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poignard du meurtrier et celui du calomniateur; enfin, de rester à notre poste, quelque dangereux qu'il puisse être, jusqu'au moment où nous pourrons dire: La Patrie est sauvée. Michel Lepelletier entendra nos sermens du fond de sa tombe; et, quels que soient les honneurs dont vous avez payé ses services, l'union de tous les bons citoyens sera la plus belle récompense et de sa vie et de sa mort.

A la suite de ce Rapport, Chénier propose un décret, que l'Assemblée adopte unanimement en ces termes :

ARTICLE PREMIER.

Mercredi, 23 janvier, l'an second de la République, à une heure après midi seront célébrées, aux frais de la Nation, les funérailles de Michel Lepelletier, député par le département de l'Yonne à la Convention nationale1.

II.

La Convention nationale assistera tout entière aux funérailles de Michel Lepelletier. Le Conseil exécutif, les Corps administratifs et judiciaires, y assisteront pareillement.

1. Cette cérémonie funèbre eut lieu effectivement le lendemain 24 janvier. Malgré la rigueur du temps et de la saison, la foule qui s'y porta fut immense. (Note de l'Éditeur.)

III.

Le Conseil exécutif et le Département de Paris se concerteront avec le Comité d'Instruction publique, relativement aux détails de la cérémonie funèbre.

IV.

Les dernières paroles prononcées par Michel Lepelletier seront gravées sur sa tombe, ainsi qu'il suit: Je suis satisfait de verser mon sang pour la Patrie; j'espère qu'il servira à consolider la Liberté et l'Égalité, et à faire reconnaître ses

ennemis.

La Convention ordonne l'impression de ce rapport, l'envoi aux quatre-vingt-quatre départemens et aux armées, ainsi que l'insertion au Bulletin.

RAPPORT,

AU NOM DU COMITÉ D'INSTRUCTION PUBLIQUE,

SUR GOLDONI, AUTEUR DRAMATIQUE,

Séance du jeudi 7 février 1793.

CITOYENS,

C'EST par orgueil que les rois encourageaient les lettres; les nations libres doivent les soutenir par un esprit de reconnaissance, de justice et de saine politique. Je ne viens point donner à cette vérité des développemens inutiles pour des Français, et surtout pour des législateurs; mais, d'après une pétition renvoyée à votre comité d'Instruction publique, je viens en son nom intéresser la gloire nationale au sort d'un vieillard étranger, d'un littérateur illustre, qui, depuis trente années, a regardé la France comme sa patrie, et dont les talens et la vertu ont mérité l'estime de l'Europe.

Goldoni, cet auteur sage et modeste, que Voltaire a nommé le Molière de l'Italie, fut appelé à Paris, en 1762, par l'ancien gouvernement. Il

jouissait, depuis 1768, d'un traitement annuel de quatre mille livres. Ce traitement, qui faisait toute sa fortune, lui était payé, dans ces derniers tems, sur les fonds de la liste civile. Il n'a rien touché depuis le mois de juillet dernier; et, maintenant, un de vos décrets vient de réduire à l'indigence ce vieillard octogénaire, qui, par d'excellens écrits, a bien mérité de la France et de l'Italie. A l'âge de quatre-vingt six ans, n'ayant plus d'autre ressource que le bon cœur d'un neveu, qui partage avec lui le faible produit d'un travail assidu, il descend dans la tombe entre les infirmités et la misère, mais en bénissant le Ciel de mourir Citoyen français et Républicain.

Vous partagerez, Citoyens, l'émotion qu'a éprouvée votre Comité d'Instruction publique. Si vous êtes forcés quelquefois d'exercer un ministère de rigueur au nom de la Nation française, vous sentez le besoin de vous montrer aussi les représentans de sa générosité. Vous tendrez une main secourable à ce qu'il y a de plus sacré sur la terre : la vertu, le génie, la vieillesse et l'infortune. Vous n'invoquerez point l'ajournement; car on n'ajourne pas la Nature; et, dans quelques jours peut-être, votre bienfait viendrait trop tard. Vous ne regarderez pas comme un instant perdu celui qui doit être marqué par un acte de bienfaisance et de justice; et votre seul regret

será, sans doute, de ne pouvoir ralentir la course du tems, et prolonger vos bienfaits. Je vous propose, en conséquence, le projet de décret sui

vant :

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité d'Instruction publique, décrète ce qui suit :

ARTICLE PREMIER.

Le traitement annuel de quatre mille livres, accordé à Goldoni en 1768, lui sera payé à l'avenir par la Trésorerie nationale.

II.

Ce qui lui est dû sur ce traitement depuis le mois de juillet dernier lui sera payé sur le champ à sa réquisition.

La Convention adopte ce projet, et ordonne l'insertion du Rapport dans le Bulletin.

OEuvres anciennes. V.

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