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quelques mots de l'instrument auquel nous devrons cet heureux résultat la voie ferrée de Djibouti à Entotto.

LE CHEMIN DE FER EN CONSTRUCTION. - Il est difficile de parler en France de chemins de fer coloniaux sans rappeler les déboires de nos lignes du Soudan ou de la Réunion. En constatant ces médiocres résultats, nous pensons avec tristesse aux lignes immenses créées en si peu de temps par les Anglais aux Indes, en Australie, en Birmanie, au Cap. Les applaudissements mêmes que nous donnons aux Russes pour leurs admirables lignes du Transsibérien et du Transcaspien, ne vont pas sans quelques regrets sur notre impuissance à les imiter. Il semble que la compagnie impériale des Chemins éthiopiens ait suivi plutôt les procédés anglais et russes que les errements français, car à peine est-elle connue du public, qu'elle annonce l'ouverture de la première section de son tracé pour les premiers mois de 1899. C'est là une activité peu commune. La ligne concédée comprend trois tronçons principaux : 1o Tronçon Djibouti au Harrar, 300 kilomètres;

20 Tronçon du Harrar à Entotto (Addis-Ababa), 500 kilomètres; 3o Tronçon Entotto à Kaffa et au Nil Blanc (Entotto à Kaffa, 300 kilomètres).

Ce dernier tronçon est seulement à l'état de projet. Les études du tracé Harrar-Entotto vont être commencées. Quant à la ligne Djibouti -Harrar, elle est en construction sur toute son étendue. C'est donc de cette dernière qu'il est surtout intéressant de parler.

La tête de ligne est bien connue. La ville de Djibouti, située au fond de la baie du même nom dans notre colonie d'Obock, a été souvent décrite. Nos officiers, revenant de Madagascar, nous ont parlé de cette petite ville trop ensoleillée, toute neuve et paraissant sortir de terre, avec ses rues bien alignées et à laquelle ses monuments publics donnent déjà fort bon air. Il est regrettable que le manque de communications avec l'intérieur ait empèché jusqu'ici l'accès des matériaux de construction pierre, bois, chaux et briques 1), et que les ingénieurs aient dù souvent se contenter de la tôle ondulée comme au Transwaal. L'ouverture de la première section du chemin de fer permettra done de modifier favorablement l'architecture à Djibouti. Enfin, l'hygiène publique et privée va faire un grand pas,

Le pays de Djibouti peut bien fournir un peu de pierre, de chaux et mène quelques briques. Mais le bois de construction y est inconnu; il doit être entièrement importé dans la colonie.

la Compagnie devant, avant toute chose, assurer l'alimentation de la ville en eau potable.

Le port en eau profonde, dont l'aménagement a fait l'objet d'une importante concession de jetée-débarcadère, sera accessible aux navires du plus fort tonnage.

La gare du chemin de fer, installée en gare maritime, est située sur la langue de terre qui sépare le golfe d'Aden du golfe de Tadjourah, à la suite des docks et appontements des Messageries maritimes. Le terminus de la section, Harrar, est une grande ville de 50.000 habitants comportant un noyau serré qui rappelle les villes arabes, avec une immense banlieue. Les environs en sont très fertiles, et, comme nous le disions dans un précédent article 1, le rayon agricole et commercial de la ville s'étend sur d'immenses territoires. En raison de l'altitude (1600 mètres), le pays est très salubre et tout porte à croire que le commerce européen s'y déveleppera dans de grandes proportions.

La ligne du chemin de fer doit donc, entre Djibouti et Harrar, s'élever de la mer à la hauteur moyenne des plateaux abyssins. On pouvait craindre que l'absence de longue vallée, se dirigeant du Harrar à la mer, rendit le tracé difficile; il n'en a rien été, et le nombre des ouvrages d'art prévus, ainsi que la longueur des déblais ou remblais, sont peu considérables.

