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Réfléxions fur le Projet de M. de Parcieux de l'Académie des Sciences, de faire venir à Paris la rivière d'Y

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vette par le P. Félicien de Saint Norbert Carme Déchauffe. in-8°.

Cet ouvrage avoit été mis à l'impreffion avant la mort de M. de Parcieux. Le Père Félicien de Saint Norbert eft oppofé au Projet de cet Académicien; il s'attache à prouver que l'Yvette ne donnera point, comme il le dit, douze cens pouces ou cent pieds d'eau, & même jufqu'à deux mille pouces. Cette rivière eft fort petite; elle eft formée par l'écoulement des eaux de plufieurs fources à quelques milles de diftance de Chevreufe, & fon cours, continué depuis Dampierre jufqu'à Lon jumeau, fe termine entre Epinai & Villemoiffon, où l'Orge la reçoit, & avec laquelle elle va tomber dans la Seine entre Athis & Ablon; fa largeur eft à peine de fept à huit pieds fur une médiocre profondeur; le goût de

fon eau eft marécageux: telle eft l'Y

verte.

L'auteur examine enfuite les moyens propofés pour la conduire à Paris. Elle fera refferrée, dit M. de Parcieux,dans un canal de fept à huit pieds de large fur deux ou trois de profondeur. Ce canal fera continué jufqu'au village d'Arcueil, où on lui fubftituera un aqueduc de la même largeur à-peu-près. L'un & l'autre feront-ils fuffifans pour contenir en tout temps les eaux de l'Yvette? Elle eft fufceptible d'accroiffement & de diminution. Dans le temps des pluies abondantes, lors de la fonte des neiges, la rivière groffira jufqu'au débordement que deviendra le plat païs des environs ? Les vannes qu'on pratiquera de diftance en diftance pour faciliter la décharge de ces eaux furabondantes, n'empêchera pas que les terreins ne foient inondes; combien de marres d'eau croupies & de manvaife odeur fe formeront le long du canal & même bien avant dans les terres! Les dépôts que les rivières d'Orge & de Bièvre laiffent en fe retirant après leur crue, ne donnent-ils pas lieu d'en craindre de femblables?

Ces obfervations ne font pas les plus importantes. L'auteur fuit M. de Parcieux. L'eau du canal fera à découvert dans toute fa longueur jufqu'à Arcueil. Comme elle coule lentement depuis Palaifeau jufqu'à la Seine, fa marche fera de même uniforme & modérée par un chemin uni. Cette lenteur entraînera des inconvéniens. Dans quel état de dépérissement l'eau ne fera-t-elle pas pendant l'hyver? La glace fe formera plus facilement fur la farface du canal; elle acquerra beaucoup d'épaiffeur & réduira le volume d'eau qui arrivera à Paris. Le déchet fera égal pendant l'Eté. M. de Parcieux dit lui-mêine que cette rivière fait aller plufieurs moulins; mais lorfque trois mois fe font écoulés fans pluie, les eaux étant devenues trèsbaffes, ces moulins s'arrêtent pendant -neuf à dix heures par jour; on ramale l'eau à mesure qu'elle coule jufqu'à ce qu'elle ait un volume fuffifant. Cet inconvénient fera le même pour Paris; l'eau aura plus de chemin à faire & le fera plus lentement & en beaucoup plus de temps. Les étangs que M. de Parcieux veut qu'on conftruife le long du

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canal feront fujets à d'autres inconvé niens; il faut en lire le détail dans leMémoire du Père Félicien de Saint Norbert. » La mauvaise qualité de tant » d'eaux ramaffées, & que l'Yvette ne pourra probablement éviter de con»tracter, ne rendra pas fon eau moins préjudiciable en Eté. Je dis mau»vaife qualité & je ne le dis point » au hafard, mais fondé fur des faits conftans qui fe trouvent par-tout, & qu'on peut citer par milliers, rien n'é» tant plus commun que de voir des étangs formés & entretenus par de » très belles fources, & qui n'offrent cependant qu'une liqueur déteftable » à ceux qui la goûtent. Les étangs de Trape & les baffins de jardins publics& » particuliers en font des exemples. La raifon d'une fi commune dépravation eft palpable. L'impreffion de l'air,corrompu par la continuelle éruption des vapeurs qui regnent dans toute » l'étendue de leur athmosphère, l'ac» tion d'un brûlant foleil, la féconda» tion des reptiles & des infectes, l'ef"pèce de bave qu'ils ne ceffent de ré-pandre, le fperme dont la furface des

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eaux ftagnantes eft ordinairement » couverte en Eté, les feuilles qui tom bent & pourriffent dans les étangs, les » excrémens des quadrupèdes qui paif fent dans les champs, qui fe defsè » chent, fe pulvérifent avec le temps, » que les vents enlèvent & y portent à "tout moment ne ceffant de corrom»pre la bonté de leurs eaux, les étangs » de M. de Parcieux feront-ils plus »exempts de cette corruption, & ne »doit-on pas craindre que leur mêlange » avec l'eau de l'Yvette ne rende celle»ci auffi peu potable & auffi mal fai»ne? Pour éviter ce danger, M. de Parcieux propofe un encaiffement de gravier où les eaux feront contraintes de paffer pour fe filtrer : nouvel embarras, nouvelle dépenfe.

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Le nouvel aqueduc côtoyera l'ancien depuis Arcueil jusqu'à Paris. Il traverfera le jardin des Religieufes de Port Royal & fera continué jufqu'à la rue de la Bourbe, à l'entrée de laquelle l'Yvette fera reçue, dans un ample baffin, pour paffer delà dans des tuyaux de plomb ou de fer fort dur, faits, diton, pour être éternels, & d'un dia

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