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tif cette mise hors de la loi, mesure commode et merveilleuse, indiquée par de belliqueux journalistes, le Directoire serait-il forcé d'obtempérer à sa proscription, sans avoir même le droit d'examiner si elle est un peu constitutionnelle?

Poussons plus loin l'hypothèse. Dans le cas où, d'après les instructions données aux agens de Louis XVIII, de l'aveu de Duverne de Presle', on viendrait à entamer la question de concentrer le Pouvoir exécutif; dans le cas où, se pénétrant des grandes pensées de Vauvilliers contre le systême représentatif, on détruirait, sur sa parole, cette prétendue organisation qu'on nomme la Constitution de 95, le Directoire n'aurait-il en effet que le droit d'obéir, et de proclamer respectueusement l'abolition du gouvernement républicain? Certes, il est fâcheux d'avoir à combattre des propositions qui mènent à de pareils résultats; et l'on doit rendre grâce au Directoire, qui, par l'organe de son président, s'est prononcé avec un courage énergique contre les prétentions de l'ignorance ambitieuse et du royalisme en délire.

L'enthousiasme de La Réveillière, en parlant des armées, ne mérite pas moins d'éloges: il est senti;

1. Voyez dans le Moniteur du 23 fructidor 1797 les déclarations de Duverne-Dupresle, autrement nommé Dunant. (Note de l'Éditeur.)

il part du cœur. Et qui ne s'attendrirait pas au récit de leurs exploits, au souvenir de leurs veilles, de leurs travaux et de leurs victoires! Qui pourrait ne pas tressaillir au nom seul de cette triomphante armée d'Italie, qui a épuisé toutes les louanges, réalisé toutes les espérances, et conquis tous les genres de gloire! Les ennemis même de la République, je dis ses ennemis extérieurs, ne parlent qu'avec admiration des braves guerriers qui les ont vaincus. Et c'est au moment où la paix s'avance au-devant de nos drapeaux qu'un imprudent orateur, à qui d'officieux journalistes ont donné si naïvement le sobriquet de la Barre de Fer, vient proposer la double absurdité de soumettre les vainqueurs des rois à un tribunal civil et à un tribunal vraiment révolutionnaire, par cela seul qu'il est unique, pour fait de conspiration militaire1! C'est en ce moment que l'on suppose des circonstances où il serait nécessaire de vingtécimer l'armée! Et, après sept années de révolution, la tribune devait être profanée par ces féroces inepties! Et des avocats subalternes, prenant la dureté pour la force, et la surabondance des mots pour la surabondance des idées, devaient

1. Voyez, dans le Moniteur du 8 fructidor 1797, le rapport de Thibaudeau, député au Conseil des Cinq-cents, au sujet de cette accusation. (Note de l'Éditeur.)

insulter aux libérateurs de la Hollande, aux libérateurs de l'Italie, aux pacificateurs de l'Europe! On leur reproche des délibérations qu'ils n'ont pas prises; on leur conteste le droit de manifester leur vœu pour la Patrie, qu'ils ont défendue; pour la Liberté, qu'ils ont maintenue ; pour la République, qui, sans leurs généreux efforts, aurait peut-être déja succombé dans l'intérieur sous le triple fanatisme des privilèges, de la superstition religieuse et de la superstition royale!

La réponse du président du Directoire au citoyen Visconti, ministre de la République Cisalpine, n'est pas moins remarquable que celle au général Bernadotte : elle prouve une ferme résolution de ne jamais vendre, de ne jamais abandonner à ses anciens tyrans la belle et long-tems malheureuse Italie, cette terre classique des Arts et de la Liberté.

Ainsi donc, vainement les orateurs et les journalistes d'une faction démasquée auront semé de continuelles alarmes parmi les républicains d'Italie; vainement un déclamateur vide et verbeux aura-t-il fait éclater à la tribune du Conseil des Cinq-cents des regrets impies sur la chute de l'aristocratie vénitienne; et cela, lorsque le sang de quatre cents Français, massacrés dans Vérone, accusait ce gouvernement exécrable. Vainement un autre déclamateur aura-t-il, à la même tribune,

revendiqué, pour la législature française, un veto sacrilège sur la liberté italique : étrange absurdité qui n'a pas même le mérite d'être neuve, puisqu'elle se trouve, quant au fond, dans tous les manifestes publiés, depuis le commencement de la guerre, par les puissances liguées contre le nouveau systême de gouvernement adopté en France!

Insensible à ces puériles extravagances, le Directoire sentira ce qu'exigent de lui, relativement aux affaires d'Italie, et notre dignité nationale, et nos intérêts politiques ou commerciaux, et le maintien de notre liberté même. L'armée d'Italie, qui a su vaincre, saura utiliser ses victoires. L'homme de génie qui commande si dignement cette armée de héros ne reculera point devant sa destinée. Sourd aux clameurs contemporaines, il se placera, dans le passé, parmi ces guerriers libérateurs dont les exploits bienfaisans ont illustré la Grèce antique ; il se placera dans l'avenir, qui est juste parce qu'il n'est point jaloux; et, plein d'une forte conscience de gloire, il confiera le nom de Buonaparte à la Postérité qui l'attend.

ESPRIT PUBLIC.

SUR LES DANGERS DE LA PATRIE.

28 fructidor an V. (14 septembre 1797.)

PLUSIEURS époques mémorables prouvent assez que les Républicains savent vaincre dans l'intérieur comme aux armées; malheureusement, il n'est pas autant démontré qu'ils sachent user de la victoire. Les projets des royalistes ont été déconcertés de nouveau dans la journée du 18 fructidor. La République se trouve actuellement placée entre deux écueils: l'anarchie révolutionnaire, et, en sens contraire, la crainte exagérée d'un prétendu systême anarchique. L'urgence des circonstances commande aux amis de la liberté de présenter sans délai sur cet important objet le tribut de leurs réflexions. Notre situation, florissante aujourd'hui, deviendrait promptement critique, si des souvenirs douloureux, des passions aigries, des haines personnelles, des frayeurs inconsidérées, nous empêchaient de mettre à profit pour l'avenir les leçons sanglantes que le passé nous a données tant de fois.

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