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droits des peuples? Comment le nom de la nation libératrice ne serait-il plus prononcé qu'avec effroi par ses alliés? Comment, lorsqu'on déclara de nouveau la guerre à l'Autriche, nos places et nos armées se seraient-elles trouvées dépourvues de tous les moyens de défense? Comment la victoire aurait-elle déserté nos drapeaux? Comment deux nations réclameraient-elles en vain les services de Joubert', de Joubert, qui, par un trait de génie militaire et politique, enleva un appui à la coalition naissante, envahit le Piémont, renversa un trône sans verser une goutte de sang? Comment enfin Championnet serait-il traduit devant

1. La France et l'Italie. Cette dernière surtout doit à la mémoire de Joubert d'éternelles actions de grâces pour les services signalés que ce grand capitaine n'a cessé de lui rendre pendant la guerre désastreuse de la France contre l'Autriche. C'est moins, en effet, en conquérant qu'en pacificateur qu'il gouverna l'Italie tant qu'il y conserva le commandement en chef des troupes de la République. A la fin, cependant, révolté des abus effrayans qui tous les jours désolaient son armée, sans qu'il lui fût possible, malgré tous ses efforts, d'en tarir la source occulte, il s'en plaignit au Directoire; et, n'en ayant obtenu aucune satisfaction, il donna sa démission vers la fin de frimaire 1798. Joubert quitta donc la ville de Turin, où il commandait alors, et se retira dans ses foyers pour y rétablir sa santé, affaiblie par tant de travaux, et recouvrer de nouvelles forces pour le service et la gloire de son pays. Voyez ci-après le discours prononcé par Chénier à l'occasion de la mort du général Joubert. (Note de l'Éditeur.)

un tribunal français et républicain1, sans doute pour y faire amende honorable d'avoir détrôné un monarque ennemi de la France, et fondé une nouvelle république?

Tant d'événemens étranges qui nous déconsidèrent aux yeux de l'Europe, je les attribue à des suggestions perfides, à des erreurs soigneusement caressées, aux prétentions naturelles d'une autorité qui n'est plus contenue par la surveillance, à la voix des intérêts particuliers, au silence de l'opinion publique. Je réclame donc la liberté de la presse pour le Peuple français, qui reprendra toute son énergie quand ses droits seront respectés. Je réclame la liberté de la presse pour la dignité du Corps législatif; car il n'y a pas de dignité dans un corps essentiellement populaire qui laisse violer les droits des peuples. Je réclame la liberté de la presse pour la dignité du Directoire exécutif; car il n'y a pas de dignité

1. Conformément à l'arrêté du Directoire exécutif du 7 ventôse an VII, le général Championnet fut traduit devant un conseil de guerre à Milan, par suite de démêlés assez violens avec le commissaire du gouvernement à Naples; mais le Directoire exécutif rapporta cet arrêt le 5 messidor de la même année, et statua que Championnet serait remis en activité de service. Peu de tems après, ce général fut nommé au commandement en chef des armées des Alpes et d'Italie réunies. (Note de l'Éditeur.)

2. Ferdinand IV, roi de Naples. (Note de l'Éditeur.)

dans un pouvoir sans limite. Je réclame la liberté de la presse pour nos braves armées, dont les besoins ne seront pas vainement connus, et qui ressaisiront la victoire. Je réclame la liberté de la presse pour les républiques nos alliées, dont la voix pourra se faire entendre; et, si l'on veut prétendre qu'à l'instant où la mesure prohibitive cessera d'avoir son effet les amis de la Royauté feront aussi entendre leur voix coupable, je répondrai: j'aime mieux leurs clameurs que leurs intrigues secrètes; je préfère une lutte ouverte à de sourdes divisions; et je réclame encore la liberté de la presse, afin qu'en présence des Royalistes les Républicains se rallient.

Je vote pour le rapport de l'article XXXV de la Loi du 19 fructidor an V1.

On demande de toutes parts à aller aux voix. La proposition de Chénier est mise aux voix et adoptée à l'unanimité.

1. Cet article était ainsi conçu : « Les journaux, les autres «< feuilles périodiques et les presses qui les impriment, sont mis, • pendant un an, sous l'inspection de la police, qui pourra << les prohiber aux termes de l'article 355 de l'acte constitu<«<tionnel. » (Note de l'Éditeur.)

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DISCOURS

SUR LA MORT DU GÉNÉRAL JOUBERT.

Séance du 9 fructidor an VII (26 août 1799, vieux style).

Un secrétaire donne lecture d'un message du Directoire, annonçant la mort du général Joubert'. La lecture terminée, Chénier monte à la tribune.

CITOYENS-REPRÉSENTANS,

Vous venez d'entendre le message du Directoire exécutif. Une perte immense fait couler vos

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1. « Le 28, dès la pointe du jour, a commencé la bataille de Novi. L'ennemi a attaqué en force et avec impétuosité a notre gauche. L'affaire s'engageait à peine, lorsque le général Joubert s'est précipité pour animer de sa présence une charge à la baïonnette. Il guidait nos soldats, à cheval au milieu des officiers de son état-major, en criant: En avant! en avant! lorsqu'une balle l'a frappé au flanc droit, et a pénétré « jusqu'au cœur. Il est tombé faisant signe de la main, et criant << encore : Marchez toujours! Il a survécu à peine un instant,

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« On a continué à se battre jusqu'au soir; à six heures du matin, il avait cessé de vivre. »

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Extrait du message lu au Conseil des Cinq-Cents, et transmis au Directoire exécutif par le général Suchet, chef de l'étatmajor général. (Note de l'Éditeur.)

larmes ni cette perte, ni ces larmes, ne seront stériles. Le brave Joubert est mort comme Joubert devait mourir; sa mort est digne de sa vie : toutes deux enfanteront des héros. Mais que direz-vous d'une armée qui, ayant perdu son général, reste inébranlable au milieu de sa douleur, et parvient à rentrer dans ses positions après avoir repoussé quatre fois l'ennemi? Ah! sans doute, de tels prodiges n'appartiennent qu'à des soldats français. Il reste encore à cette armée, et son indomptable valeur et son civisme héroïque, et quelques généraux habiles. Il lui reste encore Moreau, Moreau si distingué par ses talens militaires et par sa modestie républicaine! Moreau, dont la belle destinée semble être de ne jamais désespérer de la victoire, et de rallier toujours les armées françaises1! Je laisse à ceux de mes collègues dont la méditation spéciale a pour objet l'organisation de nos moyens de défense le soin de vous en présenter de nouveaux; mais je ré

1. Dans une lettre datée de Turin du 19 frimaire an VII, et adressée au Directoire, Joubert s'exprimait ainsi sur le compte de Moreau. «... Je laisse par interim le commandement « de l'armée au général Moreau. Je vous déclare sur ma con« science que c'est le général de l'armée qui commandera le « mieux. Considérez que sa réputation militaire est faite, et qu'il a déja une plus grande garantie à vous offrir.» (Note de l'Éditeur.)

«

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