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elle eut un violent point de côté qui dura six semaines. Quand on s'informait de sa santé, elle répondait : « Que >> je suis heureuse de devoir goûter aussi de la coupe d'a» mertume! » Après des souffrances inouïes, et après avoir reçu les saints Sacremens, elle mourut dans le Seigneur le 9 Avril 1744, qui était le dimanche de Pâques. Sa dépouille mortelle fut inhumée dans l'église.

Aussitôt qu'elle fut morte, on accourut, même des pays éloignés, à son tombeau, où il s'opéra par son intercession des guérisons miraculeuses. L'évêque Clément Wenceslas instruisit le procès de sa béatification, et le 2 Août 1801 elle fut déclarée vénérable à cause de ses héroïques

vertus.

10 Avril.

S. BADÈME, ABBÉ ET MARTYR EN PERSE.

Tiré de ses actes originaux, écrits en syriaque par saint Maruthas, et publiés par M. Assémani, t. I, p. 165. Henschénius, p. 828, et Ruinard, p. 680, ont donné, d'après Métaphraste, des actes grecs du même Saint.

L'AN 376.

BADÈME, issu d'une famille noble et riche, était de Bethlapète, ville de Perse. Animé du désir de se consacrer entièrement au service de Dieu, il bâtit auprès du lieu de sa naissance un monastère qu'il gouverna avec beaucoup de sainteté. Il vivait dans la plus grande pureté de cœur, et l'odeur de ses vertus était si puissante, que ceux qui approchaient de lui se sentaient intérieurement portés à aimer Dieu. Il veillait les nuits entières, et passait quelquefois plusieurs jours de suite sans manger. Du pain et de l'eau faisaient sa nourriture ordinaire. Ses religieux,

qu'il conduisait avec autant de zèle que de douceur et de charité, marchaient à grands pas dans les voies de la perfection. Pour lui, il jouissait de cette paix et de cette tranquillité qu'une ame fidèle trouve dans la retraite, et dont les gens du monde n'ont pas la plus légère idée.

Mais Dieu voulut couronner sa vertu par les épreuves. Il fut arrêté, avec sept de ses disciples, la trente-sixième année de la persécution du Roi Sapor. On le mit, chargé de fers, dans une horrible prison, où il resta quatre mois. Durant tout ce temps-là, il reçut chaque jour un certain nombre de coups de fouet, qu'il souffrit avec patience et avec joie. Nersan, prince d'Asie, et seigneur de la cour de Perse, était aussi en prison à cause du refus qu'il faisait d'adorer le soleil. Malheureusement son courage se démentit : la vue des tortures l'effraya, et il promit de faire tout ce qu'on exigeait de lui. Sapor, pour s'assurer de la sincérité de son changement, fit usage du moyen suivant. Il ordonna d'amener Badème à Lapète, et de l'introduire dans la chambre du palais qui servait de prison à Nersan. On mit une épée dans la main de l'apostat, et on lui dit de percer le Saint; on lui ajouta que c'était l'unique parti qu'il eût à prendre pour recouvrer sa liberté, et sa première dignité. Nersan accepta la condition: il leva donc le bras pour plonger le fer meurtrier dans le sein de Badème; mais il n'en eut point la force; une frayeur subite s'empara de son ame, et le rendit comme immobile.

Le serviteur de Jésus-Christ, qui ne soupirait qu'après le martyre, lui dit en le regardant : « Malheureux! vous » ne voyez donc pas l'abîme où vous précipite votre apos» tasie? Je cours à la mort avec joie; mais je voudrais la >> recevoir d'une autre main que de la vôtre. Pourquoi faut» il que vous me serviez de bourreau ? » Nersan n'eut d'abord le courage ni de se repentir, ni d'achever son crime. Il s'anima cependant le mieux qu'il put, et frappa

le martyr d'une main tremblante mais sa maladresse, occasionnée par le sentiment d'une crainte mêlée de honte et de respect pour le Saint, fit que les coups portèrent à faux. Les assistans ne purent voir sans admiration la patience de Badème, dont le corps était couvert d'un grand nombre de plaies; ils détestaient en même temps la cruauté de son meurtrier. A la fin pourtant l'apostat visa au cou du Saint, et lui abattit la tête, après l'avoir fait longtemps languir: mais il ne tarda pas à ressentir les effets de la vengeance divine; il fut disgrâcié au bout de quelque temps, et perdit la vie par une mort violente, accablé de malédictions. Bel exemple pour ceux qui sacrifient leur religion aux promesses d'un monde perfide.

Le corps du Saint fut traîné hors de la ville par les infidèles; mais les chrétiens l'ayant enlevé secrètement, lui rendirent les honneurs de la sépulture. Quatre ans après, le Roi Sapor étant mort, ses disciples furent mis en liberté. Saint Badème souffrit le 9 Avril, l'an de JésusChrist 376 et le 67° du règne de Sapor. Les Grecs font sa fête le 10 Avril.

