; William-Bolts, auteur de l'Histoire philosophique et politique du Bengale, persécuté par le lord Clive et par la compagnie d'Angleterre, pour avoir chéri l'humanité, pour avoir cru que les malheureux Indiens n'étaient pas destinés par la Nature à gémir éternellement sous le joug du ministère anglais.

A côté de ces excellens citoyens du monde, nés sur le sol fécond des Iles britanniques et de l'Amérique septentrionale, l'Italie vous présente le philosophe Gorani, honoré par la haine, illustré par la persécution de la maison d'Autriche, cette grande ennemie du bonheur des hommes. L'Allemagne, courbée sous le triple joug de la tyrannie monarchique, militaire et féodale, a vu s'élever quelques esprits généreux, qui se sont faits libres au sein de la publique servitude. Campe, littérateur distingué, a défendu la Liberté fran

çaise dans plusieurs écrits énergiques; il a proclamé les droits de l'homme, et propagé dans sa patrie ces principes immortels qui briseront les fers de tous les peuples du monde. De Pauw, fléau de tous les préjugés, en écrivant sur les Grecs, les Chinois et les Américains, a rendu depuis long-tems aux hommes qui savent lire tous les services qu'on peut attendre d'une raison supérieure, aidée d'une imagination féconde, et d'une vaste érudition. Dans la Suisse, le cultivateur Pestalozzi a bravé l'aristocratie, et réclamé dans ses ouvrages les droits méconnus du peuple helvétique. Enfin, sur les bords de la Vistule, quand une nation entière, désarmée, semble se prosterner aux pieds d'une femme ambitieuse et cruelle1 le maréchal de la confédération de Pologne, Malakouski, n'est point complice du découragement général: il offre un grand exemple à ses compatriotes, et reste seul debout sur les ruines de la liberté polonaise.

De tels hommes, Législateurs, ont bien mérité de la France, puisqu'ils ont été les apôtres, les soutiens, les martyrs de la Liberté. Nous vous demandons pour eux les droits de citoyens français. Payez la dette du genre humain : vous serez payés à votre tour par l'approbation publique. Eh!

1. Catherine II, impératrice de Russie. (Note de l'Éditeur.)

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