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Légende dorée ou Hiftoires morales, un volume in-12; à Paris chez Dufour Libraire rue de la Vieille Draperie.

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Ces Hiftoires Morales font puifées dans nos anciennes Vies des Saints infolio;on s'attache ici feulement aux traits les plus piquans. La première Hiftoire eft celle d'Abraham, non du Patriarche, mais d'un noble Syrien qui renonça au monde pour fe confacrer à Dieu, & qui mourut dans la retraite au troifiéme fiécle. » Qu'un her» mite ait avec lui fa nièce, ce n'est pas » un crime; qu'elle foit jolie, ce n'eft » pas fa faute; qu'elle donne dans le » travers, c'est ce qui peut arriver, & » arriva en effet à la nièce d'Abraham. » Elle avoit à peine fept ans lorfqu'on » la lui amena dans fa cellule. Com»me elle étoit orpheline & donnoit » d'elle les idées les plus flatteufes, ce bon hermite fe chargea volontiers du foin de l'élever & fe fit un plaifir de » l'inftruire. L'amour de Dieu, la fuite » du mal, la recherche du bien: voilà » les fentimens qu'il tâcha de lui inf

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» pirer. La plus tendre des mères au»roit-elle pu faire davantage? » Un hermite voifin qui étoit jeune & aimable féduifit la nièce d'Abraham ; il n'avoit endoffé la haire que pour en venir plus facilement à bout. Il l'enlève, la conduit dans une ville, meurt & la laiffe fans reffources. Elle va demeurer dans une maifon de proftitution où fes charmes attirent toute la jeunese. Un jour un vieillard richement vêtu entre dans cette maifon; on lui préfente les portraits de toutes les jeunes perfonnes qui l'habitent; il s'arrête à la nièce d'Abraham; il paye; on la lui amène; c'eft Abraham lui-même qui inftruit des défordres de fa nièce, l'avoit fuivie, & cherchoit à la ramener au chemin de la vertu. »Je n'entrepren» drai point de rapporter tout ce qui fec

paffa alors entre Abraham & fa nièce; » chacun peut fe le figurer; je me con» tenterai de dire que les remontrances » du bon hermite produifirent leur ef» fet. La jeune perfonne confufe, in» terdite, fe jetta aux pieds de font " oncle, lui demanda pardon de fon

ingratitude, revint habiter fa cellule

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»& ne ceffa de pleurer fes crimes qu'en » ceffant de vivre. Reconnoître fes fau »tes, s'en corriger, c'eft l'héroïsme de la

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Jofaphat étoit fils d'un Roi idolâtre; il avoit eu le bonheur d'être inftruit des principes du Chriftianifme; fon père délefpéré fit jouer tous les refforts pour le ramener à l'idolâtrie. Un certain Théudas lui confeille de lui ôter tous les efclaves, tous fes confidens, & de ne lui donner que de jolies femmes. Pour le convaincre de l'efficacité de ce projet il lui raconte cette hiftoire. Un Roi puiffant de l'Indus venoit d'avoir un fils; il confulte les Mages fur fon fort; il apprend que cet enfant eft menacé de malheurs fi l'on n'a pas foin de l'élever jusqu'à l'âge de douze ans fans avoir vu autre chofe que ce qui eft néceffaire à la vie ; on fuit ce confeil. Le temps étant expiré on tire le jeune » Prince de l'efpèce de prifon où il étoit » renfermé; le Roi le fit venir à la » Cour, & lui permit de parcourir »fes Etats. Comme tout étoit not» veau pour lui il ne ceffoit de faire » des questions: Qu'est-ce que ceci? » Qu'est-ce que cela? Il vouloit tout

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» fçavoir, & retenoit parfaitement tout » ce qu'on lui difoit. Or il arriva qu'un » jour il apperçut deux femmes qui » fortoient du bain. Vous vous dou» tez bien, Seigneur, qu'il fit auffitôt » une question; elle embarrassa même »le Gouverneur; craignant qu'on ne » l'accufât d'indifcrétion, il répondit »que c'étoient des Diables.De retour de »fes courfes le jeune Prince fe rendit » auprès de fon père, qui lui de» manda en badinant ce qui l'avoit le

plus flatté de tout ce qu'il avoit vu; "il repliqua ingénûment: papa, ce » font les Diables : tant il est vrai,

ajoûta Theudas, que rien dans la na» ture n'a plus d'empire que les fem» mes; les fciences, les grandeurs, les » richesses peuvent exciter des defirs; »mais deux beaux yeux ont feuls le droit » de charmer tous les cœurs. Ainfi, Sei»gueur, employez ces armes contre » votre fils, & je vous réponds du sec» cès. » Le Roi de l'Indus ne manqua pas d'effayer cette expédient; il raf femble les plus belles femmes de fon Empire, & pendant le fommeil du Prince il change toute fa maison; à

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fon réveill il fe trouve environné de femmes charmantes; il reconnoît ce piége; il s'effraye. » A la tête des efclaves étoit une de ces brunes piquan» tes dont la bouche riante & vermeille » femble dire fans celle: aimez moi, car » je fuis la plus aimable des femmes. Jofaphat fans y fonger la fixa, & dès cet » inftant l'amour le mit au rang de fes fujets. Fière de fa conquête, la jeune perfonne en inftruifit le Roi qui lui » promit la main de fon fils fi elle par» venoit à lui faire changer de Religion. Qu'une pareille promeffe doit >> rendre une femme féduifante! Qu'elle » doit être à craindre pour celui dont » elle a fçu captiver le cœur! O Jofaphat, »que de rudes affauts à foutenir! Et » toi, Théudas, quel confeil as-tu don» né contre le fils de ton Roi! Se pour»roit-il que la beauté, ce rayon de la » divinité, fervît à la faire méconnoî"tre? Non, tes infâmes projets feront >> confondus. Trop foible pour réfifter à » l'amour, trop fage pour fe livrer au » crime, le Prince offrira fon cœur à la » jeune efclave; mais ce cœur ne chan» gera point de Religion, & n'oublie

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