A la sortie de Djibouti, le tracé traverse, sur quelques kilomètres, les bas-fonds qui s'étendent entre le golfe de Tadjourah et l'estuaire de la rivière d'Ambouti qui se jette dans la baie de Djibouti, puis se dirige vers cette rivière qu'il atteint et sur les bords de laquelle il se développe en épousant autant que possible les grandes inflexions de la vallée. Vers le douzième kilomètre il s'en écarte et remonte, par des rampes successives, jusqu'aux bords de la rivière Chebelé au lit profond et encaissé qui constitue le principal obstacle de la section Djibouti-Harrar.

La régularité de l'avancement de la voie dépendait, en effet, de la rapidité avec laquelle serait franchi le Chebelé. Il semble que la solution adoptée ait été heureuse, car le viaduc sera terminé pour la fin de l'été. Les ingénieurs ont réduit la maçonnerie au strict nécessaire; les piles et le tablier ont été construits en France, puis démontés et transportés au Chebelé où leur montage s'effectuera facilement. Le tablier, de 160 mètres de long, dominera de 30 mètres le fond de la vallée.

1 Tome IV, page 12.

Après le passage de cet obstacle, le terrain redevient facile pendant 15 kilomètres. La ligne franchit sans ouvrage d'art la vallée du Gourono, puis, sur un pont métallique semblable à celui du Chebelé, la vallée de la rivière Halleté.

Enfin, après s'être développé dans des conditions très faciles au pied des monts Haraka et Henedi, le tracé franchit sur un troisième viaduc un ravin de 150 mètres de large et situé à 50 kilomètres de Djibouti.

Ce troisième obstacle franchi, la ligne aborde le plateau abyssin et ne rencontre plus, jusqu'à Harrar, aucune difficulté sérieuse; la voie pourra se poser comme en Transcaucasie, c'est-à-dire par avancement successif à raison de 1 ou 2 kilomètres par jour.

Tel est, à vol d'oiseau, le parcours de la ligne Djibouti-Harrar. Nous avons tenu à le décrire avec quelques détails, car l'impossibilité, aujourd'hui reconnue, d'aborder aux plateaux abyssins par la colonie Érythrée, pouvait faire craindre à certains esprits méfiants de pareilles difficultés si l'on abordait l'Éthiopie par le sud-est.

Nous ne pourrions, sans sortir du cadre de cette étude, examiner l'avenir commercial de cette entreprise française en Abyssinie. Mais nos lecteurs n'ont qu'à se reporter à ce que nous avons dit maintes fois sur la richesse et la nombreuse population des territoires traversés.

Il est hors de doute que les transactions entre Harrar et la côte, qui s'élèvent aujourd'hui à 30 millions, se décupleront en emprun

tant la voie ferrée.

Enfin, au point de vue de la pénétration de l'intérieur africain qui nous occupe spécialement, la construction d'une voie ferrée qui réunit la mer au bassin du Haut Nil, à l'Ouganda anglais, au Congo français et au Congo belge, a la plus haute portée internationale.

Cette situation ne doit, toutefois, porter ombrage à personne, car la France, toujours libérale, entend ouvrir largement cette voie au commerce de toutes les nations, sans réclamer aucun avantage exclusif à son profit.

L'Etat indépendant du Congo belge va inaugurer en juillet prochain son chemin de fer de Matadi à Léopoldville qui desservira le bassin entier du Congo y compris notre colonie congolaise; c'est en majeure partie avec des capitaux français que le Major Thys est arrivé à construire ce chemin de fer belge et la raison en est simple: il a voulu fortement, il a eu de la persévérance dans ses vues tandis que dans notre administration coloniale tout au moins sur la

question des voies de pénétration au Congo - il n'y a eu qu'incohérence et contradiction.

