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file lui découvre fa naiflance, son état. Il eft gentilhomme, il a fervi, & fa fille le croit un fimple laboureur. Lufy eft inquiet pendant cette converfation, jufqu'à ce que Bafile lui ait dit le mo tif de fa vifite : c'eft de le remercier d'un préfent considérable qu'il lui a fait tenir dans un temps de calamité. Lufy fe défend avec nobleffe de fa reconnoiffance, & le congédie avec des égards. Monologue de Lufy, où l'on entrevoit que fon ame eft honnête, mais que les vices à la mode ont gâté fon naturel heureux. Cependant il finit,en voyant arriver Laurette, par n'écouter que l'amour. Scène de Laurette & de Lufy.C'est ici qu'il déploie tout l'art de la féduc tion. Il fe plie dans tous les fens pour l'engager à le fuivre. Careffes, langage paffionné, promeffes, reproches, menaces, il emploie tout. Ne pouvant la réduire,il se livre au désespoir. Ses geftes & fes accens troublent, effrayent, accablent Laurette; elle s'évanouit. LuSy appelle fon valet pour la fecourir. Le valet confeille à fon maître de profiter de cet évanouiffement & d'enlever Laurette. Lufy eft révolté de la propofition.

Le valet fans l'écouter enlève Laurette. Lufy, que fon agitation avoit empêché de voir l'enlèvement, s'apperçoit que Laurette & fon valet ne font plus fur la fçène. Il dit quelques mots qui marquent fon trouble & fon incertitude, & quitte le Théâtre.

Le fecond Acte fe passe dans la petite maifon du Comte. Laurette, revenue de fon évanouiffement, s'eft trouvée dans une chaife de pofte; elle a gémi, pleuré; en arrivant elle a refufé de voir Lufy; elle a paffé la nuit dans les larmes, à regretter, à demander fon père. C'est ce que nous apprennent les deux premières fcènes, l'une de Lufy avec fon valet, l'autre du même avec Lau. rette. Cependant Lufy a fait écrire fous le nom d'une Dame à Bafile pour le raf sûrer fur la vie & le fort de Laurette. Dans la fcène avec Laurette, pour calmer les allarmes de la jeune païfanne au fujet de fon père, il lui dit que Bafile est rafsûré, qu'on lui a fait tenir une Lettre. Laurette prend le change; elle croit que Lufy a informé fon père de fes deffeins, de fon projet; qu'il va venir partager fon fort; qu'elle vivra con

tente entre lui & Lufy; elle le remercie; elle eft au comble de fa joie; elle lui déclare qu'elle l'aime. Lufy attendri & embarraffé de la méprife de Laurette n'ofe la détromper; il faifit un prétexte, la quitte & la laiffe entre les mains d'une femme de chambre jolie, jeune & adroite.Celle ci la pare, & lui fait l'éloge de fon amant; Laurette fon ge toujours au plaifir que fon père aura de la voir fi parée & fi brillante.

Arrive

une

couturière chargée d'un paquet d'étoffes. Cette couturière eft une efpèce d'entremetteufe ; elle Aatte Laurette fur fa beauté, fur fa taille, la met au deffus de toutes les filles de Paris, & remet à la femme de chambre une chanfon dont la morale est trèsfufpecte & fort analogue à la fituation où le trouve Laurette fans s'en douter. Quelques expreffions trop à découvert révoltent Laurette; elle renvoye tout le monde, & demeure livrée à fes réfléxions. C'est là qu'elle développe la nobleffe de fon ame; elle aime fans intérêt fon père & Lufy; elle prie celuici de lui amener fon père; c'eft le feul préfent qui puiffe lui plaire. Cependant

la Marquife de Clancé, furienfe du départ de Lufy & de Laurette, éclairée fur les projets & la perfidie de fon amant, connoiffant parfaitement fa petite maison qui avoit été le théâtre de leurs amours, avoit envoyé chercher Bafile, avoit paru partager fa douleur, l'avoit confolé, encouragé, lui avoit donné fes chevaux fa voiture & un guide pour le conduire. Le spectateur apprend tout cela dans la fcène de Bafile & de fa fille. Il eft arrivé; les gens du Comte n'ont ofé lui réfifter; ils lui ont ouvert paffage; il pénètre jufqu'au fallon où eft Laurette; celle-ci avertie par un valet, enchantée & au comble de la joie, va fe jetter entre les bras de fon père qui la repouffe avec févérité. Il l'interroge, il lui ouvre les yeux fur fa fituation, lui peint le mépris & l'ignominie de l'état auquel fon amant la destine; c'est une leçon frappante pour nos courtifannes; il lui ordonne de renoncer à un amour crimi nel & de le fuivre ; elle tremble, elle héfite, elle le fuit enfin, lorfque Lufy entre sur la fçène. Le vieillard indigné

lui met devant les yeux toute l'horreur de fa conduite, l'atrocité de fon projet, l'accable des reproches les plus mérités & les plus humilians, laiffe pourtant percer au travers de fon courroux l'ame la plus tendre & la plus fenfible. Lufy eft fubjugué par l'éloquence de la nature; il n'y tient plus; il se jette aux genoux du vieillard, lui demande en grace fa fille en mariage, intéreffe Bafile à la lui accorder en mettant à ce prix fon retour à la vertu. Bafile cède, & les deux amans font unis.

Cette Pièce, Monfieur, a excité les murmures & les applaudiffemens les plus marqués. Le premier Acte, au bal· let près qui étoit d'une longueur affommante, a généralement fait plaifir jusqu'à l'enlèvement, qui a révolté tout le monde avec raifon. L'auteur auroit dû le mettre en récit, & non le faire exécuter fous les yeux du Public. Le valet fit horreur après une pareille action ; on ne vouloit ni le voir ni l'écouter; on rejettoit même les remords de Lufy. Cette femme de chambre & certe couturière venoient dans un moment où l'intérêt étoit trop fort pour qu'on fe

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