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& de la retraite. Il feint trois cens gentilshommes Bretons, las du joug & des perfécutions des François, fe font réfugiés dans l'Ile d'Oueffant, d'où ils doivent paffer chez les Anglois & leur offrir leurs fervices. Les Ouefantois, peuple ignoré, vertueux & pauvre, les ont accueillis, avec bonté, après les avoir fauvés des Pirates qui infeftent les ifles voisines. Ils viennent de conftruire des barques pour les tranfporter en Albion. Le jeune de Rieux, le plus illuftre de ces nobles fugitifs, ne peut penfer fans douleur à l'inftant qui va le féparer de ces fages infulaires. Il eft atraché par l'amitié la plus vive au jeune Alaric, le plus recommandable des Oueffantois de fon âge, par fa valeur & par fes vertus. Rieux veut en vain l'engager à le fuivre; il lui fait les adieux les plus tendres & les plus touchans. A peine a-t-il achevé de l'embraffer qu'un bruit fe répand que les brigands des ifles adjacentes font defcendus à l'autre extrêmité de celle d'Oueffant, qu'ils l'ont ravagée, qu'ils ont enlevé des enfans & des troupeaux & qu'Eleinde fœur d'Alaric a fauvé,

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par fon courage ceux de fon frère, Soudain Rieux change de réfolution. Il fait ferment de mourir ou de venger fes bienfaiteurs. Il anime Alaric & tous les jeunes Oueffantois; ils vont attaquer les Pirates. Eleinde frémit en apprenant le départ de fon frère ; on l'arrache des bras de fa fœur. Une horrible tempête foulève la mer; les barques des Oueffantois vont fe brifer contre les rochers de l'Ifle des Saints, où les Pirates vouloient juftement les attirer. Tout eft abîmé fous les eaux. Alaric & Rieux, qu'on croyoit engloutis, font fauvés, & fe retrouvent contre toute efpérance dans une affreufe caverne, où il fe paffe des chofes épouvantables; on y entend les cris, on y voir ruiffeler le fang des malheureux Oueffantois qui font tombés après leur naufrage entre les mains de leurs ennemis. Alaric & Rieux, tranfportés de fureur, s'élancént fur une partie de ces barbares, en mascrent les uns, & mettent les autres en fuire. Dans le même temps les compagnons de Rieux, excités par l'impatience de le revoir , par un bruit confus de fa défaite & par l'ardeur de le

fecourir, débarquent à l'Ile de Saints. La tendre fœur d'Alaric, Eleinde eft avec eux; les brigands furpris s'épouvantent, fe preffent, s'entrechoquent & tombent fous les coups de ces vaillans Bretons. Eleinde retrouve un frère chéri qu'elle croyoit mort. Enfin, Monfieur, pour abréger, Rieux & fes com pagnons, après avoir vengé leurs hôtes, fe difpofent à partir pour l'Angleterre. Alors éclatent la douleur & le défefpoir des Oueffantois. Il vont refter à la merci des brigands. Rieux touché de leur fituation & de leurs larmes, adreffe à fes braves compagnons un difcours plein de chaleur & de pathé tique, dont l'effet eft de leur faire abandonner le deffein d'aller s'éta blir en Angleterre. Il eft décidé qu'ils referont dans l'Ile d'Oueffant, qu'ils s'uniront aux filles de ces refpectables infulaires, qu'ils apprendront à culti ver la terre, à s'exercer à la pêche à vivre dans l'égalité, dans la continence & dans l'égalité.

Il s'en faut bien, Monfieur, que ce fecond morceau foit auffi piquant que

le premier; vous voyez, d'après l'ana lyfe que je viens de vous en tracer, que c'eft peu de chofe. Il y regne un romanefque commun qui n'eft racheté par aucun détail agréable. Au refte, fi M. de Sauvigny nous donnoit comme une pure fiction tout ce qu'il dit de l'ifle d'Oueffant & de l'Ile des Saints, peutêtre lui pardonneroit-on fes erreurs au fujet de ces deux ifles. Encore je ne fçais s'il eft permis au Poëte & au Romancier de dénaturer à ce point des lieux & des peuples actuellement existans. Quoi qu'il en foit, il paroît que M. de Sauvigny n'a confulté que des Mémoi

res fautifs ou des bruits fans fondement, pour compofer ce petit ouvrage & l'Introduction férieufe qui le précède. Vous me fçaurez peut être gré, Monfieur. de vous donner à cet égard des éclairciffemens sûrs, qu'en qualité de Breton je fuis en état de vous fournir. L'Ile d'Oueffant, dit l'auteur, peu dif tante de la ville de Breft, eft à la pointe occidentale de la Bretagne; les petites ifles qui l'environnent font confondues fous le même nom. Cela n'eft pas tourà-fait jufte; voici l'exacte vérité. L'Isle

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d'Ouefant ek située à trois lieues de la pointe occidentale de la Bretagne, & à huit de la ville de Breft. Elle a au Sud plufieurs petites ifles qui s'étendent jufqu'à la pointe de Saint Mathieu, mais qui ne l'environnent pas, puifqu'il n'y en a ni au Nord, ni à l'Eft ni à l'Ouest. Chacune de ces petites ifles a fon nom particulier; une feule eft habitée; c'eft celle de Molène, dans laquelle il y a douze ou quinze maisons tout au plus. L'Ile d'Oueffant a trois lieues de circuit fur une demie de diamètre, & contient environ quinze cens habitans, dont deux cens font en état de portér les armes. Les courans qu'occafionnent les marées autour de cette ifle en rendent la navigation difficile; fes côtes font fort efcarpées, & elle s'éleve au milieu de la mer comme une haute montagne; mais fa furface eft une grande plaine affez bien cultivée qui produit du feigle à-peu près pour nournir la moitié de l'ifle. Il y a des moulins à vent, des fontaines d'eau douce beaucoup de pâturages, & il n'y a prefque pas une famille qui n'ait une vache & plufieurs bêtes à laine; elles font,

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