Madrigal de Ferrand. Etre l'Amour aujourd'hui je defire, Non pour regner fur la Terre & les Cieux, Mais pour regner Madrigal de M. de Voltaire à Madame Etre Phabus aujourd'hui je defire, Non pour regner Mais feulement pour voir & pour entendre La belle Iffé, qui pour lui fut fi tendre, Et qui le fit le plus heureux des Dieux. Ileft bien évident, comme vous le dires, Monfieur, que l'heureuse idée de ce Madrigal n'appartient pas à M. de Voltaire, & qu'il l'a prife dans Ferrand, fuivant la conftante & louable habitude de s'approprier fans façon tout ce qu'il trouve de beau, d'ingénieux & d'agréable dans les écrits anciens & modernes. Si l'on vouloit examiner en détail toutes les fleurs qui compofent sa couronne littéraire, on en trouveroit bien peu qui fuffent réellement à lui. Quoi qu'il en foit, Ferrand lui-même, Monfieur, et tout auffi bon copifte que M. de Voltaire par rapport au Ma drigal en queftion; il en a dérobé la fée & le tour à l'élégant Marot, qui dès 1524, c'est-à-dire il y a 244 ans, compofa un Dixain charmant pour la belle Diane de Poitiers, dont il étoit amoureux. Vous lirez avec plaifir ce Dixain, qui fe trouve dans le Tome III page 123 des Euvres de Clément Marot pen. édition 1 édition de la Haye chez P. Goffe & J. Neaulme 1731. Eftre Phébus bien fouvent je defire: Non pour connoître herbes divinement;' Car la douleur qui mon cœur veult occire. Ne fe guérit par herbe aucunement: Non pour avoir ma place au Firmament; Car en la terre habite mon plaifir: Non pour fon arc encontre Amour saifir; Car à mon Roy ne veux eftre rebelle: Eftre Phébus feulement j'ay defir, Pour cftre aimé de Diane la belle. Vous voyez, Monfieur, que cette pièce de vers eft le modèle de celle de Ferrand. Ne pourroit-on pas dire que celle de M. de Voltaire lui reffemble encore plus? Car Marot & M. de Voltaire veulent être Phœbus, & Ferrand veut être l'Amour. Pour moi, Monfieur, je ne voudrois être que lecteur de ma Lettre dans une de vos Feuilles. J'ai l'honneur d'être, &c. Je fuis, &c. A Paris ce 7 Octobre 1768. P LETTRE XV. Laurette, Comédie en deux Ades en vers libres. E Mercredi 14 du mois dernier les la première représentation de cette Pièce, tirée du Conte de M. Marmontel qui porte le même nom. Le premier Acte fe paffe au château de Clancé. Le Comte de Lufy aime depuis un an Laurette, païfanne du village de Clancé. Il lui a fait l'aveu de fa paffion dans un bal que la Marquife de Clancé a donné à son village. Le moment de la fcène eft celui d'un nouveau bal. Le Comte efpère dé cider Laurette à le fuivre. Tout est prêt pour partir. Une forte de liaison qui est entre Lufy & la Marquife de Clanci lui a fervi de prétexte pour l'accompa gner à fa terre. C'eft un arrangement, une fantaisie dont il eft las, & dont l'amour qu'il reffent pour Laurette lui fait encore mieux fentir l'infipidité. La Mar quife donne elle-même,fans le vouloir, à fon amant les moyens de la trahir. Elle invite Lufy à faire fa cour à Laurette. Elle le prie avec inftance de jouer l'amour de fon mieux avec cette petite païfanne; fon motif eft de s'amufer des propos que cela fera tenir, & de donner le change au Comte de Durcé qui l'aime, & qu'elle ménage parce qu'elle veut l'époufer. Laurette arrive. Scène avec la Marquife, où l'ingénuité confond les airs & la prétention. Ballet inutile & même ennuyeux. Enfia Lufy fe trouve avec Laurette. Cette jeune fille, âgée de quinze ans, eft d'une fimplicité, d'une ignorance charmantes. Elle éprouve du plaifir à voir & à entendre Lufy & le lui avoue. Elle n'a aucune défiance de fes intentions; mais elle refufe de le fuivre à moins que fon père n'y confente. Elle fort, & promet de venir le retrouver après le bal pour lui dire adieu. Arrive le valet qui prévient fon maître des allées & venues de Bafile père de Laurette, & qui l'avertit qu'il veut lui parler. Lufy craint que ce vieillard n'ait pénétré fon fecret. Ba |