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les intérêts des sommes, à raison de l'ordonnance; après lequel remboursement, tant du principal que des intérêts, et non autrement, lesdits offices et droits demeureront et seront actuellement supprimés.

<< XI. Et comme il est impossible de pourvoir présentement à tous les désordres qui se sont formés dans notre Etat, afin de faire connoître que nous ne désirons rien tant que les retrancher, nous déclarons que notre volonté est d'assembler, au plus tôt que nous pourrons, un conseil auquel seront appelés les princes de notre sang, et autres princes, ducs et pairs, et autres officiers de notre couronne, les gens de notre conseil, et les principaux officiers de nos cours souveraines étant à Paris; afin que, par leurs avis, nous puissions pourvoir d'un si bon réglement, tant sur le fait de la justice que de nos finances, que nos sujets en puissent recevoir un grand soulagement.

<< XII. Cependant, pour de grandes considérations importantes au bien de notre service, nous voulons que les députés des quatre compagnies cessent présentement de s'assembler. Ordonnons qu'à l'avenir aucunes assemblées ne pourront être faites à la chambre de Saint-Louis, que lorsqu'elles seront ordonnées par notre parlement, avec notre permission. Voulons que les officiers de notredite cour de parlement de Paris vaquent incessamment à rendre la justice à nos sujets, dont l'exercice a été interrompu plus longtemps que nous n'avons pensé. Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de parlement à Paris, que ces présentes ils aient à faire lire, publier et registrer, et le contenu en icelles garder et observer inviolablement

de point en point, selon leur forme et teneur, sans permettre qu'il y soit contrevenu en aucune sorte et manière que ce soit ; car tel est notre plaisir, etc.

« En témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes. Donné à Paris, le dernier jour de juillet l'an de grâce 1648, de notre règne le sixième. Louis; et plus bas : La Reine régente sa mère, présente.

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Cette déclaration lue, le procureur général Talon fit sa harangue, qui fut belle. Le chancelier ensuite prenant les voix, il y eut des conseillers assez insolens pour lui répondre qu'ils aviseroient le lendemain à ce qu'ils auroient à faire. Enfin ladite déclaration étant reçue et passée avec fort peu de ressentiment des grâces qu'on leur accordoit par elle, le chancelier revint à la Reine. Il parla à elle, à Monsieur et au gardinal Mazarin, puis se rassit, et publia derechef à la compagnie le don que la Reine leur faisoit du droit annuel, sans aucune condition, à savoir les quatre compagnies souveraines, la cour de parlement, chambre des comptes, grand conseil et cour des aides, durant neuf années. Il n'avoit point accoutumé de se donner par le Roi aux officiers, quand une fois il étoit fini, qu'à des conditions avantageuses, et qui alors, selon son besoin présent, lui eussent été commodes; mais les affaires étant aussi embrouillées qu'elles l'étoient, il fallut tout accorder sans aucune condition; et le Roi s'estimoit trop heureux qu'ils le voulussent recevoir de sa main avec quelque soumission de leur part.

La Reine, en sortant de la grand'chambre, dit au

premier président qu'elle attendoit de lui qu'il obéiroit aux ordres du Roi, et empêcheroit que désormais le parlement ne s'assemblât pas davantage. Elle dit aussi au président de Bellièvre que c'étoit à lui à commencer et à tenir sa chambre de la Tournelle. Ils répondirent avec respect qu'ils obéiroient; mais ils ne le purent faire.

Ce jour, le Roi parut plus beau que la dernière fois qu'il fut dans le parlement. La rougeur de son visage étoit passée : il étoit désenflé; mais il n'avoit plus cette beauté délicate qui le faisoit admirer de tout le monde: et les roses et les lis avoient quitté son teint, pour lui en laisser un qui étoit plus convenable à un guerrier qu'à une dame, mais qui étoit encore assez beau pour plaire aux plus belles, si son âge lui eût permis d'en avoir le désir. On remarqua pour lors que le peuple ne cria pas à son ordinaire vive le Roi, et qu'il continuoit à se refroidir pour lui.

