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déja préparés, anéantir l'espoir des intrigans, éviter une longue guerre civile, et ne plus mettre en discussion cette grande question de la République, décidée tant de fois depuis cinq années par la Justice et par la Victoire.

ESPRIT PUBLIC.

D'UNE LOI POUR EXCLURE LES CI-DEVANT NOBLES DES FONCTIONS PUBLIQUES.

15 vendémiaire an VI. (6 octobre 1797.)

QUAND un peuple, entraîné par l'enthousiasme de la Liberté, a fondé une république nouvelle, après avoir renversé une monarchie de quatorze siècles, a-t-il besoin de lois qui garantissent ce nouvel établissement contre les efforts de ceux qui ont intérêt à le renverser?

Telle est la première question à poser. On sent qu'il serait pour le moins inutile de la discuter, puisque la négative serait absurde.

Quel est le principe essentiel de notre Constitution, de nos lois, de nos institutions? l'égalité.

Quel a été le but et le résultat de cette longue et pénible révolution? la destruction des privilèges.

Quels sont les hommes qui ont évidemment intérêt à renverser ces lois, ces institutions, cette Constitution de l'an III, qui ne reconnaît que des égaux parmi les Français? ceux qui dominaient au tems du gouvernement héréditaire, ceux qui jouissaient des privilèges.

Il s'ensuit de ces questions fort simples que le Peuple français a besoin de lois de garantie contre l'influence des classes ci-devant privilégiées.

Maintenant, y a-t-il garantie dans une république comme la nôtre, lorsque les ci-devant privilégiés (je parle ici en général) remplissent des fonctions publiques? Non: il n'y a point garantie dans un état de choses où des hommes se trouvent continuellement pressés entre leurs passions et leur probité, entre des habitudes puissantes et le devoir que leur impose la Loi.

Si cette proposition est évidente, par une conséquence immédiate et nécessaire, il est évident que, sauf les sauf les exceptions réclamées par la justice, les ci-devant nobles doivent être exclus en France des fonctions publiques. C'est la plus indispensable des lois de garantie que doit rendre le Corps législatif, à l'époque où il n'est plus tyrannisé par les amis des privilèges.

Mais, disent quelques journalistes, et même quelques Représentans du Peuple, cette loi est contraire à la Constitution. Pour répondre à cette

assertion singulière, je me permettrai une hypothèse, qui, au fond, ne fait au fond, ne fait supposer que de la franchise aux ennemis de la Liberté.

des

Il est vrai, pourront-ils vous dire : nous conspirons contre la République et les Républicains; nous intriguons dans les assemblées primaires, et nous influons sur la formation des corps électoraux; mais la Constitution nous garantit ce droit. Nous espérons bien la renverser, mais par moyens constitutionnels. Nous peuplerons de royalistes, et même de royalistes émigrés, les administrations centrales, les tribunaux, le Corps législatif, comme nous avons déja fait, mais toujours constitutionnellement, et grâce à ces corps électoraux formés de nous et de nos créatures. Vous pouvez nous accuser, mais constitutionnellement; et les juges sont nos amis : c'est nous qui les avons nommés. Ils déclareront que nous ne conspirons pas; ils l'ont bien déclaré après le 13 vendémiaire. Ils savent, ainsi que nous, qu'il n'existe d'autre conspiration que celle du Gouvernement et des Républicains contre la Royauté. Munis, par nos intrigues, de tous les emplois, de toute l'influence, nous vous proscrirons au nom de la Constitution; et vous ne pourrez pas nous en empêcher. Nous maudirons tout haut la République; nous bénirons, nous appellerons à grands cris Louis XVIII; mais la liberté des opi

OEuvres anciennes. V.

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nions nous est assurée par l'acte constitutionnel; et nos chers tribunaux constitutionnels nous maintiennent le droit de renverser votre infernale République, en criant à tue-tête: Vive la Constitution de l'an III!

Si, pour mettre enfin d'accord leurs discours et leurs actions, les Royalistes parlaient ainsi, vous leur répondriez sans doute: votre doctrine est aussi ridicule qu'elle est insolente. Il est permis d'ergoter ainsi sur les bancs d'une école hibernoise; et ces raisonnemens peuvent être admis parmi les habitans d'un Présidial, non parmi les hommes qui ne prennent pas les mots pour les idées, et le fatras pour la logique. La première condition d'un contrat social, c'est de laisser à ces mêmes pouvoirs gouvernants tous les moyens de vaincre les ennemis du Contrat social. Une constitution qui serait conçue dans un autre esprit serait à la fois une calamité publique et le chefd'œuvre de la démence. Vous calomniez donc, et vous calomniez sottement la Constitution de l'an III, en osant dire qu'elle a lié les mains à tous les pouvoirs qui la soutiennent, et qu'elle vous est, pour ainsi dire, livrée par elle-même. C'est une véritable dérision de prétendre qu'elle puisse jamais autoriser, ou même tolérer ce qui tend à l'anéantir. Au contraire, tout ce qui tend à la défendre contre les passions ennemies de la

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