Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

venoient remplir les emplois de la régie, les regardoient de mauvais œil, & qu'ils n'avoient point de logement. La nuit approchoit; il cherchoit un afyle pour fon époufe & n'en voyoit aucun; on lui dit qu'un de fes compatriotes grandement logé lui offroit un appartement & des rafraîchiffemens; il accepte. Le lendemain il va préfenrer au bureau la lettre de recommandation de l'adminiftrateur qui l'a engagé à ce voyage. Toutes les places font remplies, lui dit-on; vous arrivez trop tard. I fe retire le défefpoir dans le cœur; fon hôte le confole, obtient sa confiance & le récit de fes aventures.

L'auteur est né en Amérique; on l'envoya de bonne heure en France pour y être élevé. Au fortir du Collège il entre au fervice; il fert dans la dernière guerre fous M. le Maréchal de Broglie, & quitte lorfque ce brave Général ne commande plus ; il apprend la mort de fon père; ille pleure; l'amour foulage fa douleur;il alloit fouvent chez une Dame qu'un efprit philofophique élevoit au deffus de fon sexe; elle avoit une jeune fille; il en devient éperdu

כן

دو

[ocr errors]
[ocr errors]

de

ment amoureux. Un jour qu'il lui parloit de fa paffion il la vit s'attendrir & verfer des larmes ; il vole à fes pieds. » Belle Julie, pourquoi me dérobezvous ces pleurs ? Pourquoi ne les » verfez-vous pas dans mon fein, dans » le fein de celui qui vous adore, » celui qui veut s'unir à vous pour ja» mais, qui ne connoît de peines que »les vôtres. Hélas quelle main les ef » fuiera, fi vous refufez celle de votre ›époux? Mon époux, répéta-t-elle! Ah, jamais, jamais je ne pourrai vous » donner cet heureux nom; le Ciel injufte... O ma mère..... ma mère..... » s'écria-t-telle, que ne m'avez-vous » étouffée en naiffant, puifque la honte, puifque les mépris devoient couvrir » votre malheureufe fille. Vous, lui dis-je en l'interrompant? Eh, de quoi auriez-vous à rougir? Quel est l'hom» me affez vil pour méprifer une fille fage & vertueufe? Si vous m'aimez » fi je vous fuis cher, mon refpect & » mon amour chafferont loin de vous » cette idée injuste & aviliffante que >> vous avez de vous-même. Qui pourra m'empêcher d'être votre époux fi vous

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

daignez me donner cette main qui fe» roit mon bonheur? Je ne veux pas, » répondit cette fille aimable, faire tomber le voile qui eft devant vos » yeux; peut-être me mépriferiez vous » auffi & j'en mourrois de dou» leur.» La manière dont elle prononça ces mots étoit fi tendre que l'amant en fut touché; il preffa pour obtenir un éclairciffement; il l'obtint.

[ocr errors]
[ocr errors]

La jeune perfonne doit le jour à une mère féduite par un homme qui l'avoit trompée fous l'efpoir d'un hymen prochain. Elle apprit que cet homme qui » s'étoit montré fi tendre, qui lui avoit juré tant de fois de n'aimer qu'elle, que cet homme dont les difcours trompeurs l'avoient abusée, qui avoit porté dans fon fein la honte & le » deshonneur oublioit dans les bras » d'une autre fes fermens & les faveurs » qu'elle avoit eu la foibleffe de lui ac »corder. La fureur s'empare alors de » cette ame tendre & fenfible, & fuc» cède à cette paffion fi douce & fi bien»faifante.Dans fon emportement elle fe fait conduire chez fon amant parjure, pénètre, malgré fes gens, dans un

n

[ocr errors]
[ocr errors]

» cabinet reculé où elle le voit près » d'une femme méprifable; elle lan» ce fur lui des regards étincelans; » elle veut l'accabler d'injures; mais » la colère dont elle eft fuffoquée lui » coupe la parole; fon ame eft oppref» fée fée, fa bouche eft tremblante, fes "yeux font égarés, fes bras fe roidiffent, »fes genoux fléchiffent; elle tombe »évanouie aux pieds de celle qui lui » a ravile cœur de fon amant. Les foins qu'on lui porte, les caux fpiritueufes » lui rendent les forces; elle revient; »fes yeux s'ouvrent; elle les arrête un » inftant fur la vile créature qui lui eft préférée, les détourne avec dédain, » & quitte un lieu qui ne lui offre que » des objets de haine ou de mépris. Re» venue chez elle dans cette maifon » que l'amour a tant de fois embellie » de ce charme qui le fuit, elle voit » toute l'horreur de fon fort; elle l'en

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

vifage fous l'afpect le plus hideux; » elle ne fe regarde plus que comme » une malheureufe dévouée à la honte » & au mépris de toute la nature. Vi»vement pénétrée du fentiment de ses » peines, elle tombe dans un évanouif

fement dont elle ne revient que pour » répandre un torrent de larmes. » Elle donne le jour à une fille;elle meurt; une amie prend foin de cet enfant infortuné.

Ces nouvelles lumières ne déconcertent pas l'amour de l'Américain; il épouse fa maîtreffe; il fait venir fa fortune d'Amérique; un vaiffeau Anglois ferend maître de celui qui l'apporte; réduit à la misère la plus profonde, il va en Pruffe dans l'efpoir de trouver un emploi qui le faffe vivre. Enfin les adminiftrateurs de la régie des finances du Roi de Pruffe lui accordent une place; on l'envoye à Postdam; il fe fépare de fon époufe qui refte chez fon généreux hôte; il fent toute l'humiliation de fon état; le mépris & la haine des habitans l'accompagnent. Un jour un étranger le vient voir, s'étonne qu'il foit Commis, lui offre un asyle dans fa maifon & de l'occupation dans fon commerce où il pourra faire fortune; il quitte fon emploi, va joindre M. Schaap qui l'amène en Silésie, & de là à Hambourg où il fait fa réfidence.

Un jour qu'il avoit fini les affaires

« PrécédentContinuer »