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claration de l'innocence du parlement, qui avoit été accusé et injurié sans juste cause. Qu'il ne se feroit rien dans leurs assemblées qui ne fût pour le bien du service du Roi, pour celui du public, et repos de son Etat. Qu'il la conjuroit très-ardemment de leur continuer l'honneur de sa bienveillance, avec protestation qu'ils étoient ses très-humbles et très-obéissans et très-fidèles serviteurs.

Après que cette harangue fut finie, la Reine, tout interdite, fit approcher les gens du Roi, et leur dit que dans peu de jours elle feroit savoir ses volontés au parlement.

L'état de la France étoit tel, qu'il n'étoit plus temps de se porter à la rigueur sans la hasarder à de grandes révolutions. Le parlement avoit trop usurpé d'autorité. En refusant les grâces qu'on leur avoit offertes, ils avoient montré au peuple qu'ils ne demandoient que le bien public, et le remède des désordres de l'Etat. Ce même peuple étoit accablé de taxes et de tailles : le royaume étoit appauvri par les longues guerres ; tout le monde étoit mal content. Les courtisans haïssoient le ministre : tous vouloient le changement, par déréglement d'esprit plutôt que par raison. Le ministre étant méprisé, chacun prenoit la liberté de suivre son caprice: si bien qu'il leur paroissoit trèsjuste de crier contre les partisans, qui en effet sembloient être les seuls qui triomphoient des misères publiques. Les gens de bien, sans considérer que c'est un mal quelquefois nécessaire, et que tous les temps à cet égard ont été quasi égaux, espéroient par le désordre quelque plus grand ordre; et ce mot

de réformation leur plaisoit autant par un bon principe, qu'il étoit agréable à ceux qui souhaitoient le mal par l'excès de leur folie et de leur ambition; de sorte que tous, par différens motifs, s'emportoient à pester contre la Reine et contre son ministre, sans considérer qu'il n'étoit pas juste de souffrir que le parlement prît l'autorité de réformer l'Etat à sa voonté, et que cette réformation portoit en conséquence la destruction de la monarchie, par le bouleversement qu'un mélange si monstrueux, si opposé à nos lois, et si funeste à la royauté, devoit causer à l'Etat. Ces lois contiennent en elles sans doute les règles nécessaires à la conduite des peuples et à leur bonheur : elles sont équitables, la justice en est le fondement, et l'autorité royale en est et en doit être le soutien ; mais il faut aussi comprendre en les observant, selon que nous le devons faire, qu'elles nous soumettent, par l'ordre de Dieu, à la puissance suprême et unique de nos rois, sans qu'il nous soit loisible, sous aucun prétexte, d'y pouvoir jamais manquer. Si les parlemens avoient eu le pouvoir de corriger leurs fautes et celles de leurs ministres, nous ne savons pas si ceux qui les composeroient n'en feroient pas de plus grandes; s'ils ne banniroient point la vertu de dessus le trône pour y placer le vice, et si l'ambition et les passions de plusieurs ne seroient pas beaucoup plus dangereuses que celles d'un seul.

Par la docilité du cardinal Mazarin, et par les offres qu'il avoit faites à cette compagnie, elle avoit dû voir que si de bonne foi ils eussent aperçu quelque désordre dans les finances, et qu'alors ils en eussent demandé modestement la réformation, elle leur au

roit été accordée. Si par leur fidélité ils avoient servi le Roi utilement, et que par leurs très-humbles remontrances les peuples eussent pu recevoir du soulagement, ils auroient acquis cette réputation d'être des juges et des sujets sans reproche: ils auroient pu mériter cette gloire, que les rois mêmes à l'avenir auroient dû estimer en eux la probité, qui les auroit fait agir adroitement pour le bien du public et le bonheur de l'Etat. Mais ils étoient fort éloignés de ces sentimens, et leur audace démesurée fit croire au ministre que le meilleur parti étoit celui de la dissimulation. Il se résolut donc de faire cette réponse au parlement, qui fut infiniment blâmée par les deux partis. Le 29 de juin au soir, on leur manda les gens du Roi : Que la Reine a si bonne opinion de leur fidélité, qu'elle ne peut croire que leurs assemblées puissent être par leur volonté en aucune façon préjudiciables au service du Roi; que cela étant, elle leur permet de s'assembler, pourvu que toutes leurs délibérations aient à finir dans la semaine.

