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siéger, elle en partit avec précipitation pour aller à Exeter, où elle accoucha dans cette nécessité que je viens de représenter. Elle étoit malade d'une grande maladie qui avoit précédé sa grossesse, et peu en état de secourir le Roi son mari. En cette extrémité, elle fut contrainte de se mettre à couvert des maux dont sa personne et sa santé étoient menacées. Elle voulut venir en son pays natal boire des eaux de Bourbon, et chercher quelque sûreté pour sa vie. Elle fut reçue en France avec joie. Les peuples, qui la regardoient comme sœur, fille et tante de leurs rois, la respectèrent; et la Reine fut ravie de la pouvoir secourir dans ses malheurs, et de contribuer à les adoucir en tout ce qui étoit en son pouvoir, quoiqu'elle n'en eût pas été bien traitée, et en eût reçu de grands chagrins quand elle étoit encore en France car cette princesse étant soutenue de la Reine sa mère, qui n'aimoit point la Reine, elle lui faisoit de ces petites malices qui sont de grands maux à ceux qui les reçoivent dans les temps présens, mais qui ne sont pas capables d'altérer l'amitié quand ils sont passés. Le roi d'Angleterre avoit contribué à l'adoucissement de ces dégoûts; car depuis son mariage il avoit pris plaisir en toutes rencontres d'obliger la Reine, particulièrement en la personne de madame de Chevreuse pendant son exil: si bien que la reine d'Angleterre venant ici, la Reine eut une belle occasion de rendre en la personne de cette princesse affligée ce qu'elle devoit au roi d'Angleterre; et ces deux princesses ayant changé de sentimens, l'une fut bien aise d'obli ger l'autre et celle qui fut bien reçue et bien traitée en témoigna une grande reconnoissance. La reine

d'Angleterre demeura à Bourbon environ trois mois, pour tâcher de rétablir sa santé ; et la Reine lui offrit tout ce qui dépendoit du Roi et d'elle. J'ai eu l'honneur d'approcher familièrement de cette Reine malheureuse. J'ai su par elle-même le commencement et la suite de ses disgrâces; et comme elle m'a fait l'honneur de me les conter exactement dans un lieu solitaire où la paix et le repos régnoient sans aucun trouble, j'en ai écrit les plus remarquables événemens, que j'ai cru devoir mettre ici. La digression en sera un peu longue; mais les aventures d'un si grand roi et d'une princesse du sang de France nous touchent de si près, qu'on ne peut pas dire qu'elles soient mises hors de leur place dans des Mémoires où je ne peux pas m'empêcher d'en dire quelque chose; et je ne puis en rien dire de plus particulier et de plus considérable que ce que cette grande princesse m'en a appris. Je la laisserai à Bourbon, où la Reine, ne se contentant pas des offres qu'elle lui avoit faites, et qui n'étoient que des complimens', lui envoya tout l'argent qui étoit nécessaire pour sa subsistance, avec de grandes sommes qu'elle fit tenir au Roi son mari. Mais comme ce malheureux prince, qui n'avoit que trop de bonté, étoit destiné à servir d'un exemple formidable à tous les rois de la foiblesse de leur puissance, et du plaisir que la fortune prend quelquefois à se jouer des couronnes et renverser les trônes les mieux établis, pour les en ôter et les y remettre suivant son caprice, tout cela lui fut inutile.

Voici, selon ce que j'ai appris de cette princesse, quella été le sujet de sa venue en France, et de tous

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ses déplaisirs. Quoique plusieurs personnes aient voulu dire qu'elle en étoit la cause, on verra dans cette relation des preuves de sa générosité, et du zèle qu'elle a eu pour tâcher de remédier aux maux qui ont affligé ce grand royaume, qui étoit, lorsqu'elle y a été reçue, le plus florissant de l'Europe, et le soin qu'elle a pris d'apaiser les différens mouvemens qu'on y avoit suscités et je ne vois pas que ceux qui prétendent qu'elle a fait de si grandes fautes en citent aucune considérable, excepté une qu'elle m'a avouée ingénument; et quand elle en auroit fait un plus grand nombre, il n'y en pouvoit pas avoir qu'on pût penser devoir attirer nisur elle, ni sur le Roi son mari, nisur tous ses peuples, une si grande punition que de violer le caractère que Dieu imprime sur les personnes des rois, et le bouleversement d'un si grand royaume. Pour sa conduite particulière, je n'en puis rien savoir; mais s'il est vrai qu'elle en ait manqué, pour l'ordinaire il n'y a rien qui nous soit plus inconnu que nos propres défauts; et quand nous les voyons, nous n'avons pas assez de sincérité pour en convenir, et nous ne sommes pas obligés de les apprendre à ceux qui les ignorent, puisque nous sommes obligés de cacher ceux des autres. Mais je suis persuadée, à l'égard de la reine d'Angleterre, qu'elle m'a fait l'honneur de me dire les choses qui lui sont arrivées de la manière qu'elle les a vues et comme elle les a comprises et quant à ce qu'elle a bien voulu y joindre par tradition pour l'avoir appris dans sa cour, elle me l'a voulu dire, à cause qu'elle a cru être obligée de me le faire savoir, pour rappeler en sa mémoire les grands périls qu'elle a évités: ce qui fait

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du plaisir à raconter, et pour satisfaire ma curiosité. Pour cela, elle s'est occupée quelques jours à se donner la peine de me faire le récit de ses malheurs avec assez d'ordre et de netteté pour les pouvoir retenir, et j'ai écrit tous les soirs fort exactement ce qu'elle m'a conté, sans rien changer au fond de cette histoire.

ABRÉGÉ (

DES RÉVOLUTIONS D'ANGLETERRE.

HENRI

ENRI VIII, roi d'Angleterre, avoit été défenseur de la religion catholique tout le temps qu'il avoit bien vécu avec la reine Catherine d'Autriche, fille de Ferdinand, sa première femme; mais comme ce mariage avoit été fait par considération d'Etat, il n'avoit été heureux qu'en cela. Il en avoit été bientôt dégoûté, et n'étoit pas content de n'en avoir qu'une fille, qui étoit madame Marie. D'ailleurs le cardinal Volsey, qui avoit gagné ses bonnes grâces en le déchargeant du soin des affaires d'Etat et le laissant abandonner à toutes ses passions, lui faisoit entendre qu'on pouvoit disputer la couronne à Marie, qu'on pourroit considérer comme bâtarde à cause que Catherine étoit veuve d'Artus son frère ; et encore qu'il l'eût épousée avec dispense, il lui étoit fort aisé de faire déclarer ce mariage nul. Ce prince, qui auroit bien voulu épouser Anne de Boulen dont il étoit fort amoureux, trouvant par les consultations faites en France et en

(1) Abrégé : Cette relation est très-curieuse en ce qu'elle contient des anecdotes peu connues. Nous n'en releverons ni les omissions ni les inexactitudes, parce que nos remarques exigeroient trop de développemens, et que d'ailleurs l'histoire de la révolution d'Angleterre n'entre pas dans le plan de cette collection.

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