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XIII.

Après avoir posé de cette manière les bases d'une solide Constitution, il faut passer à la liberté individuelle. Elle renferme trois choses d'une

extrême importance: la sûreté des personnes, la sûreté des propriétés, la liberté de penser et de publier ses pensées. Quant à la sûreté des peril faut établir qu'aucun citoyen ne pourra être constitué prisonnier, sans être traduit, sous vingt-quatre heures, devant ses juges naturels.

sonnes,

XIV.

On doit demander l'établissement des Jurés, suivant la forme usitée en Angleterre, non parce qu'elle est usitée en Angleterre, mais parce qu'elle est conforme à la justice et à l'humanité.

XV.

Cet ordre judiciaire doit être établi par toute la France. Après le jugement des Jurés sur les faits dont il sera question dans un procès, les corps de Magistrats-Jurisconsultes seront chargés d'appliquer la loi; et l'appel ne pourra avoir lieu devant aucun tribunal.

XVI.

Il est fort essentiel de demander l'abolition des Justices seigneuriales, comme vexatoires et contraires aux intérêts du Peuple.

XVII.

On doit desirer que la peine de mort soit anéan

tie; mais, si la chose n'est pas possible, on doit exiger que la peine de mort soit réservée au seul homicide.

XVIII.

Si la peine de mort ne peut être anéantie, on doit au moins abolir cette grande variété de tourmens, qui est aussi cruelle qu'inutile. La Société politique peut avoir intérêt à faire mourir un coupable; mais elle n'a point d'intérêt à le faire souffrir. La recherche dans les supplices n'est

d'une nation civilisée.

XIX.

pas digne

On doit exiger des peines égales et de même nature pour tous les Citoyens, soit ceux qu'on appelle Nobles, soit ceux qu'on nomme Roturiers. Une distinction sur cet objet est d'une absurdité révoltante.

XX.

Quant à la sûreté des propriétés, les États-Généraux auront seuls le pouvoir d'ordonner l'impôt ou l'emprunt, puisque c'est un acte de la puissance législative.

XXI.

L'impôt ordonné ne pourra subsister que pendant l'intervalle d'une assemblée de la Nation à une nouvelle assemblée de la Nation.

XXII.

L'impôt sera réparti dans une proportion égale pour tous les Citoyens.

XXIII.

L'impôt territorial doit être adopté comme le plus juste de tous les impôts, pourvu qu'il soit prélevé en nature.

XXIV.

Si l'impôt territorial ne suffit point, il est hors de doute que les autres impôts doivent porter uniquement sur les objets de luxe.

XXV.

On doit demander la suppression de la Capitation, de la Taille, et généralement de tous les impôts qui ne portent point sur les propriétés et sur les objets de luxe.

XXVI.

On doit demander que les barrières pour la perception des droits soient reculées aux frontières du Royaume.

XXVII.

Comme les Loteries du Gouvernement ne sont

que des impôts déguisés, et d'autant plus dangereux qu'ils tendent un piège à la cupidité des Citoyens, il paraît juste et convenable de les abolir.

XXVIII.

Il est très-essentiel d'établir qu'il soit fait chaque année un cadastre général du Royaume, dont les différentes parties, composées dans chaque commune ou paroisse, portées ensuite aux

Assemblées d'États provinciaux, seront rendues publiques, et serviront de base à l'Impôt territorial.

XXIX.

Il n'est pas moins essentiel d'ordonner que les Impôts soient perçus par les États provinciaux, et leur produit versé directement au trésor public par les États provinciaux.

XXX.

Quant à la liberté de penser, la première idée qui se présente, c'est la tolérance des Religions. Il est juste de statuer que la profession secrète ou publique d'un culte religieux quelconque ne pourra être une raison d'exclusion aux emplois civils et militaires, et diminuer en quoi que ce soit les droits et prérogatives d'un Citoyen. La société politique n'a pas le droit de forcer la conscience de ses membres, et de les punir, quand ils n'attaquent point la sûreté personnelle, la propriété ou l'honneur des autres Citoyens. Or, il est évident que priver un Citoyen d'une partie de ses droits, c'est le punir; et, d'un autre côté, il est évident que les opinions religieuses et le culte particulier d'un Citoyen n'attaquent point la sûreté personnelle, la propriété ou l'honneur des autres Citoyens.

XXXI.

Il est très-important de statuer sur toutes les

manières de publier ses pensées. Il en est quatre: la Presse, le Théâtre, la Chaire, et les Tribunaux. Que la diffamation soit sévèrement punie, quelque moyen qu'elle emploie. Les États- Généraux ne sauraient trop réfléchir à empêcher ou à punir les abus, en accordant sur ces quatre articles la plus grande liberté possible. D'ailleurs, sur cela comme sur tout le reste, il est bien tems que l'arbitraire finisse; il est bien tems qu'on obéisse uniquement à des lois écrites, à des lois établies par le véritable législateur. L'abolition de l'autorité des Censeurs et de toute autre personne sur ces matières est assurément juste et nécessaire. Aussi est-elle universellement désirée.

XXXII.

Il doit être permis aux prêtres de se marier. L'ecclésiastique le plus rigoriste ne peut même être choqué de cette permission: car permettre n'est pas forcer.

XXXIII.

Il doit être permis de rompre les vœux monastiques, et défendu désormais de recevoir des novices dans aucun monastère de l'un et de l'autre sexe. La Société politique ne doit point tolérer des institutions dont l'esprit est de rendre des hommes inutiles à la société. La Nation peut hériter des biens monastiques à mesure que les monastères s'éteindront; mais s'approprier, avant

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