par

Le soir du 30 de juin, le cardinal dit à la Reine, devant toute la cour, qu'il venoit de recevoir des lettres de Flandre, par lesquelles on lui mandoit que les ennemis prenoient cœur sur les nouvelles qu'ils avoient du procédé du parlement; et qu'on avoit tellement commenté sur l'histoire, qu'ils croyoient Paris en armes; que cela, quoique faux, faisoit un mauvais effet pour les affaires du Roi, et animoit les étrangers à tout entreprendre. Comme il se sentoit alors battu par la tempête, il affectoit tellement l'humilité, qu'il dit ce même soir à madame de Senecay, qui lui parla de ses nièces qui étoient encore auprès

d'elle, qu'il la prioit de les nourrir en simples demoiselles; qu'il ne savoit encore ce qu'elles deviendroient, non plus que lui. Et comme il savoit qu'on l'accusoit de prendre de l'argent, il montroit, autant qu'il lui étoit possible, de n'être point intéressé, et disoit qu'il ne souhaitoit de la fortune et du bien que pour en faire part à ses amis.

Les députés du parlement et des autres compagnies souveraines s'assemblèrent dans la chambre de SaintLouis, selon leur volonté et le consentement de la Reine. Ils lui avoient extorqué cette permission malgré elle, dont ils faisoient peu de cas, aussi bien que de ses grâces, et des douceurs de son ministre. Les premières propositions qu'on y fit furent hardies, séditieuses, et toutes en faveur du public et du peuple, afin de s'en faire aimer, et de se donner de la force par ce qui fait la force même des rois.

I. La première proposition fut de remettre au peuple le quart des tailles qui se donnoient aux partisans.

II. De donner au peuple ce qu'ils devoient des dernières années, lesquelles ils ne pouvoient payer par leur insolvabilité.

III. De révoquer entièrement les intendans des provinces, qui profitoient, à la foule du peuple, de tels emplois; et rendre responsables des deniers du Roi les trésoriers de France, les élus, et les autres officiers commis à cet effet.

IV. Que nulle personne ne pourra être mise en prison, que passé vingt-quatre heures il ne soit interrogé par le parlement, qui à l'avenir doit prendre connoissance de la cause pour laquelle il y sera mis.

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V. Que nulles impositions ni taxes ne pourroient être mises sur le peuple, sans que les édits en fussent dûment vérifiés.

VI. Qu'il se fera une chambre de justice composée des quatre compagnies souveraines, pour juger souverainement des abus et malversations qui se sont faites dans les finances.

Voilà les principales propositions qui se firent dans cette assemblée, qui ne devoit travailler que pour le service du Roi. La Reine, dans cette extrémité, pour éviter que le parlement ne rétablit les maîtres des requêtes de sa propre autorité, leur fit ce bien sans qu'ils le lui demandassent. Après les avoir interdits et condamnés de sa propre bouche, elle fut forcée, malgré le mépris qu'ils avoient fait de ses grâces, de les remettre dans leur premier état; et, pour couvrir la honte de la royauté, on se servit de l'entremise de Monsieur, oncle du Roi, qui, sur un compliment que quelques-uns de leur compagnie lui firent pour le remercier de ce qu'il avoit témoigné les vouloir favoriser, leur offrit encore tout de nouveau d'y travailler; et eux, après en avoir eu la permission du parlement, l'acceptèrent volontiers. Ils commençoient à n'être pas si contens de ce que cette compagnie vouloit retrancher les intendans, parce que ces emplois paroissoient leur appartenir, et qu'ils y faisoient leurs affaires.

Les jours suivans [4 juillet], on continua les délibérations commencées, et le rapport s'en faisoit à la grand'chambre, où se donna un arrêt, le 4 du mois, qui révoquoit les intendans des provinces, comme gens qui ruinoient le peuple par leurs voleries; et les

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