Les Perses et les Syriens appelaient les moines pleureurs, à cause de cet esprit de componction dans lequel ils vivaient, et parce qu'ils embrassaient d'une manière plus parfaite que les autres chrétiens, les austères travaux de la pénitence. Durant plusieurs siècles, on leur donna souvent dans tout l'Orient le nom d'anges (1), parce que leur principale occupation était de chanter les louanges du Seigneur, et de vaquer à la contemplation des choses célestes, et qu'en s'acquittant comme il faut de ces exercices, ils faisaient sur la terre l'office des anges. Une ame en effet où règne la charité, devient une espèce de ciel

(1) Voyez le glossaire de la langue grecque du moyen âge, par Du Cange.

dans lequel Dieu habite; elle peut, sans sortir d'elle-même, converser avec lui. Sa pauvreté et sa bassesse ne la jettent point dans le découragement; elle sait que Dieu l'invite à s'entretenir avec lui, et qu'il aime à converser avec ceux qui le cherchent. O qui pourrait concevoir les délices ineffables que goûte une ame unie intimement à son Dieu! Les mondains demandent ce que des hommes peuvent faire toute leur vie dans la solitude, et comment ils peuvent s'ensevelir ainsi tout vivans; mais ceux qui ont éprouvé le bonheur des vrais solitaires, demandent à leur tour aux mondains comment des hommes créés pour le ciel vivent dans une dissipation continuelle, et ne pensent presque jamais à Dieu, dont la présence ravira les bienheureux pendant toute l'éternité.

LA B. MECHTILDE, VIERGE ET ABBESSE.

L'AN 1300.

SAINTE MECHTILDE et sainte Gertrude, sa sœur, naquirent à Islèbe, dans la Haute-Saxe. Elles étaient comtesses de Hackeborn (1), et proches parentes de l'Empereur Frédéric II. Mechtilde fut élevée chez les Bénédictines de Rédaresdorff ou Rodersdorff, au diocèse de Halberstad (2).

(1) Hackeborn est une des plus anciennes familles nobles. La maison de ce nom était située à un mille de Grüningen, au-dessous de Croppenstadt, du côté du Hackelwald. Elle portait en partie le titre de comte et en partie celui de baron; elle résidait à Helpede près d'Eisleben, et possédait aussi Wippra. Déjà en 979 il est question des seigneurs de Hagen ou Hackeborn, qui ont élevé le Hackeborn de Halle. Albert II et Louis de Hackeborn ont fondé au milieu du treizième siècle, à Hadersleben, dans le diocèse d'Halberstadt, un couvent de religieuses de l'ordre de Citeaux. Note de l'édition allemande. (2) Ce monastère fut sécularisé et cédé à l'électeur de Brandebourg, à la paix de Westphalie, en 1648.

Elle montra, dès ces premières années, une grande innocence de mœurs, et beaucoup d'éloignement pour les vanités mondaines. Son obéissance charmait ses supérieures on la voyait toujours exécuter avec autant de joie que de ponctualité ce qui lui avait été prescrit. Son amour pour la mortification frappait toutes les personnes qui vivaient avec elle. Jamais elle ne flattait son corps, et quoiqu'elle fût d'une complexion très-délicate, elle s'interdisait l'usage de la viande et du vin. Son humilité lui faisait éviter tout ce qui aurait pu sentir l'ostentation : elle prenait même autant de soin pour cacher ses vertus, que les autres en prennent ordinairement pour cacher leurs vices.

Elle ne voulut point sortir de la solitude; et quand elle fut en âge de se consacrer à Dieu par des vœux, elle fit profession dans le monastère de Rodersdorff. Quelque temps après, on l'envoya à Diessen, en Bavière, où elle devint supérieure du monastère de ce nom (1). Elle y introduisit bientôt la pratique des plus sublimes vertus. Persuadée qu'on ne peut atteindre à la perfection monastique, sans une exacte observance de tous les points de la règle, elle exhortait ses sœurs à s'y conformer avec promptitude, et à anticiper plutôt sur le temps marqué pour chaque exercice, qu'à se permettre le moindre retardement par négligence.

(1) En latin Damasia; il était auprès du lac d'Ambre, non loin du bourg de Diessen, dans l'ancienne juridiction domaniale de Landesberg, et appartenait au diocèse d'Augsbourg. Il est aujourd'hui dans le cercle de l'Isar. Quoiqu'il ait été long-temps desservi par des chanoinesses régulières de S. Augustin, il paraît qu'on y suivait la règle de S. Benoît lorsque la B. Mechtilde en était supérieure. Il avait été fondé, en 1132, par Bertkold, comte d'Andechs. Saint Othon, évêque de Bamberg, lui donna des biens considérables.

Note augmentée d'après l'allemand.

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