Du côté de l'Abyssinie la partie se présente belle pour nous; nous saurons certainement en profiter. Voici du reste ce que disait en parlant de ce pays M. Mondon, conseiller d'État, pour l'instruction publique auprès de l'empereur Ménélik :

Que deviendra cet empire? Il ne peut fermer ses frontières à l'envahissement pacifique de l'industrie et du commerce. Lorsqu'on est entré dans cette voie, il faut aller jusqu'au bout. Déjà l'invasion commence. Ménélik reçoit d'Europe un formidable courrier. Les miséreux, les ambitieux, les aventuriers tournent vers lui des mains suppliantes. On sollicite des concessions de terrains, l'autorisation d'établir des comptoirs sur ses États, d'y fonder des colonies. Quelques pionniers plus hardis débarquent à Djibouti et s'acheminent vers la capitale. On les oblige de s'arrêter à Harrar. Cette ville sera dans dix ans un entrepôt colossal. Elle va grandir comme les cités américaines; le railway, qui la reliera prochainement à la côte, fera affluer les marchandises. Et l'empereur, méditant dans son palais d'Addis-Ababa, contemple ce spectacle, et il en est à la fois ravi et préoccupé.

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Nous ne citons que pour mémoire les forces militaires que le Damark entretient aux Antilles. Elles se composent de deux compagnies à l'effectif moyen de 100 hommes chacune.

Le recrutement se fait au Danemark par engagements de 6 ans et rengagements successifs de 3 ans avec primes. Les natifs des Antilles peuvent servir dans ces compagnies, mais la plupart des sousofficiers viennent de la métropole. Les officiers sont tous Danois et se recrutent parmi les lieutenants en second de l'armée métropolitaine.

Leur traitement s'élève de 4.400 fr. pour les lieutenants, à 9.000 fr. pour les capitaines. Des suppléments leur sont encore accordés selon le nombre d'années qu'ils ont séjourné dans la colonie. Quant aux sous-officiers et soldats, ils touchent de 0 fr. 75 à 3 fr. 50 par jour.

L'ensemble forme une petite troupe très homogène et qui rend de bons services.

IV. ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO

-

L'État indépendant du Congo était à peine constitué qu'il dut obéir à la loi générale et procéder à l'organisation de son armée. Au début, les quelques compagnies de Zanzibarites amenées de l'Afrique orientale suffisaient à assurer l'ordre; mais le domaine de l'État s'agrandissant tous les jours, il fallut chercher des moyens de faire face aux difficultés de la situation.

Des essais d'organisation de troupes locales ayant été couronnés de succès, le principe fut généralisé.

Le décret du 17 novembre 1888 organisa la force publique de l'Etat indépendant du Congo qui devait comprendre :

1° Une force publique régulière de 8 compagnies actives, recrutées par engagements et rengagements;

2o Une milice indigène comprenant les compagnies levées par les inspecteurs d'État dans le district qu'ils administraient;

3o Une troupe auxiliaire, comprenant la levée générale de toutes les forces mobilisables en cas de soulèvement du pays.

Le décret de 1888 fut complété et étendu par le décret du 30 juillet 1891, qui a fixé les règles qui devaient régir la nouvelle armée. La force publique de l'État indépendant du Congo comprend : 1o Des troupes régulières;

2o Des milices locales;

3o Des troupes auxiliaires;

4o Le corps auxiliaire du chemin de fer.

Le rapport au roi-souverain paru dans le Bulletin officiel du mois de janvier de l'État indépendant s'est longuement étendu sur l'organisation de la force publique.

Le recrutement se fait par voie d'engagements volontaires et par levées annuelles faites dans les limites du contingent fixé par le roi roi-souverain. Le gouverneur général détermine les districts et les localités où s'opère la levée ainsi que la proportion à fournir par chaque localité. La durée du service actif est de cinq ans ; à l'expiration de ce terme, les hommes font partie pendant deux ans de la ré

serve.

Chaque homme touche une solde journalière de 0 fr. 21 et il est entretenu et équipé aux frais de l'État.

Chaque compagnie comprend plusieurs pelotons d'infanterie et une section d'artillerie, composée de petites pièces à tir rapide.

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