Le soir, la Reine, parlant de tout ce qui s'étoit passé, nous dit qu'elle attendoit avec impatience ce qui se feroit le lendemain, qui se trouva pareil à beaucoup d'autres jours; car ils demandèrent tous à s'assembler, et le firent tumultuairement,.grondant contre le Roi de ce qu'il leur avoit défendu une chose qu'ils maintenoient être dans leur pouvoir. Ils ne parlèrent toutefois point de la chambre de Saint-Louis, qui étoit le chapitre délicat ; et le premier président, voulant un peu satisfaire la cour, les fit attendre si long-temps qu'enfin l'heure sonna, qui les sépara malgré eux; mais ce fut en criant tout haut qu'ils vouloient délibérer sur la déclaration du Roi, et que si on les en empêchoit, ils ne le souffriroient pas.

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Le ministre, à qui toutes ces brouilleries déplaisoient infiniment, eût fort souhaité qu'ils n'eussent point forcé la Reine d'en venir aux extrémités; et malgré les impatiences de cette princesse, qui ne pouvoit souffrir ce qui alloit au mépris de la royauté, il la retenoit pour voir si premièrement il n'y auroit point de moyen de porter ces farouches esprits à quelque accommodement. Cette modération étoit du génie du cardinal: il ne vouloit rien hasarder, et désiroit éviter par les négociations la guerre civile, qu'il craignoit pour l'Etat, et beaucoup plus pour lui en son particulier. Malgré toute sa prudence, le mal ne put finir cette race libertine voulut s'assembler, et, le 4 août, Monsieur fut contraint d'y aller. Ils opinèrent tous hardiment devant lui, et témoignèrent n'être point contens, et se soucier fort peu des ordres de la Reine. Ils déclamèrent contre leur premier président, de ce qu'il les empêchoit de s'assembler et de délibérer à leur gré sur cette déclaration; et ce prince revint trouver la Reine assez mal satisfait. Leurs opinions de ce jour furent à demeurer toujours assemblés jusqu'à ce que cette chambre de justice qu'ils demandoient fût établie, et délibérer incessamment tant sur le reste des propositions faites à la chambre de SaintLouis, que sur la déclaration. Ils ne parlèrent plus de continuer cette chambre de Saint-Louis que la Reine avoit défendue; mais l'autre étoit de la même conséquence sur quoi nous ne manquâmes pas de voir beaucoup de conseils au Palais-Royal, qui tous ne produisoient rien qui parût un remède efficace, et tel que l'état de ces désordres le demandoit.

A toutes ces mauvaises dispositions se mêla une

petite affaire de peu d'éclat, et qui étoit fâcheuse à cause de ses suites. Le duc de Beaufort étoit à l'une des maisons du duc de Vendôme son père. Il faisoit bonne chère à ses amis, attendant avec impatience que les brouilleries fussent assez fortes pour en profiter; et quand il savoit qu'il y avoit autour de lui des espions du ministre, il les faisoit chasser hardiment. Le duc de Vendôme avoit envoyé dans Paris un des siens, pour offrir aux parlementaires ses services et son assistance. Cet homme avoit été arrêté par les ordres de la Reine; et, pour augmenter les chagrins du jour, en la présence même de Monsieur, oncle du Roi, on apporta une requête au nom de ce prisonnier, qui demandoit d'être élargi et interrogé, selon les volontés du parlement. Cette compagnie avoit paru vouloir à l'avenir prendre connoissance de ceux que le Roi feroit arrêter, selon qu'on l'avoit proposé à la chambre de Saint-Louis: et le soir il fallut vitement le faire transférer de la Bastille au bois de Vincennes, de peur que le Roi n'en pût pas être le maître.

Monsieur retourna au parlement le 5 du mois d'août, pour assister à leurs délibérations. Comme ils virent qu'ils alloient entièrement aigrir l'esprit de la Reine s'ils ne lui obéissoient, et leur destinée n'étant pas encore dans le temps de s'accomplir, leur arrêt de ce jour fut d'obéir au Roi, et de travailler jusques après la mi-août aux affaires des particuliers. Ils députèrent quatre commissaires pour examiner les points de la déclaration, avec dessein de s'assembler et d'en délibérer tout de nouveau, quand bon leur sembleroit. Voilà donc le duc d'Orléans qui revient trouver la Reine, fort content d'avoir obtenu de